Nos ancêtres mammifères auraient coexisté avec les dinosaures, suggère une nouvelle étude

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Les mammifères placentaires auraient commencé à se diversifier avant la chute de l'astéroïde ayant exterminé les dinosaures. | Université de Bristol
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Il existe un débat de longue date issu de la question suivante : les caractéristiques clés de mammifères placentaires — nos plus lointains ancêtres de cette lignée — sont-ils apparus avant ou après l’extermination des dinosaures par l’astéroïde qui a frappé la Terre ? Une nouvelle étude basée sur des analyses statistiques suggère que les mammifères placentaires ont probablement coexisté avec les dinosaures pendant une courte période avant leur disparition définitive. Ces résultats mettront-ils fin au débat ?

Il y a 66 millions d’années, un astéroïde a frappé la Terre et a exterminé tous les dinosaures non aviaires, lors d’un évènement connu sous le nom d’extinction massive du Crétacé-Paléogène (limite K-Pg), marquant la fin et le début des deux ères géologiques. Étant donné que selon les archives fossiles de mammifères placentaires (Placentalia), ceux-ci n’ont été retrouvés que dans roches ultérieures à cette date, les scientifiques pensent que cette lignée ne s’est diversifiée que longtemps après le cataclysme. Bien que largement acceptée, l’hypothèse est toujours débattue.

Des hypothèses contradictoires

L’hypothèse largement acceptée se base sur un modèle de diversification « explosif » des mammifères placentaires. Elle énonce notamment que la quasi-totalité de la diversification de la lignée se serait produite environ 100 000 ans après l’extinction de masse. Cette déduction a été majoritairement établie par le biais d’une lecture littérale des données fossilifères.

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Cependant, un certain nombre d’experts réfutent cette théorie, suggérant que l’on ne peut se fier à la lecture littérale des fossiles, étant donné que les premières apparitions stratigraphiques des taxons ne correspondent pas à leur époque d’origine. L’utilisation des techniques d’horloge moléculaire serait plus à même de fournir des précisions. Mais là encore, les analyses ont donné naissance à différentes suppositions plus ou moins contradictoires concernant le moment et le rythme de la diversification des mammifères placentaires.

En effet, la difficulté à établir cette chronologie provient en majeure partie des incertitudes concernant la phylogénie des mammifères (les relations de parenté entre des séquences de nucléotides ou d’acides aminés). Il est par exemple largement accepté que les Laurasiatheria et les Euarchontoglires composent les Boreoeutheria. Mais l’ordre de ramification de ces derniers, ainsi que des Xenarthra et des Afrotheria, demeure un mystère. Ce manque de précision impacte de manière considérable l’estimation de l’âge d’origine de l’ensemble des clades.

Les premières estimations basées sur l’horloge moléculaire indiquent que la lignée des mammifères placentaires (Placentalia) et les différents ordres placentaires sont apparus à la fin du crétacé, lorsque les dinosaures subsistaient encore, peu avant le cataclysme. Toutefois, cette estimation a été une fois de plus réfutée par d’autres analyses basées sur un modèle d’horloge moléculaire dite « détendue ». Les résultats de ce modèle ont suggéré que les mammifères placentaires sont apparus au Crétacé supérieur.

De leur côté, les auteurs de la nouvelle étude, parue dans Current Biology, proposent une nouvelle approche basée sur des analyses statistiques approfondies. La méthode, appelée « pont bayésien-brownien », estime l’âge des clades sur la base des archives fossiles de la diversification moderne des placentaires. Il s’agit notamment d’une analyse probabiliste des fossiles collectés, permettant d’établir des modèles d’évolution sur des périodes où il y en a très peu ou pas du tout.

age extinction clade
Estimations de l’âge et du temps d’extinction des clades pour les familles de mammifères placentaires. Chaque ligne représente une famille (classée par ordre et clade), avec des intervalles à 95% de certitude. 93 familles ont des intervalles crédibles s’étendant jusqu’au Crétacé, mais beaucoup seraient apparues après la limite K-Pg.  © Current Biology

Une analyse basée sur des calculs de probabilités

La nouvelle analyse, menée par des chercheurs de l’Université de Bristol et de Fribourg, comprend des milliers de fossiles de mammifères placentaires, remontant approximativement jusqu’à l’extinction des dinosaures. L’auteure principale de l’étude, Emily Carlisle du département des sciences de la Terre de Bristol, explique : « Nous avons rassemblé des milliers de fossiles de mammifères placentaires et avons pu voir les schémas d’origine et d’extinction des différents groupes. Sur cette base, nous avons pu estimer quand les mammifères placentaires ont évolué ».

D’après les experts, la divergence de lignée doit logiquement se produire longtemps avant qu’elle ne puisse se manifester phénotypiquement, chez les ordres descendants. En outre, l’hétérogénéité des archives rupestres et fossiles implique qu’ils devraient être interprétés et non lus littéralement. Dans ce sens, le modèle nouvellement développé estime l’âge d’origine de ces archives, et le cas échéant, l’extinction de l’ordre ou de la lignée.

Plus précisément, les âges d’origine sont estimés en fonction du moment où les lignées apparaissent pour la première fois dans les archives fossiles, tandis que les moments d’extinction sont évalués selon les dernières apparitions. En examinant à la fois les origines et les moments d’extinction, l’on pourrait également en savoir plus sur les impacts des évènements cataclysmiques sur l’évolution des espèces.

Les résultats de la nouvelle approche suggèrent que l’origine des placentaires remonte au Crétacé supérieur et que les groupes de couronne ordinaux (93 familles) ont pris naissance pendant ou après l’extinction massive des dinosaures. De ce fait, le modèle soutient que la diversification de la lignée Placentalia a débuté peu de temps avant la chute de l’astéroïde. Les calculs de probabilités indiquent ainsi que de nombreuses lignées placentaires modernes — dont celle des primates, des lagomorphes et des carnivores — sont apparues au moment où la plupart des dinosaures existaient encore.

Mais comment nos ancêtres placentaires auraient-ils survécu à un cataclysme planétaire alors que les dinosaures ont tous disparu ? Cette question déstabilise à elle seule ces nouveaux résultats. Cependant, la diversification massive des Placentalia n’aurait vraiment eu lieu qu’après la disparition des dinosaures. Cette hypothèse suppose que la diversification accélérée a été stimulée par la perte de prédateurs. Ainsi, les chercheurs de la nouvelle étude soutiennent et réfutent à la fois la théorie largement acceptée du modèle Paléogène de diversification explosive.

Source : Current Biology

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