Des os vieux de 22 millions d’années découverts récemment révèlent l’existence d’une ancienne créature carnivore, qui régnait bien avant nos grands félins. Nous attribuons depuis longtemps le titre de « roi de la savane » à nos lions actuels, mais un nouveau carnivore de l’Afrique ancienne aurait pu être un digne rival pour le trône.
L’énorme prédateur, nommé Simbakubwa kutokaafrika (soit « grand lion d’Afrique » en swahili), parcourait ce qui est aujourd’hui le Kenya, il y a de ça environ 22 millions d’années. L’animal qui était probablement plus grand qu’un ours polaire, a été décrit le 18 avril 2019 dans le Journal of Vertebrate Paleontology.
Mais il ne faut pas se fier à son nom… Simbakubwa n’était en effet pas un félin, il a appartenait à un groupe d’animaux appelé hyénodontes, qui comprend certains des plus grands mammifères prédateurs ayant jamais existé sur Terre. Les hyénodontes étaient les principaux carnivores avant que les hyénes, les grands félins et les ours ne deviennent les animaux les plus redoutés.
Arborez un message climatique percutant 🌍
Le fossile de Simbakubwa décrit dans l’étude a été déterré entre 1978 et 1981. Mais sa véritable identité a échappé aux chercheurs jusqu’en 2013, lorsque le paléontologue Matt Borths a fouillé dans la collection de fossiles de mammifères du Nairobi National Museum, au Kenya.
Borths, qui était en visite du Duke Lemur Center à Durham, en Caroline du Nord, a aperçu la mâchoire d’un énorme carnivore préhistorique. L’os était si gros qu’il a dû être archivé sur des étagères spéciales.
« J’ai été choqué quand j’ai ouvert le tiroir pour la première fois », déclare Borths. Il reconnaissait la mâchoire comme étant celle d’un hyénodonte, mais elle était beaucoup plus grande et plus complète que la plupart des exemples qu’il avait vus auparavant, et en meilleur état. « Les spécimens sont si joliment conservés ».
Borths s’est ensuite joint à Nancy Stevens, une paléontologue de l’Université de l’Ohio à Athènes, dont il savait qu’elle avait étudié des fossiles du même site où Simbakubwa avait été trouvé. Les deux ont travaillé ensemble pour étudier le carnivore géant.
Heather Ahrens, paléontologue à la High Point University en Caroline du Nord, convient que « de nombreuses caractéristiques différencient Simbakubwa des hyénodontes géants précédemment connus », ajoutant une autre espèce à la liste de ces grands carnivores éteints.
Simbakubwa et d’autres hyénodontes géants, tels que Megistotherium, étaient une forme très différente de carnivore — par rapport à leurs semblables modernes. Alors que les carnivores modernes ont une seule rangée de dents postérieures, qui sont disposées pour mâcher de la viande, les hyénodontes avaient trois séries de dents pour trancher la viande.
« Toutes ces « lames » supplémentaires leur ont donné une mâchoire relativement longue, qui leur conférait une tête un peu « trop grosse » pour leur corps », explique Borths. « J’imagine qu’ils ressemblaient un peu aux wargs du Seigneur des Anneaux ».
Cet arsenal dentaire a contribué à l’expansion des hyénodontes géants d’Afrique en Eurasie. Les bêtes géantes sont devenues des prédateurs de premier plan dans leur habitat — mais cela peut être une position précaire.
L’éventuelle disparition des hyénodontes n’a été provoquée par aucun facteur anatomique selon Borths. Au contraire, les carnivores auraient pu succomber aux changements climatiques dramatiques.
Les hyénodontes géants s’attaquaient probablement aux grands herbivores tels que les premiers éléphants, les hippopotames parents appelés anthracètes et les hyrax géants. Lorsque les oscillations de plus en plus marquées entre les saisons pluvieuses et sèches ont provoqué la propagation des prairies il y a environ 10 millions d’années, les proies préférées des hyénodontes sont peut-être devenues rares ou ont complètement disparu.
Ces animaux ont néanmoins persisté pendant 15 millions d’années, faisant partie d’une famille plus grande, qui remonte à plus de 56 millions d’années. Simbakubwa aurait pu ressembler à un monstre d’un roman de J. R. R. Tolkien, mais il appartenait à l’une des dynasties carnivores les plus réussies de tous les temps.
La découverte de ce fossile est également précieuse d’un autre point de vue, car elle nous rappelle, selon Borth, les découvertes qui se cachent dans les trophées de spécimens des musées. Le mois dernier, par exemple, une autre équipe de chercheurs a décrit une nouvelle espèce de mastodonte nord-américain à partir de fossiles non reconnus dans les collections du Western Science Center à Hemet, en Californie, depuis près de deux décennies.
« Il y a probablement des tonnes, littéralement, de nouvelles espèces qui se cachent dans les collections des musées », conclut Borths.