En utilisant le télescope spatial James Webb (JWST), des chercheurs ont découvert ZF-UDS-7329, une galaxie au repos si massive et si ancienne que son existence même devrait être théoriquement impossible. Elle est estimée à 11,5 milliards d’années et abrite une grande population d’étoiles beaucoup plus anciennes (qui se seraient formées 1,5 milliard d’années plus tôt) — une période où il n’y avait théoriquement pas assez de matière noire pour permettre leur formation.
La formation des galaxies est un paradigme fondamental du modèle standard de la cosmologie. Selon ce modèle, les premières galaxies se sont formées par le biais de l’attraction gravitationnelle induite par l’agglomération de la matière noire dans l’Univers primitif. La matière noire s’est entre autres rassemblée en halos, autour desquels la matière ordinaire s’est condensée pour former les premières « graines » de galaxies (protogalaxies).
Environ 1 à 2 milliards d’années après le Big Bang, ces graines auraient ensuite évolué pour donner naissance à des galaxies naines, qui se seraient rassemblées à leur tour pour former les galaxies massives telles que la nôtre. En d’autres termes, les galaxies au début de l’Univers ne devraient normalement pas être plus massives que celles nées beaucoup plus tard.
Cependant, des galaxies au repos (c’est-à-dire qui ne forment plus d’étoiles) extrêmement massives ont récemment été détectées par le télescope James Webb, nées entre 1 et 2 milliards d’années seulement après le Big Bang. Cela remet en question les modèles théoriques standards sur la formation de ces structures, car elles se seraient ainsi formées 300 à 500 millions d’années plus tôt qu’estimé.
« La présence de ces galaxies extrêmement massives si tôt dans l’Univers pose des défis importants à notre modèle standard de la cosmologie », explique dans un communiqué de l’Université technologique de Swinburne (en Australie), Claudia Lagos, professeure d’astronomie au Centre international de recherche en radioastronomie (ICRAR) de l’Université d’Australie-Occidentale. En effet, « la formation des galaxies est en grande partie dictée par la manière dont la matière noire se concentre », a-t-elle ajouté. Or, les halos massifs de matière noire nécessaires à la concentration de la matière standard formant les premières galaxies n’auraient pas encore eu le temps de se former aussi tôt dans l’Univers.
Dans leur nouvelle étude, décrite dans la revue Nature, Lagos et ses collègues présentent une galaxie primitive plus massive que la Voie lactée, défiant une fois de plus les limites théoriques du modèle standard. Baptisée ZF-UDS-7329 (ou JWST-7329), elle abrite notamment 4 fois plus d’étoiles que notre galaxie, bien qu’elle se soit formée seulement 800 millions d’années après le Big Bang — une contradiction qui déconcerte les scientifiques.
Les limites théoriques du modèle standard mises au défi
Pour détecter ZF-UDS-7329, les chercheurs de la nouvelle étude se sont initialement appuyés sur le télescope Keck (à Hawaï) et le Very Large Telescope (au Chili), les deux plus puissants télescopes terrestres. Alors que leurs travaux ont débuté en 2010, les résolutions obtenues n’étaient pas suffisantes pour estimer l’âge de la galaxie. « C’était trop [décalé vers le] rouge et trop faible, et nous ne pouvions pas le mesurer. En fin de compte, nous avons dû quitter la Terre et utiliser le JWST pour confirmer sa nature », explique l’auteur principal de l’étude, Karl Glazebrook, de l’Université de technologie de Swinburne.
Après avoir analysé les données spectrométriques issues de James Webb, les chercheurs ont découvert que ZF-UDS-7329 était âgée de 11,5 milliards d’années et abritait une population d’étoiles beaucoup plus anciennes, nées 1,5 milliard d’années plus tôt (avec un décalage vers le rouge de 11) — soit il y a environ 13 milliards d’années. Cela signifie que cette galaxie s’est formée sans qu’une quantité suffisante de matière soit présente selon le modèle cosmologique standard, ce qui est théoriquement impossible. En outre, le nombre d’étoiles suggère qu’il y a eu une soudaine explosion de naissances, mais qui s’est brusquement arrêtée peu après la formation de la galaxie.
« Cela repousse les limites de notre compréhension actuelle de la façon dont les galaxies se forment et évoluent », a déclaré dans le communiqué Themiya Nanayakkara de l’Université de technologie de Swinburne, également coauteur de la recherche. La prochaine étape sera de savoir comment ces galaxies mystérieuses se forment et pourquoi elles entrent brusquement dans un état de repos alors que les autres galaxies de l’Univers continuent de former des étoiles.
« Cette observation pourrait indiquer la présence de populations non détectées de galaxies primitives et la possibilité de lacunes importantes dans notre compréhension des premières populations stellaires, de la formation des galaxies et/ou de la nature de la matière noire », concluent les experts dans leur document.