Des physiciens ont confirmé le mystérieux phénomène (jusqu’ici purement théorique) des « Anneaux d’Alice » — faisant référence aux contes de Lewis Carroll. Cette réalisation, liée à la manière dont les monopôles (un type de magnétisme unilatéral) se désintègrent, pourrait bouleverser notre compréhension actuelle de la physique quantique. La confirmation de l’existence de ces anneaux offre une vision renouvelée des interactions particulières et suggère des propriétés encore inexplorées de la réalité quantique, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives de recherche.
En physique quantique, d’intrigantes structures semblables à des boucles ont été détectées au sein d’un gaz à température extrêmement basse, ouvrant une fenêtre sur un type de magnétisme unilatéral, les monopôles. Ces formations circulaires, baptisées « anneaux d’Alice » en écho aux célèbres aventures d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, ont été mises en lumière par le biais d’une collaboration internationale entre des équipes de chercheurs américains et finlandais.
Ces anneaux semblent confirmer une théorie vieille de plusieurs décennies sur la manière dont les monopôles se désintègrent. Plus précisément, ils se transforment en un vortex en forme d’anneau, où les monopôles traversant son centre sont inversés en charges magnétiques opposées. Ils pourraient bien redéfinir notre compréhension des phénomènes magnétiques et de leur manifestation dans la réalité. Les travaux de la « Monopole Collaboration » sont disponibles dans la revue Nature Communications.
Monopôles insaisissables
En physique quantique, les monopôles représentent une énigme intrigante. Alors que les dipôles, largement reconnus, sont caractérisés par deux charges opposées — l’une positive et l’autre négative — les monopôles quant à eux, se distinguent par la singularité de leur charge. Ils ne possèdent qu’une seule charge, définie soit comme positive, soit comme négative. Cette singularité les rend particulièrement difficiles à réaliser et à étudier.
Malgré ces défis, l’équipe de chercheurs a donc franchi une étape significative. En utilisant une technique avancée, ils ont manipulé un gaz composé d’atomes de rubidium, le refroidissant à une température extrêmement basse, proche du zéro absolu. Dans ces conditions, ils ont réussi à créer un monopôle en dirigeant le point zéro d’un champ magnétique tridimensionnel vers le gaz quantique.
Notons que l’équipe a initialement prouvé l’existence d’un analogue quantique du monopôle magnétique en 2014 et a isolé des monopôles quantiques en 2015 dans un état ultra-froid d’atomes de rubidium appelé condensat de Bose-Einstein (BEC). Elle a finalement observé une désintégration en 2017.
D’étranges « anneaux d’Alice »
Néanmoins, ces monopôles quantiques sont éphémères, se désintégrant quelques millisecondes après leur création. C’est dans cette instabilité que l’anneau d’Alice prend forme. Alors que la durée de vie des monopôles est fugace, les anneaux d’Alice démontrent une résilience surprenante. Des simulations ont montré que ces anneaux peuvent subsister pendant 84 millisecondes, une durée qui dépasse de loin celle des monopôles : de plus de vingt fois.
Mikko Möttönen, de l’Université Aalto, co-auteur de l’étude, souligne dans un communiqué : « C’est la première fois que notre collaboration parvient à créer des anneaux d’Alice dans la nature, ce qui est une réussite monumentale ». Ces observations suggèrent que l’anneau d’Alice possède des caractéristiques encore inconnues, renfermant potentiellement des secrets sur la nature même de la réalité quantique.
Les anneaux d’Alice sont-ils l’entrée d’un nouveau monde ?
L’anneau d’Alice, à première vue, présente des similitudes frappantes avec un monopôle, en particulier lorsqu’il est observé de l’extérieur. Cette ressemblance peut prêter à confusion, car les deux entités, bien que liées, ont des propriétés distinctes. Lorsque l’on s’approche et que l’on regarde à travers le cœur même de l’anneau d’Alice, une transformation étonnante se produit : tout ce qui était précédemment perçu semble s’inverser.
Cet anneau agirait comme un prisme, révélant un univers alternatif. Möttönen déclare : « Comme si l’anneau était une porte d’entrée vers un monde d’antimatière plutôt que de matière », où les règles conventionnelles de la physique sont bouleversées. C’est ici que la comparaison avec le célèbre conte prend tout son sens. Dans ce dernier, Alice traverse un miroir pour entrer dans un monde inversé, où tout est à l’opposé de ce qu’elle connaît.
Dans ce contexte, un monopôle qui traverserait le centre de cet anneau subirait une métamorphose. Il serait converti en son antithèse, un anti-monopôle, avec une charge complètement opposée à celle qu’il possédait initialement. Cette transformation suggère une grande complexité et profondeur dans la nature des anneaux d’Alice.
Bien que ce phénomène d’inversion n’ait pas encore été observé expérimentalement, Möttönen a déclaré que la structure topologique des anneaux d’Alice nécessite ce comportement. Les chercheurs sont optimistes quant à la possibilité que de prochaines études dévoilent des facettes encore plus intrigantes de ces anneaux.