À l’heure où la pandémie à coronavirus SARS-CoV-2 continue de faire rage dans de nombreux pays, les chercheurs du monde entier sont toujours sur le pied de guerre afin de mettre au point des traitements efficaces contre la COVID-19. Certaines pistes s’orientent sur des tests concernant des molécules déjà connues. Des chercheurs américains ont en effet découvert que, dans des conditions de laboratoire, un antiviral utilisé pour traiter une infection à coronavirus félin (la péritonite infectieuse féline) était également efficace pour neutraliser la réplication du coronavirus SARS-CoV-2. Des essais cliniques ont été lancés afin de tester l’efficacité du médicament directement sur les humains.
Des chercheurs de l’Université de l’Alberta se préparent à lancer des essais cliniques concernant un antiviral utilisé pour guérir une maladie mortelle causée par un coronavirus chez les chats qui, selon eux, serait également efficace comme traitement pour les humains contre la COVID-19. « En seulement deux mois, nos résultats ont montré que le médicament est efficace pour inhiber la réplication virale dans les cellules atteintes du SARS-CoV-2. Ce médicament est très susceptible de fonctionner chez l’Homme, nous sommes donc encouragés à ce que ce soit un traitement antiviral efficace pour les patients COVID-19 », déclare Joanne Lemieux, professeur de biochimie.
Le médicament est un inhibiteur de protéase qui interfère avec la capacité du virus à se répliquer, neutralisant ainsi l’infection. Les protéases sont essentielles à de nombreuses fonctions corporelles et sont des cibles courantes de médicaments pour tout traiter, de l’hypertension artérielle au cancer en passant par le VIH. Étudié pour la première fois par le chimiste John Vederas et le biochimiste Michael James après l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003, l’inhibiteur de protéase a été développé par des chercheurs vétérinaires, qui ont montré qu’il guérissait une maladie mortelle chez les chats.
Un travail coopératif pour modéliser et tester l’antiviral contre le SARS-CoV-2 en laboratoire
Le travail pour tester le médicament contre le coronavirus responsable de la COVID-19 était un effort de coopération entre quatre laboratoires de l’université, dirigés par Lemieux, Vederas, le professeur de biochimie Howard Young et le directeur fondateur de l’Institut de virologie Li Ka Shing, Lorne Tyrrell. Certaines de ces expériences ont été réalisées par le programme Synchrotron Radiation Lightsource Structural Molecular Biology de Stanford.
« Il y a une règle avec la recherche sur la COVID-19, c’est que tous les résultats doivent être rendus publics immédiatement », explique Lemieux, c’est pourquoi ils ont été publiés avant d’être examinés par les pairs. Elle indique que l’intérêt pour le travail était élevé, l’article ayant été consulté des milliers de fois dès sa publication. Il est désormais publié dans la revue Nature Communications après avoir suivi le processus de révision.
Lemieux indique que Vederas a synthétisé les composés et Tyrrell les a testés contre le virus SARS-CoV-2 dans des tubes à essai et dans des lignées cellulaires humaines. Les groupes de Young et Lemieux ont ensuite révélé la structure cristalline du médicament lorsqu’il se lie à la protéine. « Nous avons déterminé la forme tridimensionnelle de la protéase avec le médicament dans la poche du site actif, montrant le mécanisme d’inhibition. Cela nous permettra de développer des médicaments encore plus efficaces ».
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Un antiviral suffisamment connu et efficace pour commencer les essais cliniques
La chercheuse explique que le médicament actuel présentait une action antivirale suffisante contre le SARS-CoV-2 pour procéder immédiatement aux essais cliniques. « En règle générale, pour qu’un médicament entre dans les essais cliniques, il doit être confirmé en laboratoire, puis testé sur des modèles animaux. Parce que ce médicament a déjà été utilisé pour traiter les chats atteints de coronavirus et qu’il est efficace avec peu ou pas de toxicité, il a déjà passé ces étapes, et cela nous permet d’avancer ».
Les chercheurs ont établi une collaboration avec Anivive Life Sciences, une société de médecine vétérinaire qui développe le médicament pour chats, afin de produire la qualité et la quantité de médicaments nécessaires aux essais cliniques sur l’Homme. Lemieux indique qu’il serait probablement testé en Alberta en combinaison avec d’autres antiviraux prometteurs tel que le remdesivir, le premier traitement approuvé pour un usage conditionnel dans certains pays, dont les États-Unis et le Canada.