Des chercheurs de l’université de Princeton et de Washington sont parvenus à créer un appareil photo si petit que sa taille peut être comparée à celle d’un grain de sel. Il permet pourtant de capturer des images d’une qualité égale à celle d’un appareil des centaines de milliers de fois plus grand.
Cet appareil photo miniature pourrait avoir une grande utilité en médecine, pour pratiquer des auscultations médicales moins invasives ou encore pour doter les microrobots de sens plus développés. Une machine minuscule capable de prendre des photographies de qualité… Le défi paraît plutôt classique, mais n’a pourtant toujours pas été pleinement résolu. En effet, il pose aux scientifiques des problèmes de taille qui touchent aux lois fondamentales de l’optique.
Dans les appareils photographiques « traditionnels », des éléments optiques, comme les lentilles, sont assemblés pour recueillir la lumière d’une scène et corriger sa réfraction jusqu’à obtenir une image cohérente. Cela, déjà, impose un certain volume ne serait-ce que pour contenir ces lentilles. Deuxième limitation, la focale. Ce qu’on appelle la focale, c’est la distance entre la lentille optique et le capteur de l’appareil. Elle peut être plus ou moins grande, mais elle n’est pas réductible à l’infini, faute de quoi on obtient une image avec beaucoup d’aberrations chromatiques.
Des métasurfaces pour changer d’optique
Pour contourner ces limitations de taille, l’équipe de scientifiques a utilisé ce qu’on appelle des « métasurfaces ». Les métasurfaces, selon ce dossier explicatif du CNRS, sont « des éléments optiques composés de nanoéléments (…) qui permettent d’éviter une longue propagation en introduisant, le long du chemin optique, des changements abrupts de phase, d’amplitude et/ou de polarisation sur une échelle d’épaisseur de l’ordre de la longueur d’onde ». Autrement dit, la façon de « jouer » avec la longueur d’onde de la lumière n’est pas la même, et permet donc aux scientifiques d’abolir dans une certaine mesure les limites citées précédemment.
Concrètement, le dispositif se présente sous la forme de millions de petites « antennes » optiques, dont chacune est configurée de façon unique. L’ensemble de toutes ces antennes va recevoir et traiter les différentes longueurs d’onde de façon à retransmettre, en bout de course, une image cohérente comme le ferait un appareil photo.
Toutefois, la simple utilisation de métasurfaces pour créer un appareil photo miniature n’était pas suffisante. En effet, il ne s’agit pas de la première tentative du genre. En l’état, cette méthode pose beaucoup de difficultés optiques, et l’image obtenue par de précédentes tentatives en la matière comportait beaucoup de déformations et d’aberrations chromatiques, qui les rendaient peu exploitables.
Un algorithme de reconstruction d’image
Pour améliorer l’image, les scientifiques de Princeton sont intervenus sur le processus en amont et en aval de la production de l’image. En amont, il s’agit de mener à bien la complexe tâche de configurer chacune des millions d’antennes optiques individuellement. En effet, en raison de leur nombre, mais aussi de la complexité de leurs interactions avec la lumière, le défi est de taille. L’un des chercheurs, Shane Colburn, a donc développé un modèle informatique capable d’automatiser l’ajustement des antennes avec une précision suffisante pour les optimiser correctement.
En « aval » de la production de cette image, les scientifiques ont utilisé un algorithme de reconstruction. Ce réseau nano-optique neuronal, capable de reconnaître les défauts de l’image et de les ajuster en fonction des données qu’il a « apprises » , a ainsi permis d’obtenir la qualité visée. « Nous démontrons une qualité d’image comparable à celle d’un objectif commercial volumineux à six éléments, même si notre volume de conception est 550 000 fois inférieur », se félicitent-ils dans leur rapport.
De plus, le matériau utilisé, le nitrure de silicium, est semblable au verre, compatible avec les méthodes de fabrication des semi-conducteurs standards utilisés pour les puces informatiques. En d’autres termes, une production à grande échelle est possible à un coût inférieur à celui des objectifs des caméras conventionnelles, affirment les scientifiques. Ils cherchent encore à améliorer leur découverte pour permettre, par exemple, la détection d’objets ou la perception de certains éléments. Des capacités supplémentaires qui pourraient s’avérer utiles dans les champs de la médecine et de la robotique. En attendant, ils imaginent déjà que leur invention pourrait changer entièrement la façon de concevoir des objets. Et si n’importe quelle surface pouvait devenir un appareil photo ?