Une propriété cognitive bien connue des vertébrés est la capacité à distinguer les objets mobiles des objets immobiles ; une capacité essentielle lorsqu’il s’agit d’échapper à un prédateur ou, au contraire, de traquer une proie. Mais les vertébrés ne sont finalement pas les seuls à maîtriser cette compétence. Récemment, des chercheurs ont en effet montré que les araignées sauteuses (Menemerus semilimbatus) étaient également capables d’opérer cette distinction.
Dans le cadre d’un test durant cette nouvelle étude, des araignées sauteuses se sont comportées différemment lorsqu’elles étaient confrontées à des objets animés et inanimés simulés, d’une manière qui indiquait une capacité à les discerner. L’étude ne suggère pas seulement que cette capacité peut être trouvée plus largement dans le règne animal, mais aussi que la configuration expérimentale de l’équipe peut être utilisée pour tester d’autres invertébrés de la même manière.
« Ces résultats démontrent clairement la capacité des araignées sauteuses à distinguer les signaux de mouvement biologiques. La présence d’un système de détection biologique basé sur le mouvement chez les araignées sauteuses approfondit les questions concernant les origines évolutives de cette stratégie de traitement visuel et amène la possibilité que de tels mécanismes puissent être répandus dans le règne animal », écrivent les chercheurs.
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Tester la capacité de distinction des araignées
Il pourrait être logique de penser que les animaux sont capables de faire la distinction entre les êtres vivants et non vivants. Cela pourrait littéralement être une question de vie ou de mort — échapper aux prédateurs ou chasser une proie. Néanmoins, il n’était pas certain si oui ou non, les petites créatures invertébrées dépendent de la capacité de faire la distinction entre le mouvement et le non-mouvement, ou les objets animés et inanimés. Les araignées sauteuses semblaient être un excellent candidat pour les tests, en raison de leur vision spectaculairement bonne.
Comme toutes les araignées, elles ont huit yeux ; mais les yeux des araignées sauteuses comprennent deux grandes zones scintillantes de noir limpide sur le devant, ce qui leur donne peut-être une vision des couleurs tétrachromatique. Une équipe de chercheurs dirigée par le biologiste Massimo De Agrò a collecté 60 spécimens de M. semilimbatus, communs dans tout l’hémisphère nord. Ces araignées ont ensuite été soumises à un test de lumière ponctuelle spécialement conçu.
Lorsqu’on leur présente 11 points mobiles correspondant aux positions des principales articulations sur le corps humain, les sujets de test humains peuvent reconnaître le modèle de mouvement comme appartenant à un humain. Ces 11 points, lorsqu’ils sont immobiles, ne transmettront pas la même signification — ce ne sont que 11 points. De Agrò et son équipe ont conçu un système ponctuel similaire basé sur les articulations d’une araignée. Ils ont également conçu d’autres affichages à lumière ponctuelle, y compris une ellipse en mouvement, et un mouvement aléatoire brouillé qui ne ressemblait aux mouvements d’aucune créature vivante.
Une distinction impliquant les yeux secondaires des araignées
Pour montrer l’animation à l’araignée, l’équipe a maintenu le corps de l’araignée fixé sur un tapis roulant sphérique placé sur un flux d’air comprimé. La façon dont l’araignée essayait de marcher sur le tapis roulant était considérée comme un indicateur de sa réponse aux animations ponctuelles. Ils ont ensuite montré à chacune des 60 araignées les affichages lumineux ponctuels et leurs réactions ont été soigneusement enregistrées.
Fait intéressant, les araignées sauteuses ont fait pivoter leur corps pour regarder avec leurs grands yeux les écrans qui étaient moins réalistes. L’effet était plus prononcé avec l’affichage aléatoire de la lumière ponctuelle, qui se déplaçait le moins comme un organisme vivant. L’équipe s’est rendue compte que cela était lié au fonctionnement des yeux des araignées.
Les yeux secondaires sur le côté de la tête n’ont peut-être pas l’acuité visuelle des deux grands yeux frontaux, mais ils procurent aux araignées une vision à presque 360 degrés. Si l’araignée repère quelque chose qu’elle peut reconnaître, mais aussi quelque chose qu’elle ne reconnaît pas, elle donnera la priorité à l’inconnu, puisque ce qui est reconnaissable restera dans son champ de vision.
« Les yeux secondaires regardent cet affichage ponctuel du mouvement biologique et ils peuvent déjà le comprendre, alors que l’autre mouvement aléatoire est étrange et ils ne comprennent pas ce qui s’y trouve », explique De Agrò. L’équipe espère que leur système pourrait être utilisé pour appliquer leur test à d’autres invertébrés, tels que les insectes et les escargots, afin d’essayer d’en savoir plus sur l’évolution de cette capacité.