Les arbres pourraient émettre des signaux visibles depuis l’espace d’une éruption volcanique imminente, selon une étude

Ils deviennent plus verts et plus luxuriants sous l’effet du CO2 remontant à la surface avec le magma.

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La teinte des feuilles des arbres pourrait, à elle seule, fournir un signal observable par satellite annonçant une éruption volcanique imminente, selon une étude. Lorsqu’ils s’apprêtent à entrer en éruption, les volcans libèrent du CO₂ qui remonte à la surface avec le magma. Ce gaz, en s’accumulant dans le sol, stimulerait la photosynthèse et rendrait les arbres alentour plus verts et luxuriants. La détection de ce « verdissement » par imagerie satellitaire pourrait ainsi constituer un outil de surveillance prometteur, notamment dans les zones d’accès difficile.

Près de 10 % de la population mondiale réside dans des régions exposées aux risques liés aux éruptions volcaniques. Ceux qui vivent à proximité immédiate – à quelques kilomètres seulement – sont particulièrement vulnérables aux projections de roches, aux nuées ardentes et aux émissions de gaz toxiques. Les habitants plus éloignés, quant à eux, ne sont pas à l’abri : coulées de boue, retombées de cendres et tsunamis peuvent accompagner ces épisodes éruptifs.

S’il est pratiquement impossible de prédire avec certitude le moment précis d’une éruption, l’identification de signaux précoces demeure cruciale pour la sécurité des populations. Les volcanologues s’appuient généralement sur l’analyse des ondes sismiques et des variations topographiques. À mesure que le magma progresse vers la surface, il libère différents gaz : dioxyde de soufre (SO₂), vapeur d’eau, mais aussi dioxyde de carbone (CO₂), qui apparaît souvent en amont des autres.

Les composés soufrés sont relativement faciles à détecter depuis l’orbite terrestre grâce aux capteurs embarqués sur les satellites. Le CO₂, en revanche, demeure difficilement discernable dans l’atmosphère, tant sa concentration ambiante est élevée. Pourtant, ce gaz pourrait s’avérer un indicateur plus précoce d’éruption imminente.

Certaines éruptions majeures projettent suffisamment de CO₂ pour que celui-ci devienne détectable par des instruments tels que l’Orbiting Carbon Observatory 2 (OCO-2) de la NASA. Mais ce n’est pas le cas des émissions faibles, pourtant potentiellement annonciatrices d’une activité imminente. « Un volcan émettant les faibles quantités de dioxyde de carbone qui pourraient présager une éruption n’apparaîtra pas sur les images satellite », précise Robert Bogue, volcanologue à l’Université McGill de Montréal, dans un billet de blog publié par la NASA.

Dès lors, les scientifiques doivent se rendre sur le terrain pour mesurer les niveaux de CO₂, une opération compliquée par l’isolement de nombreux volcans. Pour contourner cet obstacle, Robert Bogue et ses collègues proposent une alternative : observer à distance les effets physiologiques du CO₂ sur la végétation environnante. « Il existe déjà des systèmes d’alerte précoce pour les volcans », rappelle Florian Schwandner, volcanologue et directeur de la division des sciences de la Terre au centre de recherche Ames de la NASA. « L’objectif est de les affiner et de pouvoir les activer plus tôt », souligne-t-il.

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Le dioxyde de carbone libéré par la montée du magma bouillonne et réchauffe une étendue d’eau au Costa Rica, près du volcan Rincón de la Vieja. L’augmentation des gaz volcaniques pourrait être le signe d’une activité volcanique accrue. © Alessandra Baltodano/Université Chapman

Des changements visibles sur les images satellites

Dans le cadre du projet Airborne Validation Unified Experiment: Land to Ocean (AVUELO), Schwandner, Bogue et des chercheurs de plusieurs institutions ont confirmé la corrélation entre l’état de la végétation et les émissions de CO₂ liées aux mouvements magmatiques.

Ce projet fait écho à une étude récente consacrée au mont Etna, en Sicile, qui a mis en évidence une relation nette entre la couleur des feuillages et le CO₂ d’origine magmatique. En deux ans d’observation, les scientifiques ont repéré 16 pics de concentration en dioxyde de carbone, accompagnés de phases de verdissement marquées, en lien direct avec des mouvements souterrains du magma. Ces signaux ont même été détectés bien au-delà des fractures visibles de l’édifice volcanique.

En mars 2025, lors d’une mission AVUELO en Amérique centrale, les chercheurs ont équipé un avion de recherche d’un spectromètre pour étudier la végétation au Panama et au Costa Rica. Leur objectif : comparer les données aéroportées avec les observations fournies par des satellites comme Landsat 8 de la NASA.

« L’idée est de détecter un paramètre mesurable, comme la couleur des arbres, plutôt que de chercher à capter directement le dioxyde de carbone », explique Robert Bogue. Or, les changements de teinte apparaissent clairement sur les images issues aussi bien des satellites que de l’avion de la mission AVUELO.

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Le volcan Chaitén, dans le sud du Chili, est entré en éruption le 2 mai 2008, pour la première fois depuis 9 000 ans. Les satellites de la NASA, qui surveillent l’évolution de la végétation à proximité des volcans, pourraient contribuer à la diffusion précoce des alertes en cas d’éruption. © Jeff Schmaltz, équipe d’intervention rapide MODIS, NASA Goddard Space Flight Center

Un outil de surveillance supplémentaire qui pourrait changer la donne

L’approche, bien que prometteuse, présente des limites. Tous les volcans ne sont pas entourés de forêts denses, et nombre d’entre eux se trouvent dans des zones où les conditions climatiques empêchent l’obtention d’images suffisamment détaillées. En outre, les arbres réagissent de manière différenciée selon leur espèce, le type de sol, ou le microclimat. Les incendies, les variations météorologiques ou les maladies végétales peuvent aussi altérer la couleur du feuillage, rendant l’interprétation des images plus complexe.

Néanmoins, « aucune surveillance volcanique n’est une solution miracle », précise Schwandner. « Et surveiller les effets du dioxyde de carbone volcanique sur les arbres ne sera pas non plus une solution miracle. Mais cela pourrait changer la donne [même s’il ne sera pas adapté à tous les sites]», estime-t-il.

Les travaux de l’équipe AVUELO ne se limitent d’ailleurs pas à l’anticipation des éruptions. « Nous nous intéressons non seulement aux réactions des arbres au dioxyde de carbone volcanique comme un avertissement précoce d’éruption, mais aussi à la quantité que les arbres sont capables d’absorber, comme une fenêtre sur l’avenir de la Terre lorsque tous les arbres de la Terre seront exposés à des niveaux élevés de dioxyde de carbone », conclut Josh Fisher, climatologue à l’Université Chapman (Californie) et membre du projet.

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