Des milliers de drones autonomes, attaquant par le ciel, la mer et les airs… Cela pourrait être une partie du synopsis d’un film de science-fiction. En l’occurrence, il s’agit d’un projet bien réel du Pentagone, nommé AMASS. 78 millions de dollars ont été attribués pour mener des expérimentations sur le sujet.
C’est la DARPA, ou Defense Advanced Research Projects Agency, une agence du département de la défense des États-Unis, qui est chargée du développement du projet AMASS (Autonomous Multi Domain Adaptative Swarm of Swarms). Cette branche est connue pour ses innovations. Cette fois-ci ne fait pas exception : « les recherches proposées doivent porter sur des approches novatrices qui permettent des avancées révolutionnaires en matière de science, de dispositifs ou de systèmes. Sont spécifiquement exclues les recherches qui aboutissent principalement à des améliorations évolutives de l’état actuel des pratiques », annonce-t-elle clairement dans le document descriptif du projet. Le document en question est principalement destiné à un appel à projets. 78 millions de dollars ont été posés sur la table : ils seront attribués à une entreprise contractante pour lancer des expérimentations sur des essaims de drones. L’idée serait de mener les tests sur de petits essaims, réels et virtuels, puis d’augmenter progressivement l’échelle.
En effet, la technologie pour contrôler des essaims de drones existe déjà. De nombreux projets sont basés sur la coordination de différentes unités entre elles. Toutefois, l’armée américaine parle cette fois-ci de milliers d’unités, à la fois aériennes, terrestres et sous-marines, capables de se coordonner entre elles de manière autonome pour se déployer sur tout un territoire.
La plupart des détails sont bien entendu gardés secrets, mais l’objectif principal semble être de pouvoir lancer des offensives à distance : « les armes guidées de précision à longue portée sont limitées en nombre, coûteuses et nécessitent des informations de ciblage détaillées », décrit ainsi la DARPA. « L’élément central du programme AMASS est la capacité de planifier et d’exécuter des missions qui utilisent des milliers d’entités autonomes dans la dégradation ou la défaite des capacités A2/AD (déni d’accès et interdiction de zone) de l’adversaire ».
Garder le contrôle sur les drones
On parle donc non plus d’essaim de drones, mais « d’essaim d’essaims », capables de mener des attaques coordonnées et automatisées. Tous ces drones seraient équipés d’armes, mais également de brouilleurs de radars, de GPS, de technologies de communication… Ces milliers d’unités incluraient notamment des drones aériens, des sous-marins, ainsi que des tanks autonomes. Dans un contexte de guerre, les drones ont déjà prouvé leur efficacité. Le conflit ukrainien en est un bon exemple : des pilotes de drones se sont avérés capables de se renseigner sur les mouvements des troupes, filmer les événements, ou même de détruire des cibles. Toutefois, l’échelle à laquelle se sont effectuées ces opérations est sans commune mesure avec ce que projette la DARPA.
À cette échelle, le point qui peut inquiéter est celui du contrôle par des opérateurs humains. En effet, les opérations ukrainiennes étaient menées par des pilotes, qui guidaient individuellement les drones. Concernant ces « essaims d’essaims », une part importante d’autonomie interviendrait nécessairement. Zackary Kallenborn, chercheur affilié à la Division des armes et technologies non conventionnelles du Consortium national pour l’étude du terrorisme et des réponses au terrorisme (START), a souligné auprès du New Scientist une inquiétude à ce sujet. Selon lui, à l’échelle de milliers de drones, le contrôle humain sera plus compliqué, ce qui induit une fragilité. Jusqu’ici, il est uniquement question d’interventions non létales par ces drones. L’analyste émet toutefois un doute sur la capacité de ces machines à accomplir leur tâche sans en passer par des attaques létales.