Le 9 avril, le ministre russe de la Défense, Sergueï Shoigu, a annoncé que l’armée russe sera bientôt dotée d’une unité spéciale composée de forces de frappe robotisées, des chars de combat nommés Uran-9. Les engins sont actuellement fabriqués par une entreprise technologique de Nakhabino, près de Moscou. Ils pourraient bientôt être déployés à la frontière ukrainienne.
Le ministère de la Défense a déclaré que cette première unité de « robots de frappe » sera mise en place au sein de l’armée russe et sera vraisemblablement constituée de cinq systèmes robotiques Uran-9 ou 20 véhicules de combat. Mais l’armée russe ne compte pas en rester là : « Nous prévoyons de continuer à élargir la gamme de robots, qui, bien sûr, sont déjà demandés dans l’armée aujourd’hui », a précisé le ministre.
Les chars sans pilote Uran-9 peuvent être contrôlés à distance par des soldats ayant suivi une formation spécifique au sein d’un centre de recherche scientifique du ministère de la Défense. Les véhicules Uran-9 n’étaient auparavant utilisés que comme des systèmes séparés ; il est désormais question de les exploiter en tant qu’unité militaire à part entière.
Des tests peu concluants sur le terrain
L’Uran-9 pèse douze tonnes pour cinq mètres de long. Chaque char est armé d’un canon automatique de 30 mm, de missiles antichars Ataka et de lance-roquettes incendiaires Schmel. Il a été conçu pour protéger l’infanterie des tirs ennemis et pour riposter contre le personnel au sol, les véhicules blindés et même d’autres unités de chars. Un système de gestion tactique unifiée, baptisé « Skynet », permet à quatre Uran-9 de se mettre en réseau.
C’est le dernier modèle de type assaut de la série Uran, avec l’Uran-6 possédant des capacités de déminage et l’Uran-14 utilisé pour lutter contre les incendies. À l’avenir, les chars Uran-9 devraient être accompagnés de plusieurs autres engins robotisés, chacun ayant un rôle bien spécifique : déminage, sentinelle, reconnaissance chimique, etc. Le ministère de la Défense évoque des engins terrestres, mais aussi sous-marins.
À noter que ces chars robotisés ont déjà été utilisés pendant la guerre syrienne, début 2018. Mais les engins de combat ne se sont pas comportés à la hauteur des attentes. « Des lacunes ont été identifiées lors des tests en Syrie », confirme Vladimir Dmitriev, directeur général de Kalachnikov Concern, la société qui a conçu les chars. Dmitriev fait notamment état de problèmes de contrôle, de mobilité réduite et de fonctions de renseignement et de surveillance jugées insatisfaisantes.
En effet, lors d’une conférence scientifique qui s’est tenue en avril 2018 à l’Académie navale NG Kuznetsov à Saint-Pétersbourg, Andrei Anisimov — officier de recherche principal du 3e Institut central de recherche du ministère russe de la Défense — a présenté les détails du test de l’Uran-9 sur le terrain, révélant une liste de dysfonctionnements considérés comme critiques.
Le véhicule s’est avéré incapable d’accomplir les tâches qui lui étaient assignées. En particulier, lors de l’exécution de missions de combat, la portée moyenne du système de commande à partir du point de contrôle n’était que de 300 à 400 mètres dans des conditions où les bâtiments étaient pourtant de faible hauteur (la portée initialement annoncée était d’un peu moins de 3 kilomètres). De plus, plusieurs pertes de contrôle de l’engin ont été rapportées (17 cas de courte durée, jusqu’à 1 min, et deux d’une durée allant jusqu’à 1h30).
L’officier a également souligné la faible fiabilité des éléments du train de roulement et de la suspension du véhicule ; le châssis de l’Uran-9 ne pouvait pas être utilisé dans des conditions de combat rapproché au sol pendant longtemps et nécessitait des réparations fréquentes sur le terrain. En outre, au cours d’une étude des capacités de reconnaissance, il s’est avéré que les stations électro-optiques permettant la reconnaissance et l’identification de cibles avaient une portée de deux kilomètres maximum. En outre, elles ne permettaient pas de détecter les dispositifs optiques d’observation et de ciblage de l’ennemi et émettaient de multiples interférences au sol et dans l’espace aérien dans le secteur surveillé.
Enfin, le fonctionnement du canon automatique a été jugé instable, avec six retards et un échec de tirs signalés. Anisimov avait conclu à l’époque qu’il faudrait dix à quinze ans pour que ces véhicules sans pilote soient prêts pour des tâches aussi complexes. Mais selon Kalachnikov Concern, toutes ces lacunes auraient depuis été examinées, puis corrigées par les ingénieurs.
Vers un développement accru d’engins de combat autonomes
Il y a plus d’un an, RIA Novosti, l’agence de presse publique russe, rapportait que les forces armées russes seraient dotées de robots de combat multifonctionnels d’ici 2025. L’armée serait donc en avance sur son calendrier. Cependant, à ce jour, le déploiement des chars Uran-9 aux frontières de l’Ukraine n’est pas confirmé.
Aujourd’hui, des véhicules terrestres sans pilote (UGV) tels que l’Uran-6 sont utilisés avec succès pour détecter les mines et les engins piégés au Moyen-Orient et en Asie centrale. Mais peu d’UGV ont été déployés opérationnellement pour des tâches aussi complexes que la détection et le combat des forces ennemies.
L’émergence de véhicules de combat sans pilote soulève de nombreuses préoccupations éthiques et la Russie n’est pas la première nation à les exploiter. Des véhicules blindés robotiques sont en cours de développement dans le monde entier. L’armée américaine utilise depuis longtemps des systèmes aériens sans pilote et prévoit une version autonome de son véhicule de combat Bradley. La Russie semble toutefois s’être orientée de manière plus agressive vers les (UGV) à déploiement de combat.
En 2015, le Comité de l’industrie militaire russe avait annoncé son objectif de déployer 30% des armes cinétiques de la Russie sur des plateformes télécommandées d’ici 2025. Les projets actuels comprennent le MARS — un véhicule de transport de troupes à six places, le BMP-3 Vihr — un véhicule de combat robotique, des chars T-72 robotisés et de minuscules UGV Nerekhta capables d’évacuer les soldats blessés, de tirer avec une mitrailleuse ou de charger en mode kamikaze sur les positions ennemies.