En demande de transition énergétique pour s’affranchir des énergies fossiles, le monde se tourne entre autres vers les énergies renouvelables. Cette tendance de conversion mondiale a conduit à une réduction rapide du coût de production des énergies vertes. Pour pouvoir satisfaire les demandes actuelles et anticiper celles à venir, un besoin croissant de technologies de stockage se fait aujourd’hui sentir. L’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA) à Vienne propose une solution digne d’un film de science-fiction, où les ascenseurs des gratte-ciel alimenteraient et exploiteraient des « batteries gravitationnelles ». Bien qu’elles soient loin de pouvoir satisfaire la consommation énergétique en temps réel, ces nouvelles batteries constitueraient un appui non négligeable dans les villes, sans compter qu’il serait facile à mettre en place.
Pour la plupart d’entre nous, les énergies renouvelables sont considérées comme des ressources saines et faciles d’accès. Au cours de la dernière décennie, la capacité mondiale à produire de l’énergie verte n’a cessé de croître, et elle devrait encore augmenter de 60% d’ici 2026. La production totale devrait alors être équivalente à celle des centrales fossiles et nucléaires réunies. D’après les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, les énergies renouvelables représenteront près de 95% de l’augmentation de la capacité énergétique mondiale, dont plus de la moitié proviendrait de l’énergie solaire.
En plus du potentiel d’énergie solaire et éolienne encore grandement inexploité, d’autres ressources renouvelables intéressantes existent, telles que l’énergie marémotrice (l’énergie des vagues et des courants marins), l’énergie géothermique, etc.
Dans une nouvelle étude parue dans la revue Science Direct, des chercheurs proposent d’exploiter l’énergie potentielle (vulgarisée « gravitationnelle ») afin de la convertir en énergie électrique. Il s’agit d’une solution innovante de stockage déjà proposée par le passé, qui pourrait notamment être issue des ascenseurs de grands immeubles.
L’exploitation de l’énergie potentielle accumulée par changement d’altitude est déjà utilisée dans l’hydroélectricité par exemple, le stockage par pompage ainsi que dans les systèmes à flotteurs. Le nouveau concept proposé par les chercheurs cependant, baptisé Lift Energy Storage Technology (LEST), accumule l’énergie en soulevant des conteneurs de sable humide (ou d’autres matériaux à haute densité) à l’extérieur et à l’intérieur d’ascenseurs avec des remorques autonomes.
« Le concept de LEST m’est venu après avoir passé beaucoup de temps à monter et descendre d’un ascenseur depuis que j’ai récemment emménagé dans un appartement au 14e étage », explique dans un communiqué Julian Hunt, auteur principal de l’étude et chercheur au sein du groupe de recherche sur les systèmes de service durable de l’IIASA.
Un système aux nombreux avantages
Le principal avantage du système de stockage LEST est que les ascenseurs sont déjà prédisponibles et ne nécessitent pas d’investissements spécifiques en espace. La « puissance disponible » est aussi déjà établie dans les ascenseurs avec des systèmes de freinage régénératif (récupération de l’énergie cinétique). De plus, près de 18 millions d’ascenseurs sont en service dans le monde, et une partie d’entre eux restent longtemps inactifs. Ceux qui ne transportent personne pourraient alors être utilisés pour stocker de l’électricité.
D’après les chercheurs autrichiens, les ascenseurs intelligents à moteur à engrenages synchrones et à aimants permanents seraient efficaces à 92%, quand ils sont complètement chargés et réglés pour descendre à un niveau optimal de la vitesse de production énergétique. Si l’on a besoin de plus d’énergie, il suffirait de paramétrer les ascenseurs de sorte à entamer plus rapidement leur descente. L’ensemble du système pourrait être encore plus efficace avec des systèmes d’ascenseurs magnétiques sans câbles.
Par ailleurs, ce nouveau système de « batterie gravitationnelle » serait également avantageux en matière de coûts. Le prix du stockage d’énergie du système LEST est estimé entre 21 et 128 dollars par kilowattheure, selon la hauteur du bâtiment. En comparaison, les systèmes de batterie de la National Renewable Energy Laboratory coûtaient dans les 345 dollars par kilowattheure en 2020.
Les chercheurs de l’IIASA estiment également que les plus grands immeubles pourraient produire et stocker entre 30 et 300 gigawattheures, ce qui est largement suffisant pour alimenter tout New York durant environ un mois.
Défis à relever
Mais ce nouveau système doit surmonter quelques défis avant de pouvoir être appliqué. Il n’a notamment pas encore la capacité de répondre aux pics actuels de demande en énergie électrique.
Toutefois, un stockage énergétique en pleine ville pourra toujours soutenir le réseau électrique principal, en comblant les lacunes ou en intervenant en cas de pannes. « L’utilisation coordonnée de ces ressources distribuées atténue le besoin d’investir dans des systèmes de stockage centraux à grande échelle », affirme Behnam Zakeri, co-auteur de l’étude et chercheur au sein du groupe de recherche sur l’évaluation intégrée et le changement climatique de l’IIASA.
Il faut aussi encore établir et identifier l’espace nécessaire pour le stockage des charges de stockage, en haut des immeubles lorsque le système est complètement chargé et en bas lorsqu’il est déchargé. Le poids maximum que les plafonds du bâtiment peuvent supporter doit aussi être considéré.