Le 11 mars, à 19h24 UT, un petit astéroïde Apollon baptisé 2022 EB5 a été détecté par Krisztián Sárneczky, à l’observatoire de la station Piszkéstető en Hongrie. Moins de deux heures plus tard, à 21h22 UT, il a explosé dans le ciel, au sud-ouest de l’île Jan Mayen (au nord-est de l’Islande). Il s’agit du cinquième petit astéroïde découvert avant qu’il n’entre dans l’atmosphère terrestre. Avec un diamètre estimé à moins de deux mètres, l’objet a explosé en dégageant l’équivalent de deux kilotonnes de TNT.
La première fois qu’un petit corps spatial a été découvert avant son impact avec notre atmosphère remonte à 2008 : nommé 2008 TC3, l’objet d’environ quatre mètres de diamètre, avait été détecté moins de 24 heures (20 heures environ) avant son explosion. Les astéroïdes 2014 AA, 2018 LA et 2019 MO lui ont succédé, en 2014, 2018 et 2019 respectivement. Mais 2022 EB5, le plus petit d’entre eux, bat un nouveau record : c’est la première fois qu’un objet est détecté aussi proche de l’instant de la collision (1h58 précisément).
Une heure après sa découverte, une alerte a été envoyée aux observateurs, en particulier aux observateurs européens, de manière à ce qu’ils suivent de près le petit objet et qu’ils calculent rapidement les coordonnées du point d’impact. « La diffusion très rapide des informations des découvreurs a permis à d’autres astronomes de faire plus d’observations à partir de différents points de vue, avec suffisamment de temps pour calculer une orbite précise et son intersection avec la Terre », explique au New Scientist Mark Boslough, spécialiste des impacts d’astéroïdes à l’Université du Nouveau-Mexique.
L’opportunité de mieux caractériser ces objets
Les sites d’impact potentiels s’étendaient initialement de l’ouest du Groenland jusqu’au large de la Norvège, selon le système d’évaluation des risques d’impact « Scout » de la NASA. « Au fur et à mesure que de plus en plus d’observatoires suivaient l’astéroïde, nos calculs de sa trajectoire et de l’emplacement de son impact devenaient plus précis », relate Davide Farnocchia, ingénieur de navigation au JPL qui a développé le système Scout. Paolo Bacci et Martina Maestripieri, de l’observatoire astronomique de San Marcello Pistoiese, en Italie, ont réussi à capturer l’image de l’astéroïde 12 minutes avant son entrée dans l’atmosphère, alors qu’il n’était qu’à 12 300 km de la Terre.
Certains observateurs du nord de l’Islande ont rapporté sur Twitter avoir observé un éclair lumineux au-dessus de l’horizon à l’heure prévue de l’impact. Quelques minutes plus tard, les stations de surveillance des infrasons I37NO (en Norvège) et I18DK (au Groenland) ont enregistré les signaux générés par l’entrée de l’astéroïde dans l’atmosphère. Selon Peter Brown, professeur de physique et d’astronomie à l’Université Western Ontario, au Canada, ces signaux permettent d’estimer l’énergie totale de l’événement autour de 2 kilotonnes de TNT. Sa vitesse d’entrée dans l’atmosphère a été estimée à environ 18 km/s.
D’après les observations de l’astéroïde à son approche et l’énergie mesurée via les détecteurs d’infrasons lors de l’impact, les spécialistes estiment que 2022 EB5 mesurait environ deux mètres de diamètre — soit une taille bien inférieure à celle des objets géocroiseurs que le Bureau de coordination de la défense planétaire est chargé de détecter et qui peuvent potentiellement déclencher une alerte majeure. De par sa petite taille, l’objet n’était absolument pas menaçant — d’autant plus qu’il a explosé au-dessus de la mer de Norvège. Ce type d’astéroïde se désagrège généralement dans le ciel, à environ 40 kilomètres d’altitude, a précisé Richard Moissl, du Bureau de la défense planétaire de l’Agence spatiale européenne.
Un nouveau test pour les modèles de prédiction d’impact
Les petits astéroïdes comme 2022 EB5 sont relativement nombreux : un impact comme celui-ci survient tous les dix mois environ, rapporte Paul Chodas, directeur du Center for near-earth object studies (CNEOS). Ils deviennent généralement suffisamment brillants pour être détectés dans les dernières heures avant leur entrée dans l’atmosphère ; mais très peu d’entre eux sont repérés suffisamment à l’avance pour être observés d’une manière aussi approfondie avant l’impact.
Pour les astronomes, ce genre d’événement représente donc une rare opportunité d’effectuer des mesures visant à mieux caractériser ces objets ; l’observation de leur entrée dans l’atmosphère et le suivi de leur désintégration permettent en effet d’en savoir plus sur leurs propriétés physiques (densité, composition). Par ailleurs, les explosions d’astéroïdes comme celle-ci permettent de valider les modèles de prédiction d’impact, tels que ceux utilisés par le CNEOS. À mesure que les enquêtes deviennent plus sophistiquées et sensibles, davantage de ces objets inoffensifs seront détectés avant d’entrer dans l’atmosphère, précisent les experts de la NASA.
Un astéroïde plus gros, avec un impact potentiellement dangereux, serait évidemment découvert beaucoup plus loin de la Terre, car depuis sa création en 2016, le Bureau de coordination de la défense planétaire de la NASA surveille de près tous les objets qui représentent une menace pour notre planète. Une nouvelle mission, NEO Surveyor, sera d’ailleurs lancée en 2026, afin de mettre en place un nouveau télescope spatial observant dans l’infrarouge moyen, spécifiquement conçu pour effectuer l’inventaire des objets géocroiseurs représentant un danger potentiel. Il remplacera le NEOWISE actuellement en service.