Il y a une quinzaine d’années, les scientifiques ont mis en évidence que les personnes asthmatiques développaient moins de tumeurs cérébrales que les autres. Une étude récente a permis de relever une cause probable de cette corrélation, qui permettra peut-être la découverte de meilleurs traitements pour ces affections.
L’asthme est une maladie qui affecte les voies respiratoires dans laquelle ces dernières se rétrécissent et s’enflamment. Une affection qui peut être mortelle. De prime abord, l’asthme n’a donc rien de positif. Néanmoins, il semblerait que les personnes asthmatiques soient moins touchées par les tumeurs cérébrales que le reste de la population. Un lien établi par les chercheurs il y a une quinzaine d’années. Jusqu’à présent, le mécanisme reliant les deux affections n’était pas connu.
Une équipe de chercheurs de la Washington University School of Medecine de Saint-Louis (États-Unis) vient peut-être de comprendre le lien qui existe entre l’asthme et les tumeurs cérébrales. Les chercheurs ont notamment découvert un comportement particulier de certaines cellules immunitaires qui pourrait en être responsable (du moins en partie), les lymphocytes T, au moment de l’inflammation des poumons chez les personnes asthmatiques.
Pas de traces de tumeurs chez les souris testées
Afin de comprendre le comportement de ces cellules dans les processus liés à l’asthme, les scientifiques ont mené des tests sur des souris. Dans un premier temps, ils les ont modifiées génétiquement afin qu’elles soient sujettes aux tumeurs du nerf optique (gliome de la voie optique). Ensuite, ils ont induit l’asthme dans des portées âgées de 4 à 6 semaines en les exposant à des irritants. Un groupe témoin a été traité avec de l’eau salée à des fins de comparaison (placebo).
Les chercheurs ont ensuite recherché des gliomes de la voie optique à 3 et 6 mois. Contrairement au groupe témoin, les souris asthmatiques n’ont pas développé ces tumeurs. Il semble alors que quelque chose dans l’asthme abîme les poumons tout en protégeant le cerveau…
La décorine, néfaste pour les poumons, bénéfique pour le cerveau
Des recherches antérieures ont révélé que l’induction d’asthme chez des souris sujettes aux tumeurs modifiait le comportement de leurs cellules T. Une fois que les souris ont développé de l’asthme, ces mêmes cellules T ont commencé à sécréter une protéine appelée décorine.
Cette protéine est bien connue des scientifiques spécialisés dans l’étude de l’asthme : dans les voies respiratoires, elle est problématique. Elle agit sur les tissus qui tapissent les voies respiratoires et aggrave les symptômes de l’asthme (essoufflements aigus, sensation d’oppression de la cage thoracique, difficulté à respirer profondément…).
Mais les chercheurs ont découvert que dans le cerveau, la décorine est bénéfique : elle agit sur les microglies, des cellules immunitaires sentinelles connues pour être associées à la croissance de tumeurs cancéreuses. La protéine semble bloquer leur activation.
L’eczéma et les infections de la petite enfance à l’étude
« Bien sûr, nous n’allons pas commencer à provoquer de l’asthme chez qui que ce soit ; l’asthme peut être une maladie mortelle », rappelle le professeur David Gutman dans un communiqué, neurologue de l’Université de Saint-Louis. « Et si nous pouvions faire croire aux cellules T qu’elles sont des cellules T de l’asthme uniquement lorsqu’elles pénètrent dans le cerveau, de sorte qu’elles ne soutiennent plus la formation et la croissance de tumeurs cérébrales ? » interroge-t-il.
Dans l’étude menée sur les souris, le traitement avec de la décorine les a protégées des tumeurs de la voie optique. Les résultats suggèrent ainsi que le blocage des microglies peut être une approche thérapeutique dans le traitement des tumeurs cérébrales.
« La partie la plus excitante ici est que ça montre qu’il existe une communication normale entre les cellules T dans le corps et les cellules dans le cerveau qui soutiennent la formation et la croissance des gliomes de la voie optique », précise David Gutman.
Les chercheurs étudient également le rôle de l’eczéma et des infections de la petite enfance, car ces dernières impliquent également les cellules T dans un mécanisme particulier. Ils espèrent pouvoir mettre au point un traitement à base de décorine, sans pour autant rendre les patients asthmatiques.