Les sursauts gamma (ou GRB pour gamma-ray bursts) font partie des événements les plus brillants et les plus énergétiques de l’Univers. Les astronomes les classent généralement en deux catégories : les sursauts longs-mous (résultant de l’effondrement d’une étoile géante, un collapsar) et les sursauts courts-durs (dus à la fusion d’un système binaire). Pourtant, des chercheurs rapportent aujourd’hui la détection d’un sursaut gamma court, directement associé à un collapsar. Une découverte qui pourrait remettre en question notre compréhension de ces événements.
Un collapsar, parfois nommé hypernova, désigne l’effondrement d’une étoile massive (20 à 30 fois plus massive que le Soleil) émettant un sursaut gamma, qui aboutit à la formation d’un trou noir stellaire. La première association d’un sursaut long avec un collapsar remonte à 1998 : il s’agissait de SN 1998bw, une étoile massive située à 120 millions d’années-lumière de la Terre.
Une équipe de chercheurs dirigée par l’astronome Tomás Ahumada, de l’Université du Maryland, rapporte aujourd’hui la détection d’un collapsar, nommé GRB 200826A, associé à un sursaut gamma le plus court jamais enregistré en provenance d’un collapsar. Découvert en août 2020 grâce au Fermi Gamma-ray Space Telescope de la NASA, GRB 200826A était tout d’abord considéré comme un sursaut gamma court typique d’un système binaire, tel que deux étoiles à neutrons. Mais un événement ultérieur a remis cette hypothèse en question.
Un phénomène confirmé par deux équipes distinctes
En effet, Ahumada et ses collègues ont ensuite détecté une émission de lumière transitoire, s’estompant rapidement, nommé ZTF20abwysqy. Or, les rayons X et les émissions radio ont confirmé qu’il s’agissait en réalité de la rémanence du sursaut GRB 200826A. Bien que la durée du sursaut gamma soit courte (une seconde environ), son profil d’émission ne correspondait non pas à la fusion de deux étoiles à neutrons binaires, mais à une supernova.
« GRB 200826A est le plus court LGRB [long gamma-ray bursts] trouvé avec un collapsar associé ; il semble se situer à mi-chemin entre un collapsar réussi et un échec. Notre découverte est cohérente avec l’hypothèse selon laquelle la plupart des collapsars ne parviennent pas à produire des jets ultra-relativistes », écrivent les chercheurs dans l’article relatant leur découverte. Selon Ahumada et ses collègues, la courte durée de l’explosion suggère que le jet de plasma — habituellement associé au GRB — ne s’est peut-être pas formé ou n’a pas pu se libérer du matériau entourant l’étoile effondrée.
Bien qu’exceptionnellement bref, l’événement a pourtant libéré une incroyable quantité d’énergie : « Le sursaut a émis 14 millions de fois l’énergie libérée par l’ensemble de la galaxie de la Voie lactée sur le même laps de temps, ce qui en fait l’un des GRB de courte durée les plus énergétiques jamais vus », précise Ahumada.
Il s’avère que le phénomène a également été confirmé par une autre équipe de scientifiques, dirigée par l’astrophysicien Bin-Bin Zhang de l’Université de Nanjing, en Chine : en analysant le sursaut GRB 200826A, ils ont constaté que la rafale ne durait qu’une seconde et n’ont pu détecter aucun événement sous-jacent de plus longue durée. Ils confirment par ailleurs que ce sursaut ne peut être associé à la fusion d’étoiles à neutrons : « ses comportements spectraux, son énergie totale et le décalage de la galaxie hôte sont incompatibles avec celles d’autres GRB courts censés provenir de fusions d’étoiles à neutrons binaires », expliquent-ils.
Les propriétés du sursaut GRB 200826A sont en revanche similaires à celles des sursauts liés à la disparition d’étoiles massives. Ce phénomène, observé par deux équipes distinctes, confirme ainsi l’existence de GRB de courte durée ayant pour origine l’effondrement d’un noyau stellaire. « Maintenant, nous savons que les étoiles mourantes peuvent également produire de courtes rafales », résume Zhang.
Des jets relativistes « bloqués » par les matériaux de l’étoile
Qu’implique concrètement cette association inédite entre un GRB court et un collapsar ? Pour commencer, elle suggère que, contrairement à ce que pensaient les spécialistes, les sursauts gamma ne sont pas systématiquement associés à des jets relativistes — des jets très puissants de plasma lancés par le trou noir nouvellement formé, qui atteignent des vitesses proches de la vitesse de la lumière et dont la longueur peut atteindre plusieurs milliers et même plusieurs centaines de milliers d’années-lumière. Du moins, il se trouve que dans ce cas, le jet n’était pas détectable. « Nous pensons que cet événement a été effectivement un échec, un événement qui était sur le point de ne pas se produire du tout », a déclaré Ahumada.
La découverte suggère par ailleurs que de nombreux événements précédemment enregistrés et classés comme sursauts gamma courts pourraient être en réalité des sursauts gamma longs, aux caractéristiques particulières. En d’autres termes, ce que les scientifiques considéraient comme résultant de fusions d’étoiles à neutrons aurait tout aussi bien pu être le fruit d’hypernovas dont les jets de plasma ont été « bloqués » et n’ont pu être détectés, comme ici.
Plus largement, ce résultat démontre que la durée d’un sursaut à elle seule ne peut indiquer avec certitude son origine. Cela signifie aussi que l’échec du lancement de jets peut être un phénomène assez courant pour les collapsars et que les collapsars eux-mêmes ne sont peut-être pas aussi rares que le pensaient les astronomes. Or, ces objets célestes sont extrêmement importants pour notre compréhension de l’Univers : certains spécialistes pensent en effet que les collapsars sont l’une des principales sources d’éléments lourds.