Les galaxies ultra-diffuses sont des galaxies de très faible densité. Leur taille est similaire à celle de la Voie lactée, mais elles comptent en moyenne jusqu’à cent fois moins d’étoiles visibles (de 100 millions à quelques milliards d’étoiles, comme les galaxies naines). Les étoiles sont beaucoup plus dispersées, ce qui entraîne une luminosité de surface extrêmement faible. C’est pourquoi ces galaxies sont difficiles à détecter et demeurent mystérieuses pour les scientifiques.
Pourquoi et comment ces galaxies naines se sont tant étendues ? Est-ce dû à des processus internes (moment angulaire, rétroaction, fusions) ou à des mécanismes externes, voire à une combinaison des deux ? La question fait toujours débat. Pour tenter d’éclaircir le sujet et de déterminer l’origine de ces galaxies, une équipe internationale d’astronomes, co-dirigée par Laura Sales, professeure agrégée à l’Université de Californie à Riverside, s’est intéressée en particulier aux galaxies ultra-diffuses éteintes.
« Ce que nous avons détecté est en contradiction avec les théories de la formation des galaxies », déclare la spécialiste. Une galaxie éteinte est une galaxie qui ne produit plus d’étoiles. Pour s’éteindre, les galaxies naines doivent se trouver dans des amas afin d’éliminer leur gaz et stopper la production d’étoiles. Or, les galaxies ultra-diffuses éteintes, détectées par l’équipe au moyen de simulations sophistiquées, étaient complètement isolées. Les chercheurs pensent qu’elles appartenaient autrefois à un système plus massif.
D’anciens objets satellites, expulsés de leur système
Notre Voie lactée compte 200 à 400 milliards d’étoiles. Les galaxies naines en contiennent entre 100 millions et quelques milliards, mais elles ne sont pas toutes des galaxies ultra-diffuses, car leur taille est très variable (certaines sont très compactes). Le halo de matière noire d’une galaxie naine a une masse au moins 10 fois plus petite que la Voie lactée, et sa taille varie de manière similaire. Les galaxies ultra-diffuses, cependant, enfreignent cette règle et montrent une extension radiale comparable à celle de galaxies beaucoup plus grandes.
Partant de ce constat, l’une des premières théories soutenues par les scientifiques pour expliquer l’existence des galaxies ultra-diffuses était qu’il s’agissait de « Voies lactées ratées » ; en d’autres termes, ces galaxies étaient destinées à devenir de grandes galaxies comme la nôtre, mais leur production d’étoiles aurait échoué. « Nous savons maintenant que ce scénario ne peut pas expliquer toutes les galaxies ultra-diffuses », souligne José A. Benavides, de l’Institut d’astronomie théorique et expérimentale d’Argentine et premier auteur de l’étude. De nouveaux modèles théoriques suggèrent que plus d’un mécanisme de formation pourraient être capables de former ces objets ultra-diffus.
Les travaux de l’équipe reposent sur une simulation, nommée TNG50, une « machine à remonter le temps » qui a permis de prédire des galaxies ultra-diffuses avec des caractéristiques similaires aux galaxies ultra-diffuses observées et qui a mis en évidence quelques-unes de ces galaxies isolées qu’aucun mécanisme de formation ne pouvait expliquer. « Nous avons découvert que ces objets étaient des satellites plusieurs milliards d’années auparavant, mais ont été expulsés sur une orbite très elliptique et semblent isolés aujourd’hui », explique Laura Sales.
Ces galaxies, que les astronomes nomment « galaxies de backsplash », partagent ainsi certaines propriétés avec la population de satellites du système auquel elles appartenaient autrefois, bien qu’elles se trouvent désormais à plusieurs mégaparsecs de lui.
Des galaxies qui pourraient être bien plus nombreuses
Les chercheurs rapportent par ailleurs que selon leurs simulations, les galaxies ultra-diffuses éteintes peuvent généralement constituer 25% d’une population ultra-diffuse de galaxies. Dans les observations, cependant, ce pourcentage est beaucoup plus faible. « Cela signifie que de nombreuses galaxies naines tapies dans l’obscurité sont peut-être restées non détectées par nos télescopes », souligne Sales. Les galaxies ultra-diffuses pourraient même se trouver en nombre non négligeable dans les filaments et les vides galactiques, écrivent les chercheurs.
Cette étude est la première à résoudre la myriade d’environnements nécessaires à la détection des galaxies ultra-diffuses, à une résolution suffisamment élevée pour examiner leur morphologie et leur structure. L’équipe espère ainsi que leurs travaux mèneront vers de nouvelles stratégies pour étudier l’Univers à faible luminosité — et ainsi aboutir au recensement complet de ces galaxies naines particulières.
Sales et ses collaborateurs envisagent de poursuivre leurs recherches, à l’aide de simulations TNG50, pour mieux comprendre pourquoi ces galaxies sont si étendues par rapport à d’autres galaxies naines dotées du même contenu stellaire. Ils s’appuieront également sur l’observatoire W. M. Keck, à Hawaï, qui possèdent des télescopes parmi les plus puissants au monde, pour mesurer la teneur en matière noire des galaxies ultra-diffuses de l’Amas de la Vierge — l’amas de galaxies le plus proche de la Terre, situé à environ 65 millions d’années-lumière, qui abrite, entre autres, la galaxie supergéante Messier 87.
L’équipe se réjouit par ailleurs des progrès à venir en termes d’instrumentation : « Les futurs télescopes, tels que le Large Synoptic Survey Telescope ou le Roman Space Telescope, seront opérationnels dans les cinq à dix prochaines années, et seront capables de détecter beaucoup plus de ces intrigantes galaxies ultra-diffuses », conclut Sales.