Dans le cadre d’une collaboration internationale, des chercheurs ont réalisé une avancée majeure en neuroscience : ils ont mis au point la toute première carte complète des cellules du cerveau d’un mammifère : une souris. Ce travail caractérise plus de 32 millions de cellules. Un nouvel outil qui aidera à mieux comprendre le cerveau et les maladies neurologiques.
Pour la première fois, des chercheurs ont créé un atlas complet des cellules du cerveau entier d’un mammifère. Cet atlas est ainsi en quelque sorte une « carte du cerveau » complète des souris, décrivant le type, l’emplacement et les informations moléculaires de plus de 32 millions de cellules et fournissant des informations sur la connectivité entre ces dernières. Il constitue une avancée majeure dans la compréhension du cerveau des mammifères, offrant ainsi une vue d’ensemble sans précédent de la structure et de la fonction cérébrale.
Soutenue par l’Initiative BRAIN des National Institutes of Health, lancée en 2014, et détaillée dans une série de 10 articles publiés dans la revue Nature, cette recherche met en lumière la diversité cellulaire complexe du cerveau et fournira des indices précieux sur les mécanismes des maladies neurologiques.
Décryptage de la diversité cellulaire
La récente cartographie du cerveau de la souris a mis en lumière une diversité cellulaire étonnante, dépassant largement les attentes des scientifiques. Avec plus de 5300 types de cellules distincts identifiés, cette étude confirme la complexité du cerveau des mammifères. Chaque type de cellule, caractérisé par des fonctions et des caractéristiques uniques, contribue à la richesse fonctionnelle du cerveau. Cette diversité, jusqu’alors sous-estimée, souligne la sophistication des réseaux neuronaux et des processus biologiques qui sous-tendent le comportement, la cognition et les réponses émotionnelles chez les mammifères. La mise en évidence de cette variété cellulaire devrait permettre de mieux comprendre comment ces différents types de cellules interagissent et coopèrent pour assurer le fonctionnement harmonieux du cerveau.
Pour parvenir à cette cartographie détaillée, les chercheurs ont employé des techniques de pointe, notamment la transcriptomique spatiale. Cette méthode permet d’analyser l’expression génétique des cellules tout en préservant leur localisation spatiale dans le cerveau. En d’autres termes, elle offre une double vision : celle de l’activité génétique spécifique à chaque cellule et celle de sa position précise dans la structure complexe du cerveau.
En plus de ces informations structurelles, l’atlas cellulaire fournit donc un catalogue incroyablement détaillé du transcriptome de la cellule – l’ensemble complet des lectures de gènes dans une cellule, qui contient des instructions de fabrication des protéines et d’autres produits cellulaires. Les informations transcriptomiques incluses dans l’atlas sont organisées hiérarchiquement, détaillant les classes de cellules, les sous-classes et des milliers de groupes de cellules individuelles dans le cerveau.
L’atlas caractérise également l’épigénome cellulaire — des modifications chimiques de l’ADN et des chromosomes d’une cellule qui influencent la façon dont l’information génétique de la cellule est exprimée —, détaillant des milliers de types de cellules épigénomiques et des millions d’éléments de régulation génétique candidats pour différents types de cellules cérébrales.
Cette approche a permis de cartographier non seulement les différents types de cellules, mais aussi leurs interactions et leurs emplacements, fournissant ainsi une compréhension plus profonde de la manière dont les cellules cérébrales s’organisent et interagissent.
Comparaison entre primates primitifs et humains
L’étude approfondie des cerveaux de souris a été complétée par l’analyse comparative des cerveaux humains et de primates primitifs, permettant aux chercheurs de mieux comprendre l’évolution des processus de régulation génique. Ils ont constaté que les modèles d’expression génique, qui sont uniques à certains types de cellules, tendent à évoluer plus rapidement que ceux qui sont communs à plusieurs types de cellules.
Cette observation suggère que les pressions évolutives agissent de manière plus intense sur les gènes qui confèrent des caractéristiques spécifiques aux différents types de cellules cérébrales. Cette découverte a une implication importante dans la compréhension du développement de la diversité cellulaire dans le cerveau au cours de l’évolution — qui a mené à une complexité accrue et à des fonctions cérébrales spécialisées chez les mammifères, en particulier chez les humains.
L’un des auteurs, Bing Ren, professeur à la faculté de médecine de l’UC San Diego, explique dans un communiqué : « L’ADN d’une cellule est comme son langage. Tout comme il existe certaines racines de mots communes à de nombreuses langues, il existe certains gènes et modèles d’expression génique qui sont conservés parmi différentes espèces. Apprendre à comprendre et à interpréter le langage moléculaire du cerveau peut nous aider à en apprendre davantage sur le fonctionnement général du cerveau et sur ce qui lui arrive dans des maladies neuropsychiatriques ».
Implications pour la recherche médicale
La cartographie détaillée des cellules du cerveau de la souris apporte une contribution significative à la compréhension des maladies neurologiques. En identifiant les différents types de cellules et en analysant leurs interactions, cette étude fournit par le biais d’un véritable atlas des informations précieuses sur les mécanismes moléculaires à l’origine de ces pathologies. En observant les variations dans l’expression génétique ou les anomalies dans la distribution des cellules, les chercheurs peuvent identifier des modèles spécifiques associés à certaines maladies.
Cette approche permettra probablement de mieux comprendre comment des maladies telles qu’Alzheimer, la sclérose en plaques ou la maladie de Parkinson modifient la structure et le fonctionnement du cerveau. Les scientifiques pourront alors concevoir des thérapies qui ciblent spécifiquement les cellules ou les réseaux de cellules impliqués.
Ren déclare : « Le cerveau n’est pas homogène et les maladies n’affectent pas toutes les parties du cerveau de la même manière. Les enseignements de cette recherche et de l’initiative BRAIN dans son ensemble nous aident à mieux comprendre quels types de cellules sont affectés par des maladies spécifiques. Nous espérons que cela ouvrira la voie à des thérapies plus précises et ciblées, capables de guérir les cellules malades sans affecter le reste du cerveau ».
Les scientifiques prévoient d’étendre cette recherche au cerveau humain et à celui d’autres primates. Cette expansion pourrait ainsi révolutionner notre compréhension du cerveau, de son fonctionnement, de son développement et de son évolution.