Des chercheurs du SLAC et de Stanford ont mis au point une technique innovante pour observer les mouvements des atomes d’hydrogène dans les molécules d’ammoniac, exploitant la diffraction électronique ultra-rapide. Cette exploration détaillée des transferts de protons et des réactions de dissociation atomique ouvre la voie à une compréhension plus approfondie des réactions chimiques et biologiques. Les implications de cette recherche s’étendent de la biologie structurale à la chimie, en fournissant des indices sur les mécanismes réactionnels fondamentaux.
La compréhension des mécanismes moléculaires joue un rôle central dans notre capacité à déchiffrer les processus complexes qui sous-tendent les réactions chimiques et biologiques. Ces processus, omniprésents dans notre environnement, influencent tout, des fonctions corporelles aux innovations technologiques. Au centre de cette complexité se trouve l’atome d’hydrogène. Sa dynamique, en particulier sa capacité à se lier et à se séparer d’autres atomes, est cruciale pour de nombreuses réactions.
Des chercheurs du SLAC National Accelerator Laboratory et de l’Université Stanford ont récemment mis en lumière les mouvements de ces atomes dans les molécules d’ammoniac, offrant une vision inédite des transferts de protons. L’étude est disponible dans la revue Physical Review Letters.
L’importance des transferts de protons
Les transferts de protons, qui impliquent le déplacement d’un proton d’une molécule à une autre, sont un élément fondamental de nombreuses réactions chimiques et biologiques, influençant des processus vitaux tels que la catalyse enzymatique. Dans ce cas, les enzymes accélèrent les réactions chimiques et le fonctionnement des pompes à protons dans les cellules, qui jouent un rôle crucial dans le maintien de l’équilibre acido-basique et de la production d’énergie. La rapidité avec laquelle ces transferts de protons se produisent, souvent de l’ordre de la femtoseconde (10-15 secondes), rend leur observation et leur compréhension détaillée particulièrement complexe et délicate.
Les méthodes conventionnelles d’étude de ces réactions, comme l’utilisation de rayons X, rencontrent des obstacles significatifs. Certes, les rayons X fournissent des informations précieuses sur la structure des molécules, mais ils ne permettent pas d’étudier les mouvements des protons. La raison est que les rayons X interagissent principalement avec les électrons des atomes et non avec les noyaux atomiques. Ils ne sont pas particulièrement sensibles aux mouvements des protons, qui sont les noyaux des atomes d’hydrogène. Par conséquent, bien que les rayons X puissent nous donner des images détaillées des structures moléculaires, ils ne capturent pas efficacement les dynamiques rapides des protons au cours des réactions chimiques.
L’utilisation de la diffraction électronique ultra-rapide
Pour surmonter ces limitations, les chercheurs ont utilisé la MeV-UED, une chambre de diffraction électronique ultra-rapide du SLAC. Cette technique utilise un faisceau d’électrons de haute énergie pour sonder la structure des molécules et observer les changements structurels en temps réel avec une résolution temporelle extrêmement élevée.
Concrètement, les chercheurs ont ciblé les molécules d’ammoniac, qui sont composées d’un atome d’azote et de trois atomes d’hydrogène. L’objectif était d’observer la dynamique de l’atome d’hydrogène lorsqu’il est séparé du noyau d’azote dans la molécule d’ammoniac. Pour ce faire, ils ont utilisé de la lumière ultraviolette pour dissocier, ou rompre, l’un des liens hydrogène-azote dans la molécule. L’énergie de la lumière ultraviolette a été utilisée pour briser le lien chimique entre ces atomes.
Ensuite, un faisceau d’électrons a été envoyé à travers la molécule. Lorsque les électrons du faisceau traversent la molécule, ils sont diffractés, ou dispersés, par les atomes de la molécule. En capturant et en analysant ces électrons diffractés, les chercheurs peuvent obtenir des informations détaillées sur la structure de la molécule et les changements structurels qui se produisent pendant la réaction. Plus précisément, ils ont pu observer la manière dont l’atome d’hydrogène se sépare du noyau d’azote et les modifications structurelles qui en résultent dans la molécule.
Le chercheur du SLAC Thomas Wolf, co-auteur de l’étude, explique dans un communiqué : « Avoir quelque chose de sensible aux électrons et quelque chose de sensible aux noyaux dans la même expérience est extrêmement utile ». Il ajoute : « Si nous pouvons voir ce qui se passe en premier lorsqu’un atome se dissocie — que les noyaux ou les électrons fassent le premier pas pour se séparer — nous pouvons répondre aux questions sur la manière dont les réactions de dissociation se produisent ».
Des implications significatives pour la chimie et la biologie
La capacité à suivre les protons dans l’acte de dissociation a des implications significatives pour comprendre les mécanismes de transfert de protons dans la chimie et la biologie. L’UED ouvre de nouvelles possibilités d’observer directement ces processus en temps réel et avec une résolution atomique. Elle conduira potentiellement à de nouvelles approches pour manipuler ces réactions dans des contextes tels que la catalyse, la synthèse de médicaments et au-delà.
Dans les expériences futures, les chercheurs prévoient d’utiliser des rayons X au LCLS (Linac Coherent Light Source), le laser à rayons X du SLAC, pour comparer les résultats. Ils visent également à améliorer l’intensité du faisceau d’électrons et à améliorer la résolution temporelle pour résoudre les étapes individuelles de la dissociation des protons.