Les métaux lourds et autres substances nocives présents dans l’eau potable sont susceptibles d’affecter le développement cognitif des enfants. Au Danemark, des chercheurs ont révélé que les femmes enceintes consommant l’eau du robinet ayant des niveaux élevés de lithium courent un risque plus important que leurs enfants développent un trouble du spectre de l’autisme.
Dans plusieurs régions du monde, des traces de métaux lourds tels que le plomb et le manganèse sont présentes dans l’eau potable. Si les deux premiers sont connus pour induire des troubles du développement cognitif chez les enfants, l’implication du troisième dans ces troubles est encore largement méconnue. Or, la contamination de l’eau potable par le lithium tend à devenir plus répandue, en raison de l’utilisation de ce métal dans nos technologies actuelles. Une fois dans les décharges, le lithium contenu dans les batteries peut s’infiltrer dans le sol et potentiellement contaminer les nappes phréatiques.
« Tous les contaminants de l’eau potable susceptibles d’affecter le développement du cerveau humain méritent un examen minutieux », estime la coauteure principale de la nouvelle étude, Beate Ritz, professeure de neurologie, d’épidémiologie et de santé environnementale à l’Université de Californie à Los Angeles. « Les résultats de notre étude sont basés sur des données danoises de haute qualité, mais doivent être reproduits dans d’autres populations et régions du monde », ajoute-t-elle.
La nouvelle étude, parue dans la revue JAMA Pediatrics, a été effectuée au Danemark car le taux de consommation d’eau en bouteille figure parmi les plus faibles d’Europe (l’eau du robinet étant privilégiée). De plus, le pays possède l’un des systèmes les plus robustes pour mesurer les traces de métaux lourds et autres contaminants dans l’eau potable (dont d’autres métaux nocifs) consommée par les ménages. Toutefois, le taux de contamination au lithium de l’eau potable y est relativement faible en comparaison à d’autres régions du monde, ce qui souligne la nécessité de reproduire les mesures dans d’autres pays.
D’un autre côté, il est important de noter que les médicaments à base de lithium sont généralement prescrits pour les troubles bipolaires et la dépression, en raison de leurs effets sur la stabilisation de l’humeur. Des études antérieures ont en effet montré que la prise régulière de lithium conférait une meilleure plasticité de la matière grise. Les symptômes de ses troubles neurologiques sont notamment associés à une rigidité de connexions entre plusieurs régions du cerveau. Le lithium stimule la croissance dendritique et améliore ainsi cette connexion.
Cependant, la question de savoir si le lithium peut être administré en toute sécurité chez les femmes enceintes fait débat. Il serait notamment associé à des risques plus élevés de fausse couche et de malformations cardiaques chez les nouveau-nés. Des chercheurs danois ont également révélé que l’ingestion chronique et à faible dose de lithium contenu dans l’alcool augmente l’incidence de troubles neuropsychiatriques à l’âge adulte.
Dans la nouvelle recherche, Ritz et ses collègues examinent la façon dont le métal peut influencer les troubles neurodéveloppementaux et les maladies neurodégénératives chez les enfants. Leur étude serait la première à montrer que le lithium contaminant l’eau potable pourrait affecter une voie moléculaire impliquée dans le développement de troubles du spectre autistique chez les enfants — dont les mères ont consommé cette eau pendant leur grossesse.
Un risque corrélé au taux de lithium dans l’eau
Les chercheurs se sont appuyés sur des analyses des taux de lithium au niveau de 151 aqueducs publics au Danemark (alimentant en eau potable environ la moitié de la population du pays). Afin d’identifier les sources alimentant les ménages tenus par des femmes ayant eu des enfants, des informations ont été collectées au niveau des registres d’état civil. Ces adresses étaient alimentées par de l’eau potable ayant un niveau de lithium allant de 0,6 à 30,7 microgrammes par litre.
Les chercheurs ont ensuite relevé 8842 diagnostics d’autisme et 43 864 autres participants témoins, concernant des enfants nés entre 2000 et 2013. Des enquêtes sur les mères ont également été effectuées, notamment concernant leurs conditions pendant la grossesse, telles que les facteurs socio-économiques et les expositions à la pollution de l’air (qui sont tous liés à un risque accru d’autisme chez l’enfant).
Il a alors été constaté que les niveaux élevés de lithium augmentaient parallèlement avec ceux des diagnostics d’autisme. Par rapport au plus bas niveau enregistré de lithium (moins de 7,39 microgrammes par litre en moyenne), les niveaux les plus élevés étaient associés à une augmentation de 24 à 26% du risque d’autisme. Dans les quartiers où l’on a observé les niveaux les plus élevés de lithium (à partir de 16,78 microgrammes par litre), ce risque était 46% plus élevé. Par ailleurs, il a également été observé que les enfants habitant en zones urbaines couraient plus de risques d’être diagnostiqués autistes que ceux résidant dans les petites villes ou à la campagne.