Parallèlement aux semi-conducteurs inorganiques, basés sur des éléments comme le silicium, qui occupent la place majoritaire dans l’électronique d’aujourd’hui, les semi-conducteurs organiques peinent à se démarquer à cause de leur manque d’efficacité. Cette situation pourrait être sur le point de changer grâce à la découverte réalisée par des physiciens suédois, permettant de doubler le dopage de ces composants.
Des chercheurs de l’Université de technologie Chalmers, en Suède, ont découvert une nouvelle manière de doubler l’efficacité de l’électronique organique. Les écrans OLED, les cellules solaires à base de plastique et la bioélectronique ne sont que quelques-unes des technologies qui pourraient tirer profit de cette nouvelle découverte, qui concerne les polymères à double dopage.
La majorité des produits électroniques quotidiens sont basés sur des semi-conducteurs inorganiques, tels que le silicium. Un processus appelé dopage est essentiel à leur fonction. Il consiste à incorporer des impuretés dans le semi-conducteur afin d’améliorer sa conductivité électrique. C’est ce qui permet à divers composants des cellules solaires et des écrans LED de fonctionner.
Pour les semi-conducteurs organiques, c’est-à-dire à base de carbone, ce processus de dopage revêt également une importance capitale. Depuis la découverte des plastiques et polymères électroconducteurs, domaine pour lequel un prix Nobel a été attribué en 2000, la recherche et le développement de l’électronique organique se sont rapidement accélérés.
Les écrans OLED en sont déjà un exemple sur le marché. Il existe d’autres applications à cette technologie, mais elles n’ont toujours pas été concrétisées, en partie à cause du manque d’efficacité des semi-conducteurs organiques.
Le dopage dans les semi-conducteurs organiques fonctionne par le biais d’une réaction dite d’oxydo-réduction. Cela signifie qu’une molécule dopante reçoit un électron du semi-conducteur, ce qui augmente la conductivité électrique de celui-ci.
Plus le semi-conducteur peut réagir avec des molécules dopantes, plus la conductivité est élevée — jusqu’à une certaine limite, après quoi elle diminue. Actuellement, la limite d’efficacité des semi-conducteurs organiques dopés a été déterminée par le fait que les molécules de dopant n’ont pu échanger qu’un électron chacune.
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Dans un article paru dans la revue Nature Materials, les chercheurs montrent qu’il est en réalité possible de déplacer deux électrons sur chaque molécule de dopant. « Grâce à ce processus de double dopage, le semi-conducteur peut ainsi devenir deux fois plus efficace » explique David Kiefer, auteur principal de l’étude. Selon Christian Müller, physicien spécialiste des polymères, cette innovation ne repose pas sur de grandes réalisations techniques, mais sur l’adoption d’un point de vue différent.
« L’ensemble du domaine de recherche s’est totalement concentré sur l’étude de matériaux ne permettant qu’une seule réaction rédox par molécule. Nous avons choisi de regarder un type de polymère différent, avec une énergie d’ionisation inférieure. Nous avons vu que ce matériau permettait le transfert de deux électrons au lieu d’un » déclare Müller.
Cette découverte pourrait permettre d’améliorer davantage les technologies qui, aujourd’hui, ne sont pas suffisamment concurrentielles pour être commercialisées. L’un des problèmes est que les polymères ne conduisent tout simplement pas assez bien le courant, et l’amélioration de l’efficacité des techniques de dopage a longtemps été l’objectif pour parvenir à une meilleure électronique à base de polymères.
Or, ce doublement de la conductivité des polymères, tout en utilisant la même quantité de matériau dopant, sur la même surface qu’auparavant, pourrait représenter le point de basculement nécessaire pour permettre la commercialisation de plusieurs technologies émergentes.
Cette découverte offre des connaissances fondamentales et pourrait aider des milliers de chercheurs à progresser dans les domaines de l’électronique flexible, de la bioélectronique et de la thermoélectricité. Le groupe de recherche de Christian Müller étudie lui-même plusieurs domaines d’application différents, avec la technologie des polymères en tant qu’élément central. Son groupe étudie notamment le développement de textiles électroconducteurs et de cellules solaires organiques.