Depuis que Donald Trump a été exclu de Twitter le 8 janvier — suite à la publication de messages jugés comme incitant à la violence — il apparaît que le taux de désinformation de la plateforme a considérablement baissé. Entre le 9 et le 15 janvier, la société Zignal Labs a en effet constaté une baisse de 73% de tweets évoquant la fraude électorale américaine, par rapport à la semaine précédente.
À noter que la fermeture du compte Twitter de Donald Trump avait également entraîné la suspension de plus de 70’000 comptes de partisans du mouvement QAnon, ce qui a sans doute contribué à cette baisse importante. « Compte tenu des événements violents à Washington DC et du risque accru de préjudice, nous avons commencé à suspendre définitivement des milliers de comptes principalement dédiés au partage de contenu QAnon », écrivaient les responsables sur le blog officiel du réseau social le 12 janvier.
Sur les réseaux sociaux, les conversations liées à une potentielle fraude électorale ont débuté bien avant le jour du scrutin. Comme pour justifier par avance son possible échec, Donald Trump a rapidement fait savoir qu’il accordait peu de confiance au vote par correspondance, tout comme aux machines de vote, dont il remettait en cause l’intégrité. Ses partisans, de même que les membres du mouvement conspirationniste QAnon, ont rapidement adhéré à cette idée et n’ont eu de cesse d’entretenir et de répandre la rumeur. Jusqu’à ce jour où le Capitole a été pris d’assaut.
Une décision controversée, qui limite les fake news
Suite aux événements, Twitter et Facebook ont rapidement réagi, de façon radicale, en supprimant purement et simplement le compte de l’ancien président des États-Unis (et de nombreux de ses partisans). Les conséquences de cette réaction inédite ne se sont pas faites attendre. La fermeture du compte de Donald Trump a provoqué un vif débat, tant aux États-Unis qu’en Europe, autour de la régulation des réseaux sociaux et de leur légitimité à censurer ainsi un chef d’État. « C’est unilatéral. Il n’y a aucune supervision démocratique alors que l’on parle du président des États-Unis, qui s’adresse sur Twitter à 88 millions d’abonnés », souligne Cédric O, Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques.
La réaction « tardive » des réseaux sociaux pose également question : par le passé, Trump avait déjà évoqué le recours aux armes létales lors des manifestations Black Lives Matter ; des propos qui n’avaient pourtant pas suscité de réactions de la part des plateformes de communication. Ainsi, plusieurs ministres et personnalités politiques français ont condamné la suspension du compte Twitter de Trump, au nom de la liberté d’expression et de la démocratie. « Doit-on déléguer notre liberté d’expression aux géants de la Silicon Valley ? », interroge François Ruffin. « La régulation des géants du numérique […] est nécessaire, mais elle doit se faire par les États et par la Justice », estime Bruno Le Maire.
Le bannissement de Trump a dans tous les cas eu un impact positif sur les contenus qui continuent d’être échangés. Selon Zignal Labs, le nombre de conversations liées à la fraude électorale est passé de 2,5 millions à 688’000. Plus précisément, les sujets usant de mots-clés tels que « fraude électorale », « arrêtez le vol », « votes illégaux » et « bulletins de vote déchiquetés » ont affiché une baisse de 67 à 99% sur Twitter après la fermeture du compte de Donald Trump. La société note également une chute de 95% des hashtags #FightforTrump ou #HoldTheLine sur Twitter et d’autres plateformes. Un éventail de mots-clés et d’expressions liés à QAnon ont également connu une baisse d’usage sur le réseau, bien qu’il y ait eu en parallèle une augmentation des mentions de « Q » et « QAnon ».
Twitter, un puissant porte-voix pour Donald Trump
Force est de constater aujourd’hui que lorsque des géants comme Twitter et Facebook décident de réagir face à la publication de contenus inappropriés (et pouvant mener à des agressions mortelles), leurs actes ont un impact tangible sur les conversations qui continuent de se tenir sur leurs réseaux. Écarter les messages de haine et les fausses informations potentiellement dangereuses semble empêcher un effet « boule de neige » de ce type de contenus et empêche, par la même occasion, que ces messages ne se transforment en violents passages à l’acte.
La décision de Twitter et consorts était-elle légitime ? Cela faisait un moment que le compte de Donald Trump était dans le collimateur du réseau social. Nombre de ses tweets évoquant les élections présidentielles étaient estampillés d’une note de Twitter indiquant qu’il s’agissait d’affirmations contestées et certains ne pouvaient être partagés. Malgré ces notes d’avertissement, les conversations mensongères et conspiratrices ont continué à se propager et à s’envenimer, menant vraisemblablement aux événements inédits de ce 6 janvier.
Que ce soit pendant et après l’attaque du Capitole, Donald Trump n’a pas fait beaucoup d’efforts pour calmer les insurgés, encore moins pour condamner leurs actions. Au contraire. Le lendemain des événements, il a publié un tweet pour annoncer d’une part qu’il ne se rendrait pas à la cérémonie d’investiture de Joe Biden et d’autre part, pour adresser son soutien aux « patriotes américains ». Des messages interprétés comme une incitation à la violence, allant clairement à l’encontre des conditions générales d’utilisation de Twitter.
Pour beaucoup, le bannissement de Trump et de milliers de ses partisans constitue une étape importante pour lutter contre la désinformation outre-Atlantique. Mais Graham Brookie, directeur du Digital Forensic Research Lab pour le think tank américain Atlantic Council, met en garde contre l’effet boomerang de ce type de « de-platforming » : « cela a également tendance à renforcer les opinions de ceux qui sont déjà engagés dans la diffusion de ce type de fausses informations ».