Les restes d’une baleine à bec de Travers ont été trouvés sur une plage du sud de la province d’Otago, en Nouvelle-Zélande. Jamais observée vivante, il s’agit d’une espèce extrêmement rare dont seuls six spécimens ont été répertoriés jusqu’ici. Cette découverte offre une opportunité exceptionnelle de dissection et d’analyse ADN, qui pourraient fournir davantage d’informations sur le cétacé.
Décrite pour la première fois en 1874, la baleine à bec de Travers (Mesoplodon traversii) est la baleine la plus rare au monde. Le premier spécimen a été identifié par Henry Hammersley Travers à partir d’une mâchoire inférieure et deux dents découvertes sur l’île Pitt, en Nouvelle-Zélande. L’existence officielle de l’espèce a été confirmée plus tard lorsque les squelettes plus complets de deux autres spécimens ont été découverts sur l’île néo-zélandaise Whakāri/White et l’île Robinson Crusoé au Chili.
Puis, en 2010, deux autres spécimens presque intacts (une femelle et son petit) ont été retrouvés échoués dans la baie d’Abondance, tandis que le plus récent avant celui d’Otago a été découvert en 2017, à Gisborne (tous en Nouvelle-Zélande). Ces découvertes ont permis d’en savoir plus sur la morphologie et l’apparence de l’espèce : une robe sombre devenant plus claire au niveau du ventre.
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Une étude suggère que l’espèce est répartie à travers le sud de l’océan Pacifique, abritant certaines des fosses marines les plus profondes de la planète, à l’instar des autres baleines à bec. Ces cétacés chasseraient notamment au niveau des zones profondes et se nourriraient surtout de calmars et de petits poissons. Les baleines à bec passent la majorité de leur temps en eau profonde et ne consacrent que 5 % de leur temps à remonter à la surface pour respirer, ce qui rend leur observation extrêmement difficile.
D’autre part, étant donné que très peu de baleines à bec de Travers ont été étudiées et qu’aucune observation de l’animal dans son milieu naturel n’a été rapportée, on en sait que très peu sur l’espèce. Elle est d’ailleurs catégorisée comme liée à une « quantité de données insuffisantes » dans le système de classification des espèces menacées de la Nouvelle-Zélande.
L’un des grands mammifères les plus mystérieux de l’époque moderne
Le nouveau spécimen a également été découvert en Nouvelle-Zélande (le 4 juillet dernier), sur la plage de Taieri Mouth, à l’embouchure d’une rivière dans le sud de la province d’Otago. D’après les experts du Département de Conservation de Nouvelle-Zélande et du musée national Te Papa, il s’agit d’un grand mâle mesurant environ 5 mètres et ressemblant à un très grand dauphin.
« Les baleines à bec de Travers sont l’une des espèces de grands mammifères les moins connues de l’époque moderne. Depuis les années 1800, seuls six spécimens ont été répertoriés dans le monde, et tous, sauf un, provenaient de Nouvelle-Zélande. D’un point de vue scientifique et de conservation, c’est énorme », explique dans un communiqué du département de Conservation de Te Papa, Gabe Davies, le directeur des opérations côtières.
Afin de confirmer l’identité de l’espèce, des échantillons ont été envoyés au Centre de conservation de tissus de cétacés de l’Université d’Auckland, pour une analyse ADN. Cette étape prendra probablement quelques semaines voire des mois. Toutefois, les experts sont quasiment sûrs qu’il s’agit d’une baleine à bec de Travers, principalement en raison de sa coloration distinctive, de la disposition de ses dents et de la forme caractéristique de sa mâchoire.
Cette découverte offrira également l’opportunité inédite de disséquer une carcasse intacte du cétacé. Elle permettra d’étudier le contenu de son estomac, ce qui pourrait fournir de précieuses informations sur le comportement général de la population et peut-être permettre de comprendre pourquoi ces baleines sont si rarement observées.
Cependant, avant de pouvoir effectuer la dissection, les chercheurs devront d’abord entamer des discussions avec les Maoris, les autochtones locaux, qui considèrent les baleines comme sacrées — ce qui pourrait prendre beaucoup de temps. Plus tôt cette année, les dirigeants autochtones de Nouvelle-Zélande, de Tahiti et des îles Cook ont d’ailleurs signé un traité reconnaissant les baleines comme des personnes juridiques.
« La rareté de la baleine signifie que les discussions sur la marche à suivre prendront plus de temps, car il s’agit d’une conversation d’importance internationale », explique Gabe. En attendant les prochaines étapes, la carcasse a été retirée de la plage par une entreprise locale de terrassement, puis transportée pour être conservée dans une chambre froide.