Un photographe a récemment capturé des images rares montrant un filet de bulles, produit par deux baleines à bosse, ressemblant à une spirale de Fibonacci. Généralement utilisés par les cétacés comme outils de chasse, ces filets sont créés par groupe d’au moins deux individus, par le biais d’une sorte de ballet aquatique parfaitement exécuté. Celui récemment immortalisé a été aperçu dans les eaux de l’Antarctique et témoigne de la fascinante complexité d’un comportement animal unique.
Les spirales de Fibonacci, ces célèbres motifs géométriques complexes formant une suite très précise de courbes, sont couramment observées dans la nature. Cela va par exemple de l’agencement des graines de tournesol à la forme de la coquille d’un escargot, en passant par l’emplacement des écailles d’une pomme de pin, etc. On estime que cette forte présence dans la nature découle d’un mécanisme d’adaptation visant à améliorer l’efficacité de diverses stratégies biologiques.
Piet van den Bemd, photographe professionnel et guide polaire, pilotait son drone quelque part au-dessus des eaux de l’Antarctique lorsqu’il a distingué des motifs de bulles émergeant des profondeurs. La suite de bulles formait une spirale de Fibonacci presque parfaitement exécutée. Ce n’est que lorsque la spirale a été achevée qu’il s’est aperçu qu’elle avait été produite par deux baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) en pleine partie de chasse.
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Leurs deux gigantesques bouches se sont ensuite ouvertes au centre du motif pour avaler leurs proies. Le photographe est l’un des rares témoins à avoir « assisté à la danse hypnotique de deux baleines à bosse se nourrissant de manière synchronisée à l’aide d’un filet de bulles », a-t-il déclaré sur son compte Instagram.
Vidéo montrant les deux baleines à bosse formant le filet de bulles :
En effet, bien que cette stratégie de chasse ait déjà été décrite par les scientifiques, elle reste rarement observée et encore moins filmée. Elle n’a jusque récemment été cataloguée que chez les populations de baleines de l’hémisphère Nord. Avec l’utilisation des drones caméra, les filets de bulles commencent désormais à être observés dans l’hémisphère Sud et dans les régions marines les plus éloignées, comme la haute mer.
Les bulles : un kit d’outils polyvalents pour les baleines
Pour créer les filets à bulles, les baleines forment des groupe de deux ou plus et effectuent une sorte de ballet synchronisé. Elles entourent et piègent temporairement des bancs de poissons ou de Krill en effectuant avec une étonnante précision des boucles de plus en plus serrées, tout en libérant un flux d’air constant.
En règle générale, l’une des baleines produit des bulles tandis que les autres effectuent des manœuvres de regroupement visant à rassembler les proies. Une fois le piège formé, elles chargent ensemble par dessous, au centre de la spirale, la gueule grande ouverte pour avaler un maximum de nourriture.
Les expéditions scientifiques au cours des dernières décennies ont également montré que les baleines ne se servent pas des bulles uniquement dans un contexte de chasse. Elles s’en serviraient aussi à d’autres fins. Ces animaux ne disposant pas de doigts libres ou de pouces opposables, cela témoigne d’une rare forme d’intelligence adaptative.
Un groupe de baleines a par exemple utilisé les bulles dans un contexte défensif, lorsqu’un mâle escortait une femelle et son petit. Alors que deux autres mâles cherchaient à s’approcher de trop près du groupe, le mâle protecteur s’est interposé entre eux et la femelle tout en soufflant une grande traînée de bulles. Cette tactique servirait probablement à désorienter les agresseurs et à cacher temporairement la femelle et son baleineau. D’un autre côté, cela aurait également pu servir de stratégie d’intimidation pour éloigner les agresseurs. Dans certains cas, certains assaillants ripostent en créant, eux aussi, leurs propres traînées de bulles.
D’autre part, l’utilisation des bulles est aussi observée dans des contextes de jeux et de parades nuptiales. De jeunes femelles ont été aperçues en train de « dessiner » des rideaux et des cercles de bulles, alors qu’il n’y avait aucune proie ou autres baleines aux alentours. Chez beaucoup d’animaux, le jeu facilite la pratique de comportements qui sont convertis en compétences utiles pour la survie plus tard dans la vie.
D’un autre côté, des mâles en compétition pour une femelle ont été observés en train de produire des anneaux de bulles. Certains ont également été aperçus soufflant de minces faisceaux de bulles en direction de la partie génitale des femelles, probablement dans le but de procurer une stimulation précopulatoire.