Créer des structures auto-suffisantes capables de générer leur propre énergie est un défi que l’ingénierie tente de relever depuis de nombreuses années. L’ajout de panneaux solaires sur les toits des maisons et des immeubles a constitué la première étape du processus. Maintenant, des scientifiques proposent de doter les grandes fenêtres des bâtiments de cellules solaires transparentes afin d’atteindre un tout autre niveau de production énergétique.
Les maisons et les immeubles d’affaires représentent 75% de la consommation d’électricité aux États-Unis, et 40% de la consommation énergétique totale. Les fenêtres, souvent les premières causes de fuite d’énergie, représentent une grande part du problème. « Tout ce que nous pourrons faire pour limiter ce problème aura un impact important » déclare Lance Wheeler, expert de l’énergie solaire au Laboratoire National des Energies Renouvelables (Colorado).
De précédentes recherches ont pourtant suggéré une solution : transformer les fenêtres en panneaux solaires. La possibilité d’intégrer des films absorbant la lumière intégrés aux fenêtres existe déjà, mais donne souvent une teinte brune et opaque qui ne plaît pas aux architectes.
Toutefois, cette nouvelle technologie développée par des chercheurs de l’université du Michigan n’absorbe que les rayonnements UV et infrarouges, permettant à la fenêtre de rester totalement transparente. Le fait de bloquer la chaleur des UV et des IR tout en la réutilisant à des fins énergétiques offre de grandes possibilités : réduction de la climatisation, production d’énergie auto-suffisante, etc.
La plupart des cellules solaires, telles que les cellules au silicium cristallin, sacrifient la transparence pour maximiser leur efficacité (le pourcentage de lumière solaire transformée en électricité). Les meilleures cellules au silicium ont un rendement de 25%, tandis que les nouvelles cellules opaques aux pérovskites n’atteignent que 22% d’efficacité ; ces dernières sont moins chères que celles au silicium et peuvent être modifiées pour n’absorber que certaines longueurs d’onde.
Une équipe d’ingénieurs chimistes de l’université du Michigan dirigée par Richard Lunt, a modifié ces cellules aux pérovskites pour développer une fenêtre solaire absorbant les rayons UV possédant un rendement de 0.5%. Bien que cela soit inférieur à l’efficacité des meilleures cellules aux pérovskites, Lunt explique que c’est suffisant pour alimenter une autre technologie : le verre opacifiant à la demande, réduisant ainsi les besoins en climatisation des bureaux.
Les résultats ont été publiés dans la revue Joule. Dans les prochaines années, les chercheurs espèrent parvenir à une efficacité de 4%, suffisante pour alimenter éclairages et systèmes de refroidissement.
De l’autre côté du spectre se trouvent les infrarouges, pouvant également être utilisés pour générer de l’électricité. L’année dernière, l’équipe de Lunt publiait des résultats dans la revue Nature Energy concernant la mise au point de cellules transparentes absorbant les UV et les IR avec une efficacité de 5%, et utilisant une technologie photovoltaïque organique — des films très fins composés de semiconduteurs et métaux organiques.
Lunt affirme que les futurs systèmes associant les pérovskites capturant les UV à des composés organiques exploitant les infrarouges, pourraient atteindre des rendements de 20%, tout en étant presque entièrement transparents.
Une autre méthode pour obtenir des fenêtres solaires transparentes consiste en l’utilisation de concentrateurs solaires luminescents. Il s’agit de minuscules semiconducteurs intégrés à la fenêtre, absorbant UV et IR pour les réémettre aux longueurs d’onde absorbées par les cellules solaires classiques.
La lumière réémise est concentrée et déviée latéralement, à travers le verre, vers des bandes de cellules solaires intégrées dans le cadre de la fenêtre. Cette technologie, atteignant une efficacité de 3.1%, promet d’être peu chère au regard des faibles coûts de production des semiconducteurs.
Cependant, comme le rappelle Michael McGehee, expert des fenêtres solaires et des cellules aux pérovskites à l’université de Stanford, les fenêtre semi-transparentes ne sont pas pour tout de suite. L’année dernière par exemple, le ministère de l’Énergie des États-Unis a accordé 2,5 millions de dollars à la société Next Energy Technologies, à Santa Barbara (Californie), pour perfectionner ses fenêtres solaires semi-transparentes.
L’entreprise a atteint des rendements de 7% avec des fenêtres qui absorbent la moitié de la lumière incidente qui les frappe, y compris la lumière visible. Cela les assombrit par rapport au verre transparent, mais parce qu’elles absorbent la lumière à travers le spectre plutôt qu’à des fréquences spécifiques, elles ne prennent pas la teinte rougeâtre ou brunâtre inesthétique. « Il s’avère qu’une fenêtre absorbant la moitié de la lumière de l’ensemble du spectre visible est plus que bien » indique McGehee.
Wheeler ne sait pas encore laquelle de ces technologies se hissera au-dessus des autres. Plusieurs facteurs sont à considérer, notamment la toxicité en cas de brisure de la fenêtre, car la plupart des cellules solaires contiennent des composés toxiques. La technologie doit également être durable et pérenne sur plusieurs dizaines d’années. Malgré ces exigences, l’expert est certain que les immeubles finiront par générer leur propre électricité.