Les batteries lithium-ion ont rapidement conquis le marché grâce à leur haute densité énergétique. Mais de par l’explosion de la demande pour la fabrication des batteries automobiles, le prix du lithium est aujourd’hui très élevé : autour de 45 000 € la tonne (soit environ 360% plus cher qu’il y a un an). Dans ce contexte, une équipe du MIT a développé une batterie fabriquée à partir de matériaux abondants et peu coûteux : de l’aluminium, du soufre et du sel. Non seulement cette nouvelle batterie est moins chère à produire, mais elle est aussi très résistante.
L’autre inconvénient majeur des batteries lithium-ion est qu’elles contiennent un électrolyte inflammable, elles peuvent donc prendre feu ou exploser si elles sont endommagées ou mal utilisées. Pourtant, la demande ne va pas diminuer de sitôt : le déploiement massif de panneaux solaires et d’éoliennes doit nécessairement s’accompagner de systèmes de secours pour combler les besoins lorsque les conditions climatiques ne sont pas favorables. Alors que le monde tente de réduire ses émissions de CO2 en augmentant l’usage des énergies renouvelables et des véhicules électriques, il est essentiel de trouver des alternatives de stockage plus sûres et moins coûteuses.
La batterie conçue par le professeur Donald Sadoway et ses collègues répond idéalement à ce besoin. Elle utilise l’aluminium et le soufre comme matériaux d’électrodes, séparés par un électrolyte de sel fondu. L’aluminium est rapidement apparu comme un matériau de choix : c’est le métal le plus abondant sur Terre et aussi le 2e métal du marché (derrière le fer). Le soufre est quant à lui le moins cher de tous les non-métaux ; on le trouve en grande quantité dans la nature, sous forme de sulfures et de sulfates, et c’est également un déchet du raffinage du pétrole.
Des taux de charge particulièrement élevés
Pour l’électrolyte, il était exclu d’utiliser des liquides organiques volatils et inflammables. Les chercheurs ont donc testé différents sels fondus dont les points de fusion étaient relativement bas — le but étant de s’affranchir des mesures d’isolation et d’anticorrosion, explique Sadoway dans un communiqué. Leur choix s’est porté sur un sel fondu composé de NaCl-KCl-AlCl3. L’équipe explique que les chloroaluminates fondus contiennent des espèces AlnCl3(n+1) sous forme de chaînes, dont les liaisons Al-Cl-Al confèrent une cinétique de désolvatation facile de l’ion Al3+, ce qui entraîne des courants d’échange faradiques élevés pour former la base de la charge à haut débit de la batterie.
« Nous montrons que la voie de conversion multi-étapes entre l’aluminium et le chalcogène permet une charge rapide jusqu’à 200 °C, et que la batterie supporte des centaines de cycles à des taux de charge très élevés », rapportent les chercheurs dans Nature. D’après leurs expériences, ils ont constaté que le taux de charge dépendait fortement de la température de travail : à 110 °C, le taux s’avérait ainsi 25 fois plus élevé qu’à 25 °C. Mais l’équipe précise que la batterie n’a pas besoin d’une source de chaleur externe pour atteindre cette température : la chaleur produite naturellement par le cycle de charge et de décharge est suffisante.
Par ailleurs, le sel de chloroaluminate choisi comme électrolyte présentait un avantage inattendu : il empêchait la formation de dendrites d’aluminium — des pointes de métal étroites qui s’accumulent avec le temps sur une électrode, puis grandissent jusqu’à entrer en contact avec l’autre électrode, ce qui provoque des courts-circuits. Le phénomène impacte largement l’efficacité des batteries lithium-ion. Même à des taux de charge très élevés (charge inférieure à une minute), l’équipe n’a observé aucun court-circuit. Un nouvel exemple de sérendipité en somme. « Si nous avions commencé par essayer d’empêcher le court-circuit dendritique, je ne suis pas sûr que j’aurais su comment y parvenir », a déclaré Sadoway.
Une solution au déploiement massif de véhicules électriques
Autre avantage (et non des moindres) : le coût d’une cellule aluminium-soufre devrait être inférieur à un sixième de celui des cellules lithium-ion de taille similaire. « Composée d’éléments terrestres qui peuvent être obtenus de manière éthique et utilisés à des températures modérément élevées, juste au-dessus du point d’ébullition de l’eau, cette chimie présente toutes les caractéristiques d’une batterie bon marché, rechargeable, résistante au feu et recyclable », conclut l’équipe.
Les chercheurs pensent que leur batterie serait idéale pour des installations de l’ordre de quelques dizaines de kilowattheures (pour stocker l’énergie d’une maison ou d’une petite entreprise alimentée par des énergies renouvelables par exemple).
De par leur charge rapide, elle serait également très pratique pour les stations de recharge de véhicules électriques. Si ces derniers deviennent majoritaires sur les routes, nous aurons effectivement besoin de points de recharge plus nombreux et rapides. Or, l’ampérage des lignes qui alimentent aujourd’hui les stations n’est pas suffisant pour cet usage. Le fait de disposer de telles batteries pour stocker l’énergie et la restituer rapidement en cas de besoin permettrait d’éviter l’installation de nouvelles lignes électriques coûteuses.
Les brevets des batteries aluminium-soufre ont été cédés sous licence à une entreprise dérivée, appelée Avanti, cofondée par Sadoway et Luis Ortiz. Le premier objectif de l’entreprise est de démontrer que le système fonctionne à grande échelle, puis de le soumettre à une série de tests de résistance.
Pour les besoins plus importants, à l’échelle du réseau (soit jusqu’à plusieurs centaines de mégawattheures), d’autres technologies pourraient être plus efficaces, notamment des batteries à métal liquide que Sadoway et ses étudiants ont développées il y a plusieurs années et qui seront bientôt commercialisées par Ambri (une entreprise cofondée en 2010 par Sadoway et Ortiz également).