La course aux batteries de nouvelle génération représente un fort enjeu technologique. Les ingénieurs poursuivent le double objectif d’augmenter la puissance des batteries tout en en allongeant la durée de vie. Une équipe de chercheurs russes vient d’annoncer la mise au point d’un prototype de batterie nucléaire surpassant les batteries électrochimiques actuelles.
Les batteries nucléaires (encore appelées « NuCell »), c’est-à-dire des batteries utilisant la désintégration radioactive comme source d’énergie, existent déjà depuis plusieurs années. Le principal défaut de celles-ci étant leur taille. Une équipe de physiciens russes a réussi à contourner ce problème en mettant au point un nouveau type de batterie nucléaire, utilisant un isotope du nickel ; cette batterie délivre dix fois plus de puissance que les batteries électrochimiques actuelles de même taille. Les résultats ont été publiés dans la revue Diamond and Related Materials.
Ce prototype se base donc sur la désintégration bêta d’un élément radioactif pour créer une différence de potentiel. Dans les batteries électrochimiques, ce sont les différentes réactions d’oxydo-réduction qui créent cette différence de potentiel ; cela permet de fournir une bonne puissance au regard de la taille de la batterie, particulièrement via l’utilisation du lithium. Cependant, les batteries électrochimiques s’épuisent en général relativement rapidement, nécessitant d’être rechargées ou remplacées. Quant à une batterie nucléaire, sa durée de vie n’est pas fonction de réactions d’oxidy-réductions, mais de la demi-vie radioactive de l’élément utilisé.
L’idée des batteries bêtavoltaïques apparaît dès 1913. Contrairement à de mini-réacteurs nucléaires, elles ne produisent pas d’énergie thermique sous forme de chaleur, mais se chargent grâce aux particules bêta émises par un isotope arrachant les électrons du matériau périphérique. Toutefois, la puissance délivrée est assez faible. Il est possible de remédier à ce problème en stockant le flux d’électrons dans un condensateur, mais cela s’ajoute à la taille et au poids de la batterie ; cette condition peut s’avérer problématique dans le cas des satellites par exemple, pour lesquels la masse doit être minimisée au maximum.
Le dispositif est constitué d’un empilement de nickel-63, un isotope artificiel du nickel, pris entre deux diodes semi-conductrices formant une barrière de Schottky (une barrière de potentiel pour les électrons, formée par une jonction métal-semiconducteur). Cette barrière maintient le courant dans un sens, méthode souvent utilisée pour transformer les courants alternatifs en courants directs. En ajustant l’épaisseur de chaque couche à une valeur de 2 micromètres, les chercheurs ont réussi à rentabiliser au maximum la tension délivrée par chaque gramme de l’isotope.
Le nickel-63 possède une demi-vie de 100 ans ; placé dans ce nouveau modèle de batterie nucléaire, cela permet d’atteindre une quantité d »énergie de 3300 milliwatts-heures par gramme, soit 10 fois plus que pour une batterie électrochimique ordinaire. Ces résultats représentent une étape importante comparée aux batteries bêtavoltaïques précédentes. Et même si cela ne suffit toujours pas à alimenter un smartphone, une telle batterie reste utile pour de nombreuses autres applications.
« Plus la densité de puissance du dispositif est élevée, plus ses applications sont nombreuses » explique Vladimir Blank, directeur du Technological Institute for Superhard and Novel Carbon Materials. Par exemple, les pacemakers actuels font environ 10 cm3 et utilisent environ 10 microwatts de puissance, fournis par une batterie électrochimique sous-cutanée. Et lorsque la batterie doit être rechargée ou changée, cela nécessite une opération chirurgicale. Une batterie nucléaire dont la durée de vie est plus élevée que celle du patient, trouverait donc ici une parfaite application.
Plusieurs tests doivent encore être effectués et le prototype optimisé avant d’envisager de le commercialiser. En outre, les termes « nucléaire » et « radioactif » possèdent en général une connotation très négative auprès du public, et pourraient donc nuire à la démocratisation de ce type de batterie. Malgré ces réticences, ces résultats ouvrent une voie prometteuse pour les batteries nucléaires nouvelle génération, qui pourraient concurrencer sans mal les batteries au graphène.