Les batteries quantiques, des dispositifs pour le moment théoriques, pourraient entre autres fortement accélérer le temps de charge. Mais jusqu’ici, on ne savait pas exactement à quel point. Une équipe de chercheurs de l’Institute for Basic Science (IBS), en Corée, a récemment démontré que les batteries quantiques pourraient multiplier par 200 la vitesse de charge.
Bien que l’on trouve de plus en plus de voitures électriques en circulation, de nombreux problèmes liés à leur fabrication et à leur utilisation demeurent. Certains de ces enjeux reposent sur les batteries utilisées et leur capacité/vitesse de charge. Ces derniers temps, comme le rappelle le communiqué de l’Institute for Basic Science qui évoque la découverte, la capacité des batteries s’est nettement améliorée. En revanche, la vitesse de rechargement est encore souvent faible : il faut compter en moyenne huit à dix heures pour un rechargement à domicile, et une trentaine de minutes dans des stations de rechargement rapide.
Selon les calculs récents de l’équipe, l’utilisation de batteries quantiques pourrait réduire ce temps de rechargement à trois minutes à domicile, et même à quelques secondes avec les stations de rechargement rapide. Les résultats ont été publiés sur le serveur arXiv, en attendant la validation par la communauté scientifique. Ils devraient ensuite apparaître dans la revue Physical Review Letters.
De nombreuses études se sont tournées vers la physique quantique pour la conception de batteries plus efficaces. En effet, cette branche de la physique implique des mécanismes bien particuliers qui peuvent changer la donne en la matière.
La physique quantique s’intéresse au comportement de la matière et de la lumière à un niveau microscopique, ou atomique. Les scientifiques ont découvert qu’à cette échelle, elle se comporte de façon assez contre-intuitive, par rapport à la physique classique. En étudiant ces comportements, de nouveaux principes physiques, toujours à l’étude aujourd’hui, sont apparus.
L’un des principes clefs qui ont été étudiés est celui de l’intrication quantique. En résumé, ce principe désigne le fait que deux particules éloignées peuvent former un système lié. Lorsqu’il y a intrication quantique, on peut observer certaines caractéristiques identiques des particules, ou groupes de particules, intriqués. En fait, lorsqu’on mesure l’état de l’une d’entre elles, les autres particules intriquées prennent la même valeur. Ce lien est maintenu indépendamment de la distance qui peut les séparer.
Des cellules de batterie chargées « collectivement »
C’est ce principe qui est à l’œuvre dans les batteries quantiques théorisées par de nombreux scientifiques. C’est en 2012 que les travaux d’Alicki et Fannes, sur lesquels se sont basés les chercheurs de l’IBS, ont été publiés. Ils y démontraient que l’intrication quantique peut être utilisée pour accélérer considérablement le processus de charge d’une batterie, en chargeant toutes les cellules de la batterie simultanément, de manière collective.
« La source de cette accélération quantique réside dans l’utilisation d’opérations d’intrication, dans lesquelles les cellules sont chargées collectivement dans leur ensemble. En revanche, les batteries classiques sont chargées en parallèle, ce qui signifie que chaque cellule est chargée indépendamment des autres », expliquent les chercheurs de l’IBS dans leur publication. Cette possibilité a été nommée « avantage de charge quantique ».
Comme le rappelle le communiqué de l’institut, qui recontextualise les calculs, de nombreuses recherches ont ensuite porté sur ce fameux avantage de charge quantique. Il avait finalement été déterminé qu’il pouvait y avoir deux modes de fonctionnement possibles derrière celui-ci. Il y aurait le « fonctionnement global », dans lequel toutes les cellules (les accumulateurs d’une batterie) sont couplées simultanément entre elles, et le fonctionnement « all-to-all », qui suppose un couplage deux à deux successif. Un peu comme si toutes les cellules de la batterie pouvaient avoir de nombreuses « discussions », mais que chaque discussion n’avait que deux participantes.
Jusqu’ici, il n’avait pas été vraiment déterminé lequel de ces deux fonctionnements était à l’œuvre dans l’accélération du rechargement liée aux batteries quantiques. C’est là que réside la découverte effectuée grâce aux calculs présentés dans la nouvelle étude. Selon les chercheurs, le fonctionnement en « all-to-all » n’est pas valide, et seul le « fonctionnement global » montre sa validité pour l’avantage de charge quantique. Ils ont également, comme mentionné plus haut, été capables de calculer cet avantage quantique de manière concrète. C’est ainsi qu’ils ont pu déduire une augmentation de la vitesse de rechargement pouvant aller jusqu’à un facteur 200, par rapport à une batterie classique comprenant 200 cellules électriques. D’où ce résultat donné par le communiqué : une réduction du temps de chargement d’une voiture de dix heures à trois minutes à la maison, et jusqu’à quelques secondes seulement en station de rechargement.
Il ne s’agit cependant que d’un exemple. En effet, les scientifiques voient bien plus loin dans l’usage de ce que démontrent leurs calculs sur de futures batteries quantiques. Ils espèrent en effet qu’elles pourraient être utiles, par exemple, dans de futures centrales à fusion nucléaire, qui nécessitent de pouvoir accumuler et libérer très rapidement de grandes quantités d’énergie.