L’an passé, au mois d’avril, la communauté de scientifiques réunis autour de l’Event Horizon Telescope (EHT) – un réseau de plusieurs radiotélescopes répartis dans le monde entier – a présenté la toute première image de l’horizon des événements d’un trou noir. Aujourd’hui, une équipe de chercheurs du Centre d’astrophysique d’Harvard-Smithsonian déclare pouvoir obtenir des images bien plus nettes et détaillées de ces objets fascinants.
Le projet EHT, composé de huit télescopes terrestres reliés entre eux, permet d’obtenir un télescope « virtuel » géant, de la taille de la Terre, à haute sensibilité et au fort pouvoir de résolution. Il a notamment été conçu pour étudier Sagittarius A*, le trou noir supermassif qui se trouve au centre de notre galaxie et M87*, situé au cœur de la galaxie Messier 87. Il y a bientôt un an, les astrophysiciens impliqués dans le projet dévoilaient au monde entier le tout premier « cliché » de M87*.
Une série d’anneaux lumineux
L’image obtenue révèle un bel anneau lumineux. Toutefois, elle ne donne pas d’informations sur son épaisseur ni sur sa structure détaillée. Or, des chercheurs du Centre d’astrophysique d’Harvard-Smithsonian ont démontré que la relativité générale permettait de prédire la présence d’une structure complexe au sein de cet anneau, affichant des signatures distinctes lors des mesures interférométriques (réalisées par le réseau EHT). Ces signatures ouvriraient la voie vers la détermination de paramètres physiques essentiels à la compréhension des trous noirs.
Michael Johnson, qui dirige cette nouvelle étude, souligne que l’image obtenue grâce à l’EHT a permis d’observer la structure d’un trou noir dans sa globalité. Le réseau de télescopes a en effet réussi à capturer « l’anneau de photons » qui l’entoure, une zone où la force de gravité est si puissante que les photons s’y déplacent en orbite.
Les trous noirs jettent une ombre sur l’image du matériau brillant environnant, car leur fort champ gravitationnel capture la lumière. L’ombre est délimitée par un anneau lumineux, formé par la matière et le gaz qui passent près du trou noir avant de s’en échapper. L’animation ci-dessus montre comment se forme l’image d’un trou noir à partir des sous-structures et des trajectoires des photons (crédits : Centre d’astrophysique | Harvard & Smithsonian).
Selon Johnson et son équipe, cet anneau de photons serait lui-même composé de plusieurs anneaux, de plus en plus proches du trou noir. « L’image d’un trou noir se compose d’une série d’anneaux imbriqués », explique M. Johnson. « Ces anneaux ont quasiment le même diamètre, mais ils deviennent successivement de plus en plus nets, car la lumière a effectué plusieurs fois le tour du trou noir avant d’atteindre l’observateur ».
Une piste vers des données essentielles
Focaliser les prochaines analyses sur cette structure interne pourrait améliorer grandement les futures images, qui seraient beaucoup plus nettes que celles obtenues jusqu’à présent. Les experts décrivent cet anneau de photons comme « l’empreinte digitale » du trou noir : sa taille et sa forme permettent notamment d’estimer la masse et de définir la rotation du trou noir, des paramètres essentiels pour la communauté scientifique.
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Invisible à l’œil nu, cet ensemble d’anneaux imbriqués émet toutefois des signaux remarquables sur le réseau d’interféromètres qui composent l’EHT. Johnson ajoute que l’étude particulièrement prometteuse de ces sous-éléments nécessiterait un déploiement matériel relativement peu conséquent : « Alors que la capture d’un trou noir dans son ensemble nécessite plusieurs télescopes en réseau, ces sous-structures peuvent être étudiées avec seulement deux télescopes très éloignés l’un de l’autre ». Le spécialiste précise notamment qu’il suffirait d’ajouter un télescope spatial à l’EHT.
Ce n’est d’ailleurs pas le seul à suggérer des installations spatiales pour en apprendre encore plus sur les trous noirs. Récemment, une équipe d’astronomes néerlandais a proposé l’envoi de satellites équipés d’imagerie radio pour permettre des observations beaucoup plus nettes de ces intrigants objets célestes. Freek Roelofs, qui dirige cette équipe de l’Université Radboud, explique : « Dans l’espace, vous pouvez faire des observations à des fréquences radio plus élevées ; les fréquences sur Terre sont atténuées par l’atmosphère ».