Des scientifiques créent des « bio-usines » à hydrogène

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Image d'une gouttelette dense de cellules d'algues produisant de l'hydrogène. | Prof. Xin Huang, Harbin Institute of Technology
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Une équipe de chercheurs chinois et britanniques est parvenue à créer une nouvelle source d’énergie propre et durable : des microréacteurs microbiens capables de photosynthèse, qui produisent de l’hydrogène dans des conditions aérobies.

Le développement de nouvelles techniques capables d’orchestrer l’assemblage de cellules vivantes en ensembles multicellulaires dotés de fonctions spécifiques est l’un des défis majeurs de la biotechnologie. La méthodologie proposée ici, qui fait l’objet d’un article publié dans Nature Communications, consiste à contrôler l’assemblage de cellules d’algues, de manière à créer des microréacteurs produisant de l’hydrogène par photosynthèse.

Certes, ces usines microscopiques ne couvriront pas nos besoins énergétiques quotidiens de sitôt, mais cette étude met en évidence une approche prometteuse, respectueuse de l’environnement, pour le développement d’une nouvelle source d’énergie neutre en carbone, qui pourrait être reproduite à différentes échelles.

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Un « détournement » du processus de photosynthèse

Ces bio-usines reposent sur l’autoassemblage spontané d’ensembles multicellulaires. Les chercheurs ont exploité la séparation, en deux phases aqueuses, de microgouttelettes d’émulsion d’un mélange de dextrane et de polyéthylène glycol (PEG), comme plateforme microscopique pour réorganiser (dans l’espace) des cellules d’algues, de façon à former des réacteurs microbiens capables de photosynthèse aérobie (production d’oxygène) et hypoxique (production d’hydrogène) à la lumière du jour.

fabrication bioréacteurs hydrogène
(a-c) Schéma de principe des mini usines biologiques à base de cellules d’algues, capables de photosynthèse aérobie et hypoxique lorsqu’elles sont exposées à la lumière. (d-f) L’ajout de bactéries E.Coli au mélange permet d’entourer les cellules d’algues photosynthétiques d’une fine couche de cellules bactériennes. Le mécanisme de respiration des bactéries a pour effet d’augmenter la production d’hydrogène. Crédits : Z. Xu et al.

Généralement, le mécanisme de la photosynthèse permet de convertir le dioxyde de carbone en oxygène — ce dont sont capables tous les végétaux chlorophylliens. Mais des chercheurs de l’Université de Bristol et de l’Institut de technologie de Harbin, en Chine, ont trouvé le moyen de faire en sorte que le processus mène à la production d’hydrogène.

Des solutions aqueuses de dextrane et de polyéthylène glycol (PEG) ont été cisaillées à température ambiante à un rapport volumique de 1:9 pour produire une émulsion comprenant des microgouttelettes riches en dextrane, dispersées dans une phase riche en PEG. La capture d’un grand nombre de cellules d’algues s’est produite spontanément dans le mélange, formant une suspension de gouttelettes, qui ont ensuite été compressées de manière hyperosmotique en sphéroïdes multicellulaires.

Les cellules d’algues étant ainsi enfermées et entassées dans les gouttelettes, il n’y avait plus assez d’oxygène pour que les réactions typiques se produisent. Le phénomène a ainsi activé des enzymes spécifiques, appelées hydrogénases, qui ont détourné la voie photosynthétique normale pour produire de l’hydrogène. De ce fait, de l’oxygène a bien été produit en surface, mais c’est de l’hydrogène qui a été produit au cœur de ces bioréacteurs.

Les chercheurs ont ensuite cherché à augmenter la production d’hydrogène, en introduisant une colonie de bactéries E. Coli dans le mélange. Les cellules se sont alors assemblées de telle façon qu’une fine couche de cellules bactériennes entoure chaque gouttelette renfermant un assemblage de cellules d’algues. Du fait du mécanisme de respiration des bactéries — qui consomment de l’oxygène pour rejeter du dioxyde de carbone et qui ont donc, indirectement, augmenté le nombre de cellules d’algues destinées à l’activité hydrogénase —, la production d’hydrogène a augmenté.

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Comparaison des niveaux de production d’hydrogène par les microgouttelettes, sans et avec l’action des bactéries E. Coli. On constate que l’intervention des bactéries permet de quasiment doubler la production. (j) Du DCMU (3-(3,4-dichlorophenyl)-1,1-dimethylurea) a été introduit pour inhiber la production d’hydrogène. Crédits : Z. Xu et al.

Une technique propre et flexible

L’hydrogène peut potentiellement servir de carburant climatiquement neutre, et offre de nombreuses utilisations possibles comme source d’énergie. À savoir que la combustion de 1 kg d’hydrogène libère environ trois fois plus d’énergie que 1 kg d’essence, et ne produit que de l’eau. Néanmoins, sa fabrication implique elle-même l’utilisation de beaucoup d’énergie, ce qui représente un inconvénient majeur. Près de 95% de l’hydrogène est aujourd’hui produit à partir d’hydrocarbures (pétrole, gaz naturel et charbon), car c’est la solution la moins coûteuse. Cependant, ce processus émet du CO2. C’est pourquoi des alternatives « vertes » sont recherchées pour sa production et cette découverte pourrait constituer un grand pas en avant dans ce domaine.

Comme dit plus haut, ces usines de la taille de gouttelettes ne résoudront pas la crise énergétique ni ne mettront fin aux émissions de gaz à effet de serre. Mais l’équipe à l’origine de cette découverte espère pouvoir un jour adapter ce mécanisme biologique à plus grande échelle, ce qui pourrait notamment réduire le coût des piles à hydrogène. Stephen Mann, biologiste à l’université de Bristol et co-auteur de l’étude, évoque ainsi « une approche potentiellement inoffensive pour l’environnement de la production d’hydrogène, que nous espérons développer dans de futurs travaux ».

Non seulement cette technique peut potentiellement être reproduite à plus grande échelle, mais elle peut également être adaptée à d’autres synthèses, comme l’explique le professeur Xin Huang de l’Institut de technologie de Harbin : « Notre méthodologie […] semble également flexible; par exemple, nous avons récemment capturé un grand nombre de cellules de levure dans des gouttelettes et utilisé les réacteurs microbiens pour la production d’éthanol ». Cette étude va donc vraisemblablement ouvrir la voie à la création de nombreuses autres mini bio-usine.

Source : Nature Communications, Z. Xu et al.

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