Les modèles galactiques actuels avancent majoritairement l’hypothèse qu’au centre de chaque grande galaxie se trouve un trou noir supermassif. Et la Voie lactée ne ferait pas exception, avec un trou noir de plus de 4 millions de masses solaires. Toutefois, il se pourrait qu’il ne s’agisse en réalité pas d’un trou noir. Récemment, des physiciens ont proposé une autre hypothèse : il s’agirait d’une boule de matière noire aux contours flous constituée de darkinos.
Les astronomes pensent qu’au cœur de la Voie lactée, une zone connue sous le nom de Sagittarius A*, se trouve un trou noir supermassif. Bien sûr, ils ne peuvent pas voir le trou noir directement, car il n’émet aucune lumière par lui-même. Au lieu de cela, ils déduisent son existence en observant les mouvements d’un amas d’étoiles S. Les étoiles S orbitent autour d’un objet central caché et invisible, et en traçant leurs orbites au fil des ans, les astronomes peuvent déduire la masse et la taille de cet objet central.
Le comportement étrange du nuage G2
Le candidat le plus probable pour cet objet central caché est un trou noir, avec une masse estimée à plus de 4 millions de fois celle du Soleil. Mais les étoiles S ne sont pas les seuls objets à évoluer dans le centre galactique. Des amas de gaz s’y cachent également, et un en particulier, baptisé G2, a attiré l’attention. Peu de temps après que les astronomes ont découvert le nuage il y a des décennies, ils ont réalisé que l’orbite de G2 le rapprocherait dangereusement du trou noir — suffisamment près pour que la gravité intense du trou noir déchire ce nuage de gaz.
Mais après le passage le plus proche de G2 du trou noir en 2014 — lorsqu’il est passé à seulement 260 UA du géant — le nuage est resté totalement intact. L’explication la plus plausible de la survie de G2 est qu’il est plus qu’un simple nuage de gaz. Une étoile ou deux pouvaient être cachées à l’intérieur du nuage, la gravité de cette étoile maintenant toute la structure intacte lors de son passage près du trou noir.
Une boule floue de darkinos
Mais il y a une autre explication, plus radicale : peut-être que le trou noir supermassif n’est pas vraiment un trou noir. Il s’agit peut-être d’un amas flou de matière noire. Une théorie sur l’identité de la matière noire suggère qu’elle est constituée de particules exotiques appelées « darkinos ». Selon cette théorie, le darkino est un type de particule connu sous le nom de fermion. Les électrons, les protons, les quarks et les neutrinos sont également des fermions, dont la caractéristique principale est qu’ils ne peuvent pas partager le même état quantique.
En d’autres termes, il ne peut y avoir qu’un nombre limité de fermions dans un volume donné (contrairement aux bosons). Si la matière noire est constituée de darkinos et que les darkinos sont des fermions, alors ces particules de matière noire ne se concentreraient dans le cœur d’une galaxie que dans une certaine mesure. Cela signifierait qu’au lieu d’un trou noir supermassif, avec un bord bien défini à l’horizon des événements, il y aurait à la place une gigantesque boule de darkinos densément concentrés. Et les contours de cette boule de darkinos seraient assez flous.
Étant donné que la boule géante de darkinos serait floue, les forces gravitationnelles au centre de la galaxie seraient un peu plus douces, permettant aux nuages de gaz comme G2 de survivre au cours de leurs orbites. Mais il y a plus au centre de notre galaxie que des nuages de gaz comme G2. Il y a aussi toutes les étoiles S. Toute théorie radicale qui espère remplacer un trou noir supermassif par autre chose doit donc établir des prédictions qui correspondent à ces observations.
L’équipe d’astrophysiciens, dirigée par Eduar Antonio Becerra-Vergara du Centre international d’astrophysique relativiste en Italie, a découvert que s’ils remplaçaient le trou noir supermassif par une boule de darkinos, et que ces particules avaient la bonne masse et la bonne vitesse, elles pourraient reproduire le mouvement observé des étoiles S. Dans certains cas, leur modèle pourrait faire encore mieux que les calculs du trou noir classique pour faire correspondre les orbites observées.
En attente de preuves observationnelles
Mais ce résultat ne veut pas dire grand-chose. Le modèle du trou noir est extrêmement simple : il s’agit de relier deux nombres, la masse et la rotation du trou noir, pour prédire comment les étoiles S devraient se comporter. Cependant, le modèle darkino a beaucoup plus de paramètres, permettant un réglage plus fin, et les chercheurs ont trouvé la meilleure combinaison possible de propriétés.
Le test clé viendra avec les observations futures. Si la matière noire est composée de darkinos, alors un modèle qui décrit avec succès ce qui se passe au centre galactique devrait également reproduire toute la variété d’observations de matière noire à travers l’Univers. Cela inclurait d’expliquer notamment la courbe de rotation des galaxies.