Des scientifiques de l’université de Northwestern, aux États-Unis, sont en train de mettre au point une caméra haute résolution qui permet de « voir à travers les objets », et même potentiellement à travers le corps humain.
L’étude, publiée le 17 novembre, décrit une caméra dite « holographique ». Celle-ci interprète la réfraction de la lumière pour reconstituer une vision précise de ce qui est dissimulé par un obstacle quelconque. Le prototype créé permet actuellement de réaliser cette reconstitution en 46 millisecondes. « Cette technique transforme les murs en miroirs. Ce qui constitue un avantage, c’est qu’elle peut également fonctionner la nuit et par temps brumeux », explique Florian Willomitzer, auteur principal de l’étude.
Ce champ d’études spécifique est appelé « non line of sight » ou NLoS, autrement dit « imagerie sans visibilité directe », en français. La science n’en est donc pas à sa première tentative, ni même à sa première expérience concluante en la matière. Jusqu’ici, cependant, ces systèmes d’imagerie montraient de nombreuses limitations qui réduisaient drastiquement les champs d’application possibles. Que cela soit en termes de qualité d’image, de rapidité ou de taille du champ de vision, les scientifiques à l’origine de ce nouveau projet affirment que tous les freins sont désormais levés.
Une caméra holographique à applications multiples
Grâce à sa précision qui va en dessous du millimètre et à sa rapidité de retransmission de l’image, les scientifiques projettent déjà des utilisations possibles dans de nombreux domaines. On peut imaginer, par exemple, l’utiliser dans le champ de la sécurité routière, pour prévoir l’arrivée d’une voiture au coin d’une rue, ou d’un animal déboulant sur la route à travers les bois. Côté médical, cette caméra pourrait suppléer les méthodes traditionnelles d’imagerie de manière moins invasive pour le corps. Dans l’industrie, des diagnostics de dysfonctionnement pourraient être facilités, puisqu’il est tout à fait possible d’utiliser l’outil alors que la machine est encore en marche…
Pour permettre ainsi à nos yeux d’humains de voir à travers les obstacles, l’invention de l’équipe utilise une « holographie de longueur d’onde synthétique ». Pour capturer ces images d’objets qui ne sont pas directement accessibles, les chercheurs utilisent un système de dispersion de lumière. Un faisceau de lumière est envoyé par un laser, « rebondit » sur l’objet en question et revient jusqu’à la caméra. Là, un algorithme se charge de reconstituer une image de l’objet à partir des données transmises sur la zone de lumière dispersée.
Mais quelles données, exactement ? L’information qui intéresse le dispositif, c’est surtout le « temps de voyage » de la lumière jusqu’à l’objet. En calculant de manière exacte combien de temps a mis un rayon pour atteindre une surface, il devient possible de « tracer » ses contours et ses volumes précisément. Tout le but de l’opération est donc d’intercepter la lumière dispersée et d’analyser ses informations temporelles pour révéler l’objet caché.
Une lumière synthétique « sur-mesure »
Pourtant, un problème demeure quand on parle de lumière et de vitesse… La lumière est bien connue, justement, pour aller extrêmement vite. Le risque était donc que la caméra ait besoin de détecteurs très rapides, et donc très coûteux. Pour éliminer le besoin de détecteurs rapides, Willomitzer et ses collègues ont fusionné les ondes lumineuses de deux lasers afin de générer une onde lumineuse non plus naturelle, mais synthétique, qui peut être spécifiquement adaptée à l’imagerie holographique dans différents scénarios de diffusion. En résumé, on peut dire qu’ils ont créé une onde lumineuse « sur-mesure » pour les besoins de leur appareil.
Voir au détour d’un mur et voir à travers la peau, cela vous semble un peu trop différent pour être honnête ? Pas tant que ça pour les scientifiques. Dans les deux cas, la lumière se trouve face à un intermédiaire qui la disperse et empêche de voir une image directe de l’objet visé. Florian Willomitzer prend un exemple que chacun a déjà probablement expérimenté à un moment ou à un autre. Lorsque l’on place une lumière de l’autre côté de sa main, on voit bien une tache lumineuse, qui montre que la lumière « traverse », mais on ne voit pas pour autant l’ombre de nos os.
C’est justement parce que la lumière est dispersée par l’obstacle que constitue notre peau, nos muscles, etc., comme elle le serait par un mur. Pourtant, comme le montre le schéma ci-dessus, il est tout de même possible de capter le retour des rayons lumineux passés dans ce « disperseur » pour les faire parler. Et il ne s’agit pas là que de lumière visible. Les chercheurs imaginent déjà ce que d’autres pourraient faire en utilisant la même méthode appliquée à d’autres longueurs d’onde : « Nos prototypes de capteurs actuels utilisent la lumière visible ou infrarouge, mais le principe est universel et pourrait être étendu à d’autres longueurs d’onde. Par exemple, la même méthode pourrait être appliquée aux ondes radio pour l’exploration spatiale ou l’imagerie acoustique sous-marine. Elle peut être appliquée à de nombreux domaines, et nous n’avons fait qu’effleurer la surface »…