Dans la vie quotidienne, les événements que nous prenons en photo concernent des phénomènes se déplaçant généralement à basses vitesses ou bien à des vitesses propres au monde macroscopique. Cependant, dans certains domaines de recherche, les scientifiques ont besoin de caméras ultrarapides, enregistrant plusieurs centaines de milliers, voire millions, d’images par seconde. Récemment, une équipe d’ingénieurs a mis au point une nouvelle caméra capable d’enregistrer jusqu’à 100 milliards d’images par seconde (suffisant pour voir la lumière se déplacer) et d’en faire un film en trois dimensions. Cette technologie, qui détecte également la lumière polarisée, pourrait permettre de résoudre certains mécanismes microscopiques encore mystérieux en physique.
Dans sa quête pour développer des caméras toujours plus rapides, Lihong Wang de Caltech a développé une technologie capable d’atteindre des vitesses fulgurantes de 70 billions d’images par seconde (70’000 milliards), assez rapide pour voir le déplacement de la lumière. Mais tout comme l’appareil photo de votre téléphone portable, elle ne peut produire que des images plates.
Toutefois, le laboratoire de Wang est récemment allé plus loin pour créer une caméra qui non seulement enregistre des vidéos à des vitesses incroyablement rapides, mais le fait en trois dimensions. Le dispositif est décrit dans la revue Nature Communications. Il utilise la même technologie sous-jacente que les autres appareils de capture d’images compactes ultrarapides (CUP) de Wang, et est capable de prendre jusqu’à 100 milliards d’images par seconde.
Une caméra ultrarapide dotée d’un mécanisme stéréoscopique
C’est assez rapide pour prendre 10 milliards de photos, plus d’images que l’ensemble de la population humaine du monde, dans le temps qu’il vous faut pour cligner des yeux. Wang appelle la nouvelle technologie « photographie ultrarapide compressée stéréopolarimétrique mono-coup » ou SP-CUP. Dans la technologie CUP, toutes les images d’une vidéo sont capturées en une seule action sans répéter l’événement. Cela rend un appareil photo CUP extrêmement rapide (un bon appareil photo pour téléphone portable peut prendre 60 images par seconde).
Wang a ajouté une troisième dimension à cette imagerie ultrarapide. Lorsqu’une personne regarde le monde qui l’entoure, elle perçoit que certains objets sont plus proches d’elle et que certains objets sont plus éloignés. Une telle perception de la profondeur est possible grâce à nos deux yeux, dont chacun observe les objets et leur environnement sous un angle légèrement différent. Les informations de ces deux images sont combinées par le cerveau en une seule image 3D.
La caméra SP-CUP fonctionne essentiellement de la même manière. « La caméra est maintenant stéréoscopique. Nous avons un seul objectif, mais il fonctionne comme deux moitiés qui offrent deux vues avec un décalage. Deux canaux imitant nos yeux ». Tout comme notre cerveau le fait avec les signaux qu’il reçoit de nos yeux, l’ordinateur qui exécute la caméra SP-CUP traite les données de ces deux canaux en un film en trois dimensions.
Une détection de la lumière polarisée utile dans de nombreuses applications
SP-CUP présente également une autre capacité qu’aucun humain ne possède : la capacité de voir la polarisation des ondes lumineuses. La polarisation de la lumière fait référence à la direction dans laquelle les ondes lumineuses oscillent lorsqu’elles se déplacent. Considérez une corde de guitare. Si la corde est tirée vers le haut (par exemple, par un doigt) puis relâchée, la corde vibre verticalement. Si le doigt la pince sur le côté, la corde vibre horizontalement. La lumière ordinaire possède des ondes qui vibrent dans toutes les directions.
La lumière polarisée, cependant, a été modifiée de sorte que ses ondes vibrent toutes dans la même direction. Cela peut se produire par des moyens naturels, par exemple lorsque la lumière se reflète sur une surface, ou à la suite d’une manipulation artificielle, comme cela se produit avec les filtres polarisants.
Bien que nos yeux ne puissent pas détecter directement la polarisation de la lumière, le phénomène a été exploité dans une gamme d’applications : des écrans LCD aux lunettes de soleil polarisées, en passant par les lentilles de caméra dans l’optique et les dispositifs qui détectent les contraintes cachées dans les matériaux et les configurations tridimensionnelles des molécules.
La combinaison de l’imagerie tridimensionnelle à grande vitesse de la SP-CUP et de l’utilisation des informations de polarisation en fait un outil puissant qui peut s’appliquer à une grande variété de problèmes scientifiques. En particulier, l’équipe espère que cela aidera les chercheurs à mieux comprendre la physique de la sonoluminescence, un phénomène dans lequel les ondes sonores créent de minuscules bulles dans l’eau ou d’autres liquides. Alors que les bulles s’effondrent rapidement après leur formation, elles émettent un éclat de lumière.