Des chercheurs ont découvert que tétrahydrocannabinol (THC) — principal composé psychoactif du cannabis — endommage les microglies cérébrales et expose ainsi les adolescents à des risques accrus de troubles psychiatriques (dont la schizophrénie) et de l’apprentissage. Lors d’essais sur des modèles murins, le composé a notamment augmenté la prédisposition génétique à ces troubles et entravé le développement cérébral. Les chercheurs appellent donc à la prudence quant à sa consommation, toujours en augmentation chez les adolescents.
Au cours des dernières années, la consommation récréative et médicale du cannabis a considérablement augmenté à travers le monde. Ses effets sont principalement médiés par le THC, la substance psychoactive induisant la sensation d’euphorie chez les consommateurs, et le CBD (connu pour son effet relaxant).
Étant donné que leur système nerveux et leur cerveau sont encore en développement, les adolescents sont particulièrement vulnérables aux effets négatifs du THC. Selon Atsushi Kamiya, professeur de psychiatrie et de sciences du comportement à l’Université Johns Hopkins, « sa concentration dans les plantes de cannabis a quadruplé au cours des 20 dernières années, ce qui présente un danger particulier pour les adolescents génétiquement prédisposés aux troubles psychiatriques ».
Des études antérieures ont rapporté que la consommation de cannabis chez les adolescents est associée à un risque accru de troubles psychiatriques et d’anomalies cognitives. Ces effets résultent de la présence au niveau du cerveau de récepteurs cannabinoïdes de type 1 (Cnr1), se liant spécifiquement au THC. Si l’on pensait auparavant que ces récepteurs se situaient uniquement au niveau des terminaisons présynaptiques, de récentes recherches ont révélé qu’ils sont également exprimés au niveau des astrocytes et des microglies.
Les cellules microgliales sont un sous-ensemble de macrophages, jouant un rôle essentiel dans la communication entre les neurones, la réponse immunitaire et le développement du cerveau. Chez les adolescents, elles ont un rôle clé dans l’élagage synaptique au cours de la maturation cérébrale et des processus neuronaux liés aux fonctions sociales et cognitives. Kamiya et ses collègues soupçonnaient déjà que le THC pouvait induire des changements structurels au niveau des microglies et ainsi altérer le développement cérébral et le fonctionnement cognitif chez les adolescents.
Une apoptose microgliale accrue
Afin de tester leur hypothèse, les chercheurs (de la nouvelle étude) ont sélectionné des souris adolescentes génétiquement modifiées de sorte à présenter une mutation caractéristique de la prédisposition aux troubles psychiatriques chez l’Homme (tels que la schizophrénie). Ces mutations induisent des changements cérébraux dans les régions responsables du contrôle de l’émotion, de l’apprentissage et de la mémoire. En effet, des chercheurs ont précédemment suggéré que l’implication du cannabis dans les troubles psychiatriques serait modulée par la prédisposition génétique à ces affections (interaction gènes-environnement).
Les animaux génétiquement modifiés ou non ont reçu des injections uniques et quotidiennes de THC pendant 30 jours, tandis que le groupe témoin a reçu une solution saline. Après cette administration, les rongeurs ont bénéficié de 3 semaines de repos avant les tests comportementaux. Ces tests incluaient notamment la détection d’odeurs, la reconnaissance d’objets, l’interaction sociale et la mémorisation. Des marqueurs fluorescents ont également été utilisés pour quantifier les microglies et évaluer les différences morphologiques avec les microglies saines.
Les résultats ont révélé que les souris exposées au THC présentaient une apoptose (mort cellulaire programmée) microgliale accrue. Cependant, la perte de microglies était 33% plus élevée chez celles possédant la mutation génétique. Cette réduction était particulièrement accentuée au niveau du cortex préfrontal, la région cérébrale responsable de la mémoire, du comportement social, de la prise de décision et d’autres fonctions exécutives.
Étant donné que les microglies sont impliquées dans la maturation du cerveau en développement, leur diminution pourrait entraîner une augmentation de signalisations et de communications cellulaires anormales, selon les chercheurs. Cette hypothèse concorde avec le fait que les souris génétiquement modifiées ayant reçu du THC ont obtenu un score de mémoire sociale 40% inférieur à celui de leurs homologues ayant reçu une solution saline.
Dans l’ensemble, les résultats suggèrent que la consommation de cannabis à l’adolescence pourrait engendrer des effets négatifs pouvant persister sur le long terme. « Ce type d’étude est essentiel à l’heure actuelle, car la marijuana est de plus en plus répandue et nous commençons tout juste à comprendre comment elle affecte les cellules immunitaires du cerveau », estime l’auteur principal de l’étude, publiée dans la revue Nature Communications, Yuto Hasegawa, de l’Université Johns Hopkins.
Toutefois, des recherches supplémentaires sont nécessaires afin de confirmer la reproductibilité de ces résultats chez les humains, ont précisé les experts. En outre, une étape essentielle nécessite de déterminer la manière exacte dont l’anomalie microgliale affecte les fonctions cérébrales au niveau moléculaire. Néanmoins, les résultats peuvent déjà contribuer à la sensibilisation contre l’exposition des adolescents au cannabis.