Cannabis et hallucinations : quand la connectivité cérébrale est mise à mal

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Au cours des dernières années, une abondante littérature scientifique a mis en évidence les effets psychotiques du tétrahydrocannabinol (THC), la principale substance active du cannabis. Toutefois, les mécanismes précis par lesquels cette molécule altère le fonctionnement cérébral restent partiellement élucidés. Si des facteurs comme la génétique ou la fréquence de consommation jouent un rôle évident, une étude récente menée par des chercheurs de l’Université McGill révèle une autre dimension clé : l’impact du cannabis sur la connectivité cérébrale. Leurs travaux montrent que cette substance perturbe les processus neuronaux chez les jeunes adultes prédisposés à la psychose, contribuant à aggraver certains déficits cérébraux.

Le cerveau humain, particulièrement lors des phases critiques de son développement, s’engage dans un processus important connu sous le nom d’élagage synaptique. Ce mécanisme consiste à optimiser les réseaux neuronaux en renforçant les synapses les plus sollicitées tout en éliminant celles qui le sont moins. Cette fine régulation est indispensable à l’apprentissage, à la maîtrise du langage ou encore à la coordination motrice. Cependant, ce processus n’est pas figé : il peut être influencé par des facteurs environnementaux ou sociaux, et lorsque ces influences deviennent délétères, le fonctionnement cérébral peut s’en trouver compromis.

Dans une étude visant à observer les changements structurels du cerveau chez de jeunes adultes à risque de psychose, les chercheurs de l’Université McGill ont constaté que la consommation de cannabis interfère directement avec ce processus d’élagage synaptique. L’équipe a mis en lumière une diminution significative des connexions neuronales, ce que l’on nomme la densité synaptique. « Le cannabis semble perturber le processus naturel de raffinement des synapses cérébrales, indispensable à un développement sain », a déclaré Romina Mizrahi, professeure au département de psychiatrie de l’Université McGill, dans un communiqué.

Les travaux de l’équipe, menés entre 2021 et 2023, se sont appuyés sur l’analyse approfondie de 49 participants recrutés dans un hôpital psychiatrique de soins tertiaires. Âgés de 16 à 30 ans, ces derniers se répartissaient en trois groupes : des patients ayant connu un premier épisode psychotique, des individus identifiés comme à haut risque clinique (CHR) et un groupe témoin. Tous ont été soumis à des examens médicaux, psychiatriques et à des IRM visant à évaluer leur activité cérébrale et leur connectivité neuronale.

« Nous avons ciblé des patients au tout début de leur épisode psychotique, souvent caractérisés par une gravité clinique marquée, en raison d’un recrutement principalement effectué via les urgences », précisent les chercheurs dans leur document d’étude, publié dans la revue JAMA Psychiatry.

Vers de nouvelles perspectives thérapeutiques

Pour mesurer précisément la densité synaptique, les scientifiques se sont concentrés sur la protéine SV2A, présente dans les vésicules synaptiques qui stockent les neurotransmetteurs. Leurs observations indiquent une réduction notable des niveaux de SV2A chez les patients ayant vécu un premier épisode psychotique ou identifiés comme à haut risque clinique. Cette diminution est également corrélée à des symptômes particulièrement résistants aux traitements classiques, tels que le retrait social.

Ces résultats, qui corroborent des études antérieures établissant un lien entre le cannabis et la diminution des niveaux de SV2A, pourraient contribuer au développement de nouvelles approches thérapeutiques. « Les traitements actuels visent principalement à réduire les hallucinations, mais ils restent moins efficaces sur certains symptômes affectant la vie quotidienne, comme la gestion des relations sociales ou l’insertion professionnelle », explique Belen Blasco, doctorante en neurosciences à l’Université McGill. « En ciblant spécifiquement la densité synaptique, nous pourrions envisager des thérapies capables d’améliorer non seulement les fonctions sociales, mais aussi la qualité de vie globale des personnes concernées ».

Source : JAMA Psychiatry

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