Capture du CO₂ : un procédé réduit à quelques heures un mécanisme géologique millénaire

Le processus naturel d’altération des carbonates reproduit et amélioré en laboratoire.

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Des chercheurs ont reproduit et amélioré en laboratoire un processus géologique de capture de CO2, réduisant en quelques heures un processus qui prendrait des milliers d’années dans la nature. Ils ont notamment optimisé le procédé permettant de capturer le CO2 à partir de l’eau de mer par le biais de roches telles que le calcaire et la dolomite, de sorte à pouvoir être adapté aux centrales électriques et aux industries.

En 2016, les pays se sont engagés, dans le cadre de l’Accord de Paris, à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C au-dessus de la moyenne pré-industrielle, et à ne pas dépasser 2 °C d’ici 2030. Les principales stratégies pour atteindre cet objectif consistent à limiter les émissions de gaz à effet de serre en établissant par exemple des politiques de limitation des combustibles fossiles ou utilisant des technologies de capture de CO2.

Cependant, les efforts entamés jusqu’ici pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sont loin d’être suffisants pour limiter le réchauffement à 1,5 °C. D’après le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), compte tenu des tendances actuelles d’émissions, la hausse moyenne des températures mondiales dépassera 1,5 °C au moins temporairement d’ici début 2030 au plus tard.

Les données indiquent ainsi que les efforts de réduction ne suffisent pas à compenser les émissions de gaz à effet de serre, qui, chaque année, ne cessent de croître. En effet, les émissions ont atteint 53 milliards de tonnes de CO2 éq. en 2023, soit une hausse de 1,9 % par rapport à 2022. La production d’électricité est, à elle seule, responsable de près de 40% de ces émissions, la majorité (73%) provenant des centrales à charbon.

Ces constats soulignent à la fois le besoin d’accélérer les efforts de réduction des émissions et de technologies plus efficaces pour les soutenir. Dans cette optique, une équipe de l’Université hébraïque de Jérusalem et de l’Université ouverte israélienne propose une technique de capture de CO₂ adaptable aux centrales électriques, basée sur la stimulation de l’altération des carbonates et utilisant un réacteur de laboratoire à système ouvert.

« Cette approche promet de transposer à l’échelle humaine un processus que la Terre pratique depuis des millions d’années », explique Noga Moran, chercheur à l’Université hébraïque de Jérusalem et auteur principal de l’étude, au Jerusalem Post. « C’est un pas en avant prometteur vers une capture du carbone pratique et fondée sur la nature », ajoute-t-il.

Amélioration d’un processus géologique naturel

L’altération des carbonates est un processus chimique de dissolution au cours duquel l’eau de pluie chargée de CO₂ dissous forme de l’acide carbonique. Cette solution acide s’infiltre dans les roches contenant du carbonate de calcium comme le calcaire et la dolomite, induisant une réaction formant des ions carbonates et des ions calcium. Ces ions sont ensuite transportés par les rivières jusqu’aux océans, où le carbone est stocké sur le long terme.

Ce processus constitue l’un des principaux mécanismes par lesquels la Terre capture et recycle naturellement le carbone atmosphérique. Il est cependant très lent, sans compter qu’il est limité à la fois par la disponibilité en eau, en CO2 et en roches carbonatées. Compte tenu de la concentration actuelle de CO2 dans l’atmosphère, sa contribution seule est largement insuffisante pour atténuer le réchauffement climatique.

Dans la nouvelle étude publiée, lundi 8 décembre, dans la revue Environmental Science & Technology, l’équipe de Moran a mis au point un réacteur transparent rempli de calcaire et de dolomite et ils y ont fait circuler de l’eau de mer chargée de CO2. « L’objectif était de comprendre ce qui se passe réellement lorsque des roches carbonatées sont exposées à de fortes concentrations de dioxyde de carbone. Une fois les conditions optimales du processus identifiées, nous avons pu observer comment un phénomène naturel et lent devient un processus contrôlé, mesurable et ajustable », explique Moran dans un communiqué.

En testant différents paramètres dans 14 expériences différentes, les chercheurs ont constaté que le rapport CO2/eau de mer est essentiel à l’efficacité du procédé. Le recyclage doux du gaz a amélioré les réactions chimiques, tandis qu’un débit excessif réduit l’efficacité du procédé. La granulométrie des roches affecte aussi le processus : des grains plus petits entraînent une plus grande dissolution du carbone total, tandis que des grains plus volumineux créent des voies plus fluides accélérant la vitesse de réaction.

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Résumé graphique de l’étude. © Moran et al.

Une grande marge d’amélioration

L’équipe a également constaté que la dolomite est meilleure pour la capture et le recyclage du carbone car elle produit moins de précipités de carbonate secondaires susceptibles de libérer à nouveau du carbone dans l’atmosphère. Après avoir identifié les paramètres optimaux, le système a converti environ 20% du CO2 introduit en carbone inorganique dissous (CID).

D’après les chercheurs, ce taux de conversion suggère que des ajustements techniques pourraient améliorer significativement les performances du système. Ces résultats pourraient ainsi, selon eux, définir les bases des protocoles industriels pour le procédé d’altération des carbonates amélioré.

« Ces résultats soulignent la faisabilité de la stimulation de l’altération des carbonates dans un réacteur à système ouvert et offrent des stratégies pratiques pour la séquestration du carbone issu des centrales électriques », écrivent les experts dans leur étude. En outre, le système s’appuie sur des matériaux abondants et peu coûteux et pourrait aussi être adapté à d’autres secteurs industriels.

Source : Environmental Science & Technology
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