Les maladies neurodégénératives, comme Alzheimer ou Parkinson, sont des sujets de recherche actifs en neurosciences. Les scientifiques tentent de déterminer quels sont les mécanismes sous-tendant la détérioration neuronale chez les patients atteints de ces maladies. Une équipe de chercheurs américains a montré que des variations génétiques de neurones particuliers présents dans le cerveau contribuaient à la dégénérescence cérébrale.
La nouvelle recherche suggère que les cellules peuvent mourir en raison de la variation naturelle des gènes dans les cellules du cerveau, qui étaient jusqu’à récemment supposées génétiquement identiques. Cette variante — appelée « mosaïcisme somatique » — pourrait expliquer pourquoi les neurones du lobe temporal sont les premiers à mourir dans la maladie d’Alzheimer, par exemple, et les neurones dopaminergiques les premiers à mourir dans la maladie de Parkinson.
« C’est une grande question ouverte en neurosciences, en particulier concernant diverses maladies neurodégénératives » déclare le neuroscientifique Michael McConnell. « Quelle est cette vulnérabilité sélective ? Qu’est-ce qui la sous-tend ? Et donc maintenant, avec notre travail, les hypothèses suggèrent que différentes régions du cerveau ont en réalité un jardin différent de ces [variations] chez les jeunes individus, et que cela crée différentes régions liées au déclin plus tard dans la vie ».
La découverte est apparue de manière inattendue lors des enquêtes de McConnell sur la schizophrénie. C’est dans ce contexte que ses collaborateurs et lui-même, ont découvert pour la première fois la variation inattendue dans la constitution génétique des cellules cérébrales individuelles. Cette découverte peut aider à expliquer non seulement la schizophrénie, mais également la dépression, le trouble bipolaire, l’autisme et d’autres conditions.
Poursuivant ses recherches, McConnell s’attendait à ce que ce mosaïcisme augmente avec l’âge — des mutations s’accumulant avec le temps. Ce que lui et ses collègues de Johns Hopkins ont découvert, est exactement le contraire : les plus jeunes montraient plus de mosaïcisme et les plus âgés en montraient moins.
« Nous avons fini par construire un atlas contenant des neurones de 15 personnes différentes. Aucune de ces personnes n’ayant de maladie » explique McConnell. « Leur âge variait de moins d’un an à 94 ans, et cela montrait une corrélation parfaite — ou plutôt une anti-corrélation parfaite — avec l’âge ».
Sur la base de cette découverte, McConnell pense que les neurones à variation génétique importante, appelés neurones à CNV, sont peut-être les plus vulnérables à la mort. Et cela pourrait expliquer la mort idiosyncratique de neurones spécifiques dans différentes maladies neurodégénératives. Les personnes ayant le plus grand nombre de neurones CNV dans le lobe temporal, par exemple, risquent de développer la maladie d’Alzheimer.
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Il reste encore beaucoup à faire pour comprendre pleinement ce qui se passe, ajoute McConnell. Jusqu’à présent, il n’a examiné que les neurones du cortex frontal du cerveau, et ses études sont limitées par le fait que les neurones ne peuvent être examinés qu’après le décès. Il est donc difficile de faire des comparaisons directes. Mais McConnell est enthousiaste à l’idée d’élargir le champ de ses recherches.
« Parce que je collabore avec l’Institut Lieber et que cette banque de cerveaux est fantastique, je peux maintenant examiner le cortex frontal d’individus [pour la recherche sur la schizophrénie] et le lobe temporal chez ces mêmes individus » explique McConnell. « Alors maintenant, je peux vraiment commencer à cartographier les choses avec plus de soin, en construisant un atlas de différentes régions du cerveau de nombreux individus ».
Ces recherches pourraient faire progresser considérablement notre compréhension des maladies neurodégénératives et du déclin cognitif qui apparaît avec l’âge, avec des potentiels débouchés sur de nouveaux traitements. Les résultats ont été publiés dans la revue Cell Reports.
« Ce qui est vraiment intéressant avec le mosaïcisme, c’est qu’il modifie fondamentalement nos hypothèses sur ce qu’est la génétique, car nous avons toujours supposé que chaque cellule d’un individu avait le même génome, le même ADN. Sauf que maintenant, nous savons que ce n’est pas vraiment le cas, et cela pourrait avoir de grandes retombées » conclut McConnell.