La carte cérébrale fonctionnelle la plus détaillée à ce jour dévoile des circuits jusqu’ici inexplorés

523 millions de synapses dans un fragment cérébral de la taille d’un grain de sable.

carte cerebrale fonctionnelle
| Institut Allen
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Un consortium de plus de 150 chercheurs a créé la cartographie la plus détaillée à ce jour des connexions cérébrales chez un mammifère. Bien qu’à peine plus grand qu’un grain de sable, le tissu cérébral cartographié contenait plus de 200 000 neurones et 523 millions de synapses interconnectées. S’appuyant à la fois sur l’IA et la microscopie de pointe, la technique a permis de révéler des détails jusqu’ici peu étudiés sur la manière dont les neurones inhibiteurs fonctionnent.

En 1979, le biologiste moléculaire Francis Crick affirmait qu’il était impossible d’obtenir un schéma exact du réseau interconnecté contenu dans un millimètre cube de cerveau, et de comprendre comment l’ensemble des neurones de ce volume s’activent. Cette affirmation reposait sur l’idée que chaque neurone doit son fonctionnement à ses connexions synaptiques ; leur cartographie permettrait ainsi de vérifier nombre d’hypothèses sur les mécanismes des réseaux neuronaux.

Pendant des décennies, ces interactions ont été examinées principalement via des expériences sur des cellules individuelles — une approche qui ne rend que très partiellement compte de la complexité des échanges entre neurones et synapses. Pour remédier à ces limites, des tentatives ont vu le jour, visant à cartographier l’architecture neuronale et la manière dont les cellules se connectent par l’intermédiaire des réseaux synaptiques. Parmi les avancées notables figure la cartographie complète des neurones et synapses du cerveau de la drosophile.

L’avènement des technologies d’imagerie de nouvelle génération et de l’intelligence artificielle a permis des avancées considérables, révélant avec un niveau de précision inédit dans ce contexte la structure des réseaux cérébraux. C’est en s’appuyant sur ces outils que le consortium MICrONS (Machine Intelligence from Cortical Networks) a réalisé une cartographie d’une précision extrême des réseaux synaptiques d’un tissu cérébral de souris, de la taille d’un simple grain de sable.

Ces avancées pourraient, à terme, remettre en question le scepticisme exprimé par Crick, tout en ouvrant des pistes nouvelles dans l’étude de certaines des plus grandes énigmes de la neurobiologie, telles que la conscience. Elles pourraient également avoir un impact majeur sur la recherche de traitements contre diverses maladies et troubles neurologiques, comme Alzheimer, Parkinson ou la schizophrénie.

« Si vous avez une radio cassée et que vous disposez du schéma électrique, vous serez mieux placé pour la réparer », explique dans un communiqué Nuno da Costa, chercheur associé à l’Institut Allen et membre du consortium. « Nous décrivons une sorte de Google Maps, ou plan de ce grain de sable. À l’avenir, nous pourrons l’utiliser pour comparer le câblage cérébral d’une souris saine à celui d’un modèle de maladie », indique-t-il. Les résultats de l’étude sont publiés dans la revue Nature.

1,6 pétaoctet de données dans un millimètre cube de cerveau

Le projet MICrONS constitue un effort collaboratif de grande ampleur, réunissant des chercheurs de l’Institut Allen, de l’Université de Princeton, de l’Université de Harvard, du Baylor College of Medicine, de l’Université de Stanford et d’autres institutions. Selon ses initiateurs, il aurait surmonté les précédentes limites technologiques, en fournissant une plateforme sans équivalent pour l’étude des réseaux cérébraux. Il s’agirait également de l’expérience neuroscientifique la plus complexe jamais entreprise.

Dans un premier temps, les chercheurs ont utilisé des microscopes spécialisés pour observer l’activité cérébrale dans une portion du cortex visuel d’une souris, alors que celle-ci visionnait des vidéos. Ce fragment de tissu, d’un millimètre cube, a ensuite été extrait, puis sectionné en plus de 25 000 tranches, chacune d’une épaisseur équivalente à 1/4000e d’un cheveu humain.

Chaque coupe a été analysée grâce à des microscopes électroniques à haute résolution. Un modèle d’intelligence artificielle a ensuite permis de reconstruire en trois dimensions l’ensemble des connexions synaptiques contenues dans le réseau. Le résultat constitue la plus vaste cartographie synaptique fonctionnelle jamais obtenue.

MICRONS Project carte
Cette vue révèle un sous-ensemble de plus de 1 000 des 120 000 cellules cérébrales (neurones et cellules gliales) reconstruites dans le cadre du projet MICRONS. © Forrest Collman/Institut Allen

Ce volume représente 1,6 pétaoctet de données — soit l’équivalent de 22 années de vidéos haute définition — et comprend plus de 200 000 neurones, 4 kilomètres d’axones et 523 millions de synapses. D’après Andreas Tolias, du Baylor College of Medicine et de l’Université Stanford, l’un des principaux chercheurs du projet : « MICrONS constituera une étape importante dans la construction de modèles de fondements cérébraux couvrant de nombreux niveaux d’analyse, du niveau comportemental au niveau représentationnel de l’activité neuronale, et même au niveau moléculaire. »

Un fonctionnement neuronal inédit

Cette cartographie d’un niveau de détail inédit a permis d’identifier de nouveaux types cellulaires, de nouvelles propriétés, ainsi que des principes d’organisation et de fonctionnement jusque-là non identifiés. L’un des résultats les plus inattendus concerne le mode d’action des neurones inhibiteurs. On pensait jusqu’ici qu’ils se contentaient d’atténuer l’activité neuronale en agissant comme une force de réduction générale.

Or, les chercheurs ont découvert qu’ils obéissent à une dynamique de communication bien plus complexe. Loin de se comporter de manière aléatoire, ils ciblent très sélectivement des neurones excitateurs. Certains neurones inhibiteurs coopèrent pour affecter plusieurs cibles, tandis que d’autres ne s’adressent qu’à des types cellulaires bien spécifiques.

« À l’intérieur de cette minuscule tache se trouve toute une architecture, telle une forêt luxuriante », observe Clay Reid, docteur en médecine à l’Institut Allen et également chercheur principal du projet. « Elle possède toutes sortes de règles de connexion que nous connaissions grâce à divers domaines des neurosciences, et la reconstruction elle-même nous permet de tester les anciennes théories et d’espérer découvrir de nouvelles choses inédites. »

Les scientifiques ont également mis au jour de nouveaux principes sur l’intégration de l’information dans la région du cortex visuel, ainsi que des modes de fonctionnement encore peu étudiés.

Vidéo de présentation de l’étude : 

Source : Nature

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