Selon le modèle cosmologique standard, la matière noire représente environ 25% de la densité d’énergie de l’Univers, et explique plusieurs phénomènes, de la courbe de rotation des galaxies à la formation des grandes structures cosmiques. Elle joue un rôle de « ciment intergalactique » sous la forme d’une toile cosmique. Récemment, des chercheurs ont produit une carte extrêmement détaillée de l’Univers local, cartographiant notamment la répartition de la matière noire et révélant des ponts intergalactiques jusqu’alors inconnus.
Une nouvelle carte de la matière noire dans l’Univers local révèle plusieurs structures filamentaires jusqu’alors inconnues reliant des galaxies. La carte, développée à l’aide de l’apprentissage automatique par une équipe internationale, pourrait ouvrir la voie à des études sur la nature de la matière noire ainsi que sur l’histoire et l’avenir de notre univers local.
La matière noire fournit le squelette de ce que les cosmologistes appellent la toile cosmique, la structure à grande échelle de l’Univers qui, en raison de son influence gravitationnelle, dicte le mouvement des galaxies et d’autres objets cosmiques. Cependant, la distribution de la matière noire locale est actuellement inconnue, car elle ne peut pas être mesurée directement. Les chercheurs doivent plutôt déduire sa distribution en fonction de son influence gravitationnelle sur d’autres objets de l’Univers, comme les galaxies.
« Ironiquement, il est plus facile d’étudier la distribution de la matière noire située beaucoup plus loin car elle reflète un passé très lointain, qui est beaucoup moins complexe. Au fil du temps, à mesure que la structure à grande échelle de l’univers s’est développée, la complexité de l’Univers a augmenté. Il est donc intrinsèquement plus difficile de faire des mesures sur la matière noire localement », explique Donghui Jeong, professeur d’astronomie et d’astrophysique à l’université d’État de Pennsylvanie.
Une cartographie détaillée du réseau cosmique local
Les tentatives précédentes de cartographie du réseau cosmique ont commencé avec un modèle de l’Univers primitif, puis ont simulé l’évolution du modèle sur des milliards d’années. Cependant, cette méthode est intensive en calcul et jusqu’à présent n’a pas été en mesure de produire des résultats suffisamment détaillés pour voir l’Univers local. Dans la nouvelle étude, les chercheurs ont adopté une approche complètement différente, utilisant l’apprentissage automatique pour construire un modèle qui utilise des informations sur la distribution et le mouvement des galaxies pour prédire la distribution de la matière noire.
Les chercheurs ont construit et formé leur modèle à l’aide d’un grand ensemble de simulations de galaxies, appelé Illustris-TNG, qui comprend des galaxies, des gaz, d’autres matières visibles, ainsi que de la matière noire. L’équipe a spécifiquement sélectionné des galaxies simulées comparables à celles de la Voie lactée et a finalement identifié les propriétés des galaxies nécessaires pour prédire la distribution de la matière noire.
« Lorsqu’on lui fournit certaines informations, le modèle peut essentiellement combler les lacunes en fonction de ce qu’il a examiné auparavant. La carte de nos modèles ne correspond pas parfaitement aux données de simulation, mais nous pouvons toujours reconstruire des structures très détaillées. Nous avons constaté que l’inclusion du mouvement des galaxies — leurs vitesses radiales particulières — en plus de leur distribution améliorait considérablement la qualité de la carte et nous a permis de voir ces détails », explique Jeong.
L’équipe de recherche a ensuite appliqué son modèle à des données réelles de l’Univers local du catalogue de galaxies Cosmicflow-3. Le catalogue contient des données complètes sur la distribution et le mouvement de plus de 17 000 galaxies à proximité de la Voie lactée, à moins de 200 mégaparsecs. La carte résultante de la toile cosmique locale est publiée dans la revue Astrophysical Journal.
Mieux comprendre la dynamique de l’Univers local
La carte a reproduit successivement des structures connues de premier plan dans l’Univers local, y compris la « feuille locale » — une région de l’espace contenant la Voie lactée, des galaxies voisines dans le « groupe local » et des galaxies dans l’amas de la Vierge — et le « vide local » — une région d’espace relativement vide à côté du groupe local. En outre, elle a identifié plusieurs nouvelles structures qui nécessitent une enquête plus approfondie, y compris des structures filamenteuses plus petites qui relient les galaxies.
« Avoir une carte locale de la toile cosmique ouvre un nouveau chapitre d’étude cosmologique. Nous pouvons étudier comment la distribution de la matière noire est liée à d’autres données d’émission, ce qui nous aidera à comprendre la nature de la matière noire. Et nous pouvons étudier directement ces structures filamenteuses, ces ponts cachés entre les galaxies », indique Jeong.
Les chercheurs pensent qu’ils peuvent améliorer la précision de leur carte en ajoutant plus de galaxies. Des études astronomiques planifiées, par exemple à l’aide du télescope spatial James Webb, pourraient leur permettre d’ajouter des galaxies faibles ou petites qui n’ont pas encore été observées, ainsi que des galaxies plus éloignées.