Dans un monde saturé par les déchets plastiques, des chercheurs japonais ont franchi une étape décisive en mettant au point un carton transparent. Cette percée technologique illustre comment l’innovation peut contribuer à la recherche de solutions durables face aux défis environnementaux que pose le plastique.
L’Anthropocène, époque géologique marquée par l’empreinte indélébile de l’activité humaine, est désormais synonyme de pollution plastique. Chaque année, plus de 400 millions de tonnes sont produites à l’échelle mondiale. Jusqu’à 5 % de ces matières finissent leur course dans les mers et les rivières, constituant d’immenses nappes de déchets flottants, une menace sérieuse pour la biodiversité marine.
En se fragmentant, ces amas libèrent des microplastiques qui infiltrent les organismes marins, contaminant l’ensemble de la chaîne alimentaire. Pire encore, une étude récente montre que ces particules peuvent altérer la photosynthèse, un processus essentiel pour de nombreuses cultures agricoles. Une telle perturbation pourrait, à terme, compromettre la sécurité alimentaire mondiale, exposant jusqu’à 400 millions de personnes à des risques accrus de famine au cours des vingt prochaines années.
Des réponses réglementaires jugées insuffisantes
Face à cette menace environnementale, plusieurs pays ont instauré des réglementations restrictives. L’Union européenne a ainsi interdit, en 2021, la commercialisation de certains produits plastiques à usage unique – couverts, pailles ou cotons-tiges. Toutefois, ces mesures, saluées par certains, ont aussi suscité des réserves, en particulier quant à l’efficacité des substituts en papier, souvent jugés peu pratiques.
C’est dans ce contexte que des chercheurs de l’Agence japonaise pour les sciences et technologies marines et terrestres (JAMSTEC), située à Yokosuka, ont mis au point un matériau inédit : le tPB, ou « transparent Paper Board ». Son intérêt ne se limite pas à ses qualités écologiques : sa transparence lui confère un potentiel non négligeable dans des usages visuels ou marketing, comme les emballages ou les récipients de présentation.
« Nous avons conçu un carton transparent, d’une épaisseur millimétrique, que nous appelons tPB. Il est obtenu par dissolution et coagulation de cellulose. Ce matériau est intégralement constitué de cellulose vierge, identique à celle utilisée dans la fabrication du papier », précisent les chercheurs dans leur étude, publiée dans la revue Science Advances.
Une méthode de fabrication inédite
Sous la direction de Noriyuki Isobe, l’équipe a découvert qu’un traitement de la cellulose par bromure de lithium permettait de se passer des coagulants chimiques habituellement requis dans la fabrication de la cellophane. En laissant simplement sécher la solution, ils ont obtenu un matériau rigide aux propriétés inédites.
Là où les précédents matériaux à base de cellulose ne dépassaient pas une épaisseur de 0,1 mm, le tPB permet la création de structures tridimensionnelles excédant 1 mm. Une avancée notable dans le développement d’alternatives au plastique.
Les tests ont montré qu’un gobelet en tPB peut contenir de l’eau bouillante pendant plus de trois heures, sans aucune fuite. « Grâce à ses propriétés d’élongation à l’état humide et à sa conductivité thermique anisotrope, un récipient en tPB peut accueillir de l’eau fraîchement bouillie sans revêtement intérieur », précisent les auteurs. Un simple enduit à base de sel d’acide gras d’origine végétale suffit à le rendre totalement étanche, faisant du tPB une alternative crédible aux gobelets plastiques classiques.
Sa dégradation rapide dans le milieu marin constitue l’un de ses atouts majeurs. Selon les chercheurs, le matériau se décompose en près de 300 jours dans les abysses océaniques – un délai 11 fois plus court dans les zones peu profondes.
Les ingénieurs ont par ailleurs veillé à assurer la circularité du produit. Le solvant employé dans sa fabrication, tout comme le matériau lui-même, peuvent être recyclés – même si le processus altère la transparence du tPB. Ce carton innovant peut également être produit à partir de cellulose recyclée, notamment issue de vêtements récupérés.
Cette invention s’inscrit dans une dynamique plus large visant à développer des alternatives durables au plastique. Il y a quelques semaines à peine, une autre équipe japonaise annonçait avoir mis au point un polymère résistant capable de se dissoudre intégralement en moins de neuf heures dans l’eau salée, sans laisser de résidu microplastique.