Des mammifères tels que les orangs-outans, les souris et les chevaux sont recouverts de poils, mais pas les humains. D’autre part, la calvitie touche de plus en plus de personnes, véritable fléau pour certains, évolution de look pour d’autres. Récemment, des chercheurs pourraient apporter un nouvel espoir pour traiter la perte de cheveux, qu’elle soit génétique ou due à une chimiothérapie par exemple. En effet, ils ont découvert des gènes ancestraux rendus inactifs par l’évolution, initialement inclus dans le processus de pilosité des mammifères.
Les baleines, les éléphants, les humains et les rats-taupes nus partagent tous un trait assez rare pour les mammifères : leur corps comporte peu ou pas de poils. En effet, les poils sont une caractéristique déterminante des mammifères et ont une variété de fonctions, allant de la perception sensorielle à la rétention de chaleur, en passant par la protection de la peau. Il est admis que l’ancêtre des mammifères avait des poils, et ce développement serait une innovation évolutive clé le long de cette lignée, ce qui signifie que la caractéristique « absence de poils » a évolué plusieurs fois, indépendamment des taxons.
Lorsque des espèces éloignées développent des traits similaires, cela peut être interprété comme un certain aspect de leur évolution qui se répète. Ce processus est appelé « évolution convergente » et peut fournir des informations sur la manière dont différentes espèces ont pu arriver au même résultat. Une possibilité est qu’ils aient subi des changements génétiques similaires, tels que l’activation ou la désactivation de gènes clés jouant un rôle dans le développement du trait.
Récemment, des scientifiques de l’Université de la santé de l’Utah et de l’Université de Pittsburgh ont entrepris, avec cette hypothèse d’évolution convergente, d’identifier les changements génétiques susceptibles d’avoir contribué à l’évolution convergente de l’absence de poils chez des espèces de mammifères telles que l’Homme. Leurs travaux sont publiés dans la revue eLife.
Avec ou sans poils, une histoire de gènes
Qu’il s’agisse des poils grossiers d’un singe ou de la fourrure douce d’un chat, la pilosité est différente dans le règne animal. Il en est de même pour l’absence de poils. Les humains ont une « touffe de cheveux » caractéristique sur la tête, mais comme les poils du corps sont moins visibles, nous sommes dans la catégorie « sans poils ». C’est le même cas de figure pour les éléphants et leurs poils clairsemés, ou les morses moustachus.
La présente recherche répond à des questions fondamentales sur les mécanismes qui façonnent cette caractéristique humaine déterminante. Nathan Clark, Ph.D., du département de génétique humaine de l’Université de l’Utah (États-Unis), déclare dans un communiqué : « Nous avons adopté l’approche créative consistant à utiliser la diversité biologique pour en savoir plus sur notre propre génétique. Cela nous aide à identifier les régions de notre génome qui contribuent à quelque chose d’important pour nous ».
Concrètement, les chercheurs ont comparé les codes génétiques de 62 animaux, notamment des espèces sans poils qui évoluaient à un rythme plus rapide que leurs homologues poilus. Pour effectuer la recherche, ils ont développé des méthodes de calcul pouvant comparer des centaines de régions du génome à la fois.
Plus précisément, ils ont étudié 19 149 gènes et 343 598 régions régulatrices qui ont été conservées à travers les 62 taxons. Dans le processus, ils ont écarté les régions génétiques responsables de l’évolution d’autres traits spécifiques à l’espèce, comme l’adaptation à la vie aquatique. Ils ont ainsi identifié de façon impartiale des gènes capillaires jouant un rôle dans le fait d’avoir des cheveux ou non. De fait, ils ont démontré que l’approche fonctionnait.
De plus, selon les auteurs, les régions régulatrices ne codent pas pour les structures qui fabriquent les cheveux, mais influencent plutôt le processus indirectement. Ils guident quand et où certains gènes s’activent et combien sont fabriqués.
Étonnamment, ils ont également découvert des gènes pour lesquels un rôle dans la germination des cheveux n’avait pas encore été défini. Combinées à des preuves supplémentaires, telles que des signes d’activité cutanée, ces découvertes mettent en évidence un nouvel ensemble de gènes qui pourraient être impliqués dans la croissance des cheveux.
Amanda Kowalczyk, Ph.D. de l’Université de Pittsburgh, déclare : « Il existe un bon nombre de gènes dont nous ne savons pas grand-chose. Nous pensons qu’ils pourraient jouer un rôle dans la croissance et l’entretien des cheveux ».
L’avantage d’être dépourvu de poils et espoir de traitement
Il y a des avantages à avoir un front dégarni, selon les auteurs. Sans poils denses, les éléphants se rafraîchissent plus facilement dans les climats chauds, et les morses glissent sans effort dans l’eau. Nathan Clark explique : « Comme les animaux subissent une pression évolutive pour perdre leurs poils, les gènes codant pour les poils deviennent moins importants. C’est pourquoi ils accélèrent le rythme des changements génétiques permis par la sélection naturelle ». Certains changements génétiques pourraient être responsables de la perte de poils. D’autres pourraient être des conséquences de l’arrêt de la croissance des poils.
Malgré les diverses raisons, l’analyse d’Amanda Kowalczyk a révélé que ceux-ci et les autres mammifères sans poils analysés ont accumulé des mutations dans bon nombre des mêmes gènes. Ceux-ci incluent des gènes qui codent pour la kératine et des éléments supplémentaires, qui construisent la tige pilaire et facilitent la croissance des cheveux.
Les scientifiques espèrent que cela conduise éventuellement à de nouvelles voies de recherche et de traitement pour la repousse des cheveux dans le cas d’une calvitie génétique ou suite à une chimiothérapie, ou de toutes autres personnes souffrant de troubles entraînant la perte de cheveux.
Nathan Clark et ses collègues utilisent maintenant la même approche pour définir les régions génétiques impliquées dans la prévention du cancer, l’allongement de la durée de vie et la compréhension d’autres problèmes de santé. Nathan Clark conclut : « C’est un moyen de déterminer les mécanismes génétiques globaux sous-jacents à différentes caractéristiques ».