Des chercheurs ont développé un dispositif portable permettant de ressentir le toucher à distance et d’échanger des contacts physiques. Combiné aux dispositifs de réalité virtuelle, il permettrait d’améliorer les interactions sociales à distance en offrant des échanges plus naturels et émotionnellement plus riches au sein d’une société où le numérique est devenu omniprésent.
Les contacts physiques jouent un rôle essentiel dans la communication et la création de liens sociaux. Depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte, ils favorisent l’établissement de liens affectifs, le développement de la confiance, ainsi que la régulation du stress et de l’anxiété. Cependant, ils ont aujourd’hui tendance à faire défaut en raison de la numérisation de la communication. La plupart d’entre nous se tournent désormais vers les technologies numériques pour socialiser et former des liens.
Cependant, « même si les gens passent autant, voire plus, de temps à socialiser en ligne, nous constatons une augmentation des cas de dépression, d’anxiété et de ce que l’on appelle souvent la « privation tactile » », explique Heather Culbertson, professeure agrégée d’informatique et de génie biomédical à l’institut Viterbi de l’Université de Californie du Sud (USC).
Les outils de communication à distance comme Zoom ou FaceTime ont permis d’améliorer significativement les modalités de communication à distance, notamment grâce à l’utilisation simultanée de la communication verbale et visuelle. En particulier, ces outils se sont révélés très pratiques lors de la crise du Covid-19 et leur utilisation a considérablement augmenté depuis, en partie en raison de la croissance du travail à distance.
Cependant, elles ne peuvent assurer l’aspect physique de la communication que nous recherchons naturellement en tant que créatures sociales. En conséquence, bien que les gens soient plus que jamais connectés numériquement, la solitude, l’anxiété et la dépression liées à l’isolement demeurent élevés, en particulier chez les jeunes. « Les interactions virtuelles continueront ; elles font partie intégrante de la vie moderne. Mais comment pouvons-nous faire en sorte que les interactions en ligne reflètent mieux les bienfaits sociaux des expériences réelles ? », questionne Culbertson.
En réponse à cette question, Culbertson et son équipe multidisciplinaire ont développé un dispositif haptique portable qui, combiné à la réalité virtuelle, permet de ressentir le contact physique en temps réel, offrant ainsi des interactions sociales plus naturelles. « Si la technologie ne remplacera pas l’expérience du contact physique, elle peut être un outil puissant pour renforcer les interactions sociales lorsque la présence physique n’est pas possible », suggère l’experte. Les résultats de la recherche sont détaillés sur la plateforme de prépublication arXiv.
Des caresses et des poignées de mains dans un espace virtuel partagé
Un dispositif haptique est un système tactilo-kinesthésique physique ou mécanique, permettant de créer une connexion à distance entre un individu et son environnement, entre un individu et un environnement virtuel, ou entre deux individus communicant de manière virtuelle.
Le nouveau système développé par l’équipe de Culbertson comprend des gants avec des manchons équipés de petits moteurs vibrants, qui simulent des sensations telles que la pression et le mouvement. Les moteurs offrent des sensations tactiles réalistes, telles que des caresses et des poignées de mains au sein d’un espace virtuel partagé. Les utilisateurs peuvent aussi interagir avec des objets virtuels et recevoir des vibrations réalistes en réponse.
« Ce projet est né d’un désir simple et profondément humain : se sentir plus proche des personnes qui nous manquent », explique Premankur Banerjee, doctorant au laboratoire de robotique haptique et d’interaction virtuelle de Culbertson et premier auteur de l’étude. « Ayant passé plus de cinq ans loin de mes proches, ce projet allait au-delà de la simple recherche académique : il était personnel. Il s’agit d’utiliser la technologie non seulement pour simuler la présence, mais aussi pour restaurer un sentiment de proximité physique souvent perdu dans les communications à distance », ajoute-t-il.



Le dispositif peut prendre en charge jusqu’à 16 utilisateurs simultanément, chacun représenté par un avatar en 3D reproduisant des mouvements réels et se déplaçant à l’intérieur de l’environnement virtuel partagé. Et, contrairement aux appels vidéo traditionnels, les utilisateurs peuvent se déplacer librement dans l’espace virtuel et interagir ensemble avec des objets, par exemple, en se passant une tasse.
L’équipe a en outre exploré l’influence de divers facteurs tels que la vitesse des gestes et le type de vibration sur l’expérience utilisateur. D’après les chercheurs, les essais en laboratoire ont montré que les participants ressentaient effectivement une plus importante sensation de présence.
La technologie pourrait par exemple ouvrir la voie à des applications dans les établissements de soin de santé longue durée, où les interactions physiques sont limitées. Le contact pourrait améliorer le bien-être des patients, un aspect essentiel à leur rétablissement. Il pourrait aussi offrir des interactions plus immersives dans le cadre du travail à distance ou pour toute autre forme de communication à distance.