Une enquête de longue durée menée aux États-Unis révèle que la metformine, un médicament courant contre le diabète de type 2, est associée à une longévité exceptionnelle chez les femmes. Le traitement est notamment corrélé à une réduction de 30 % du risque de décès avant l’âge de 90 ans. Ces résultats s’ajoutent à un faisceau d’études suggérant que la molécule pourrait exercer des effets anti-âge.
La metformine constitue depuis plusieurs décennies le traitement de première intention pour maîtriser la glycémie chez les patients atteints de diabète de type 2, lorsque les mesures hygiéno-diététiques s’avèrent insuffisantes. Mais au fil des années, sont apparues des données laissant entendre que les bienfaits de ce médicament ne se limiteraient pas au seul contrôle du diabète.
Certaines études ont suggéré qu’il agirait sur plusieurs marqueurs biologiques du vieillissement, notamment en augmentant l’expression du gène FOXO3, impliqué dans les mécanismes de longévité. Il réduirait également la production d’espèces réactives de l’oxygène, favorisant la survie cellulaire, et interviendrait dans la régulation des processus de réparation de l’ADN. Ces propriétés ont été associées à une diminution du risque de démence ainsi qu’à une atténuation des inflammations chroniques liées aux douleurs arthrosiques.
Cependant, les données disponibles sur le lien entre metformine et longévité restent contrastées. Chez la souris, le médicament prolongeait l’espérance de vie moyenne de 14 % lorsqu’il était administré précocement, tout en améliorant les fonctions cognitives et d’autres indicateurs de santé. Il retarderait également l’apparition de certains cancers, comme le carcinome, et prolongeait de 8 % la durée de vie de modèles murins atteints de cancer du sein — des résultats qu’il convient toutefois de ne pas extrapoler directement à l’humain.
En revanche, les essais du programme Interventions Testing Program du National Institute on Aging n’ont mis en évidence aucun effet significatif sur la longévité lorsque la metformine était utilisée seule. Une amélioration substantielle était toutefois observée lorsqu’elle était associée à la rapamycine, un immunosuppresseur bien connu. À ce jour, aucune étude observationnelle ni essai contrôlé randomisé (ECR) n’a spécifiquement évalué cette interaction chez l’être humain.
Une équipe de l’Université de Californie à San Diego (UC San Diego) a entrepris d’évaluer cette association à travers un « cadre d’émulation d’essai cible ». Cette méthode permet de simuler la rigueur d’un essai contrôlé à partir de données observationnelles, sans recours à un groupe placebo, mais avec un groupe comparateur reconstitué a posteriori. Elle présente l’avantage de couvrir une période d’étude plus longue qu’un ECR classique. Les résultats ont récemment été publiés dans le Journal of Gerontology: Medical Sciences.
Une réduction de 30 % du risque de décès avant 90 ans
Les chercheurs ont analysé les dossiers médicaux de 438 femmes ménopausées, issues du programme Women’s Health Initiative et diagnostiquées avec un diabète de type 2. La moitié d’entre elles étaient traitées par metformine, tandis que l’autre moitié recevait des sulfamides hypoglycémiants.
Le suivi s’est étendu sur plus de trente ans, des environs de la quarantaine jusqu’à un âge avancé. Les deux groupes ont été appariés selon des critères rigoureux : tranche d’âge, mode de vie, état de santé général et autres facteurs déterminants pour l’analyse.
Les résultats montrent que les participantes ayant reçu de la metformine présentaient un risque de décès avant 90 ans réduit de 30 %, comparativement à celles traitées par sulfamides. Ce constat suggère que la metformine pourrait offrir des bénéfices spécifiques au-delà de son action hypoglycémiante.
« Dans ce premier essai d’émulation ciblé sur la metformine et la longévité exceptionnelle, nous avons constaté que l’initiation de la metformine augmentait la longévité exceptionnelle par rapport à l’initiation de la sulfonylurée chez les femmes atteintes de diabète de type 2 », écrivent les auteurs.
Les chercheurs soulignent toutefois plusieurs limites méthodologiques. L’étude, bien qu’inspirée des protocoles d’ECR, n’en présente pas toute la robustesse expérimentale. La taille relativement restreinte de l’échantillon, limité aux femmes, impose également de nuancer l’interprétation des résultats, qui ne permettent pas d’établir un lien de causalité ferme à ce stade.
Néanmoins, les données recueillies ouvrent des pistes pour de futures recherches, y compris des essais randomisés à grande échelle. « L’un des objectifs clés de la géroscience est d’identifier de nouvelles interventions thérapeutiques et préventives capables de ralentir le vieillissement biologique », conclut l’équipe.