Tim Draper, l’un des premiers investisseurs de Tesla et SpaceX, est bien connu dans la Silicon Valley pour sa capacité à repérer les technologies d’avenir. Il a cette fois-ci jeté son dévolu sur les jetpacks, une technologie qui selon lui, sera en pleine expansion d’ici une décennie. Le milliardaire vient ainsi d’investir massivement dans deux sociétés spécialisées dans ce nouveau mode de transport : JetPack Aviation et Gravity Industries.
Gravity Industries, fondée par le célèbre Richard Browning en 2017, fait régulièrement parler d’elle à propos de son équipement, le Daedalus Flight Pack. Celui-ci permet à son porteur de se déplacer dans les airs pendant une dizaine de minutes, à environ 51 km/h en moyenne. À l’automne, l’équipement a même été testé par une équipe de secouristes du Parc national de Lake District, au Royaume-Uni — une zone très fréquentée par les touristes, mais accidentée et propice aux accidents. Le jetpack permet ici d’intervenir auprès des victimes bien plus facilement et rapidement qu’avec tout autre moyen.
JetPack Aviation, fondée par David Mayman en 2016, a elle aussi conçu un jetpack similaire. Aujourd’hui, ses modèles les plus récents peuvent voler à près de 200 km/h. Mais plus récemment, la société a développé une véritable moto volante, baptisée Speeder. Cet engin autonome peut transporter deux personnes et atteindre des vitesses vertigineuses.
Vers un mode de transport plus flexible
Pour Tim Draper, il est temps de rompre avec les modes de transport traditionnels, qu’il estime limités et peu pratiques. Il pense désormais que le VTOL (pour Vertical Take-Off Landing), ou avion à décollage et atterrissage vertical en français (ADAV) est véritablement l’avenir de la mobilité humaine et permettra des déplacements plus faciles et plus flexibles. « Je pense que nous sommes maintenant dans une société de transport bidimensionnelle, et ces deux entreprises ont trouvé comment rendre cette technologie plus pratique, afin que tout le monde puisse voler et atterrir n’importe où », a déclaré l’homme d’affaires. Imaginez : vous n’auriez qu’à enfiler rapidement une combinaison, puis décoller pour atterrir quelques minutes plus tard où vous le souhaitez…
La première fois que David Mayman a présenté son jetpack (modèle JB9), c’était en 2015 : il a alors réalisé un vol spectaculaire autour de la statue de la Liberté. Depuis, l’appareil a été certifié par la Federal Aviation Administration (FAA). La société a même conclu un accord de coopération en recherche et développement avec les forces spéciales de l’US Navy.
À ce jour, JetPack Aviation a levé 5 millions de dollars de capital d’amorçage. Son dernier modèle de jetpack, le JB12 — dont les premiers vols d’essai sont prévus pour mars 2021 — dispose de six moteurs et d’un système informatique capable de détecter toute diminution inattendue de poussée de n’importe quel moteur et d’équilibrer automatiquement la poussée du moteur opposé. L’engin se porte comme un sac à dos ; le réservoir de carburant contient environ 36 litres de kérosène ou de diesel, qui confère une autonomie de vol d’une dizaine de minutes (plus ou moins selon le poids du pilote). Ses concepteurs annoncent une vitesse de pointe supérieure à 400 km/h !
L’entreprise de Mayman s’intéresse par ailleurs à un autre mode de transport, tout aussi incroyable : une moto volante, le Speeder, un concept sur lequel elle travaille depuis deux ans. Les capitaux d’amorçage levés auprès de la société de Tim Draper, entre autres sociétés d’investissement, permettront de financer le développement du tout premier prototype fonctionnel du Speeder. Selon Mayman, ce véhicule devrait être en mesure de fournir un transport rapide de marchandises pour les services d’urgence et militaires — ses premières utilisations prévues avant d’être proposé au grand public — dans un délai beaucoup plus court.
Cette moto volante entièrement autonome promet une conduite entièrement stabilisée. L’engin décolle et atterrit verticalement, comme un hélicoptère, et peut transporter près de 300 kg de fret (ou deux personnes). À noter qu’il ne dispose pas de systèmes de rotors exposés, ce qui le rend plus sûr et plus facile à piloter que certains autres véhicules de type VTOL. Ses moteurs à réaction sont alimentés au diesel ; une batterie ne serait pas assez puissante pour permettre de parcourir de longues distances avec cet engin. JetPack Aviation précise à ce sujet que sa moto peut être ravitaillée en moins de cinq minutes, soit un temps considérablement plus court que le rechargement d’un véhicule électrique…
Un intérêt certain pour le secteur militaire
Le marché des véhicules autonomes de type VTOL est estimé à environ 4,4 milliards de dollars cette année. Selon une analyse de Research and Markets, le secteur devrait atteindre 15,6 milliards de dollars d’ici 2027, dont près de 9 milliards proviendront du marché militaire. Selon Tim Draper, la commercialisation de ces technologies auprès du grand public ne se fera pas avant plusieurs années. Mais les applications militaires sont imminentes ; Mayman estime que son Speeder pourrait être utilisé par l’armée américaine dès 2024.
Si l’armée américaine s’intéresse à ce type d’engin, c’est parce qu’il peut être utilisé dans des moments particulièrement critiques, pour transporter des médecins ou récupérer des soldats blessés en zone ennemie par exemple. « Ces véhicules peuvent se déplacer de manière autonome à deux fois la vitesse d’un hélicoptère Black Hawk, à une altitude allant de 6 à 4500 mètres », précise Mayman. Un intérêt partagé par Jakob Riis, PDG de Faulk, l’une des plus grandes sociétés d’urgence et d’intervention au monde : « Si les véhicules VTOL ne gagnent même que 3 minutes de temps de réponse à une urgence médicale, cela peut augmenter le taux de survie de nombreuses victimes, en particulier celles qui ont une crise cardiaque ».
Beaucoup voient aussi dans ces transports aériens autonomes un moyen de réduire la congestion des transports urbains terrestres. Certains constructeurs imaginent déjà transformer les héliports existants, ou les sommets d’immeubles en « vertiports », d’où décolleraient de petits avions VTOL, dédiés aux trajets interurbains.
En dehors des applications militaires et d’urgence médicale, Richard Browning pense que le jetpack a également un avenir dans le secteur des sports et loisirs : « De nombreux amateurs d’aventure qui aiment le parachutisme et veulent faire l’expérience de quelque chose d’inhabituel sont intéressés par ce mode de vol », fait-il remarquer. Dans cet optique, Gravity Industries travaille actuellement sur une nouvelle combinaison, de troisième génération, qui permettra de voler pendant sept ou huit minutes. « Peut-être que cela peut devenir un nouveau sport de course comme l’IndyCar ou la NASCAR », a ajouté l’inventeur.
Vidéo d’introduction montrant le Speeder de Jetpack Aviation en pleine action, dans un monde virtuel :