La perte ou le dysfonctionnement des cellules gliales caractérise une large gamme de conditions neurodégénératives et de troubles psychiatriques — en grande partie incurables. Des chercheurs ont réussi à remplacer ces cellules défectueuses et à supplanter celles âgées par de plus jeunes et plus saines, chez des souris chimères (présentant des cellules humaines malades). L’exploit a été réalisé en leur implantant des cellules progénitrices gliales humaines et pourrait peut-être restaurer les fonctions cérébrales perdues.
Différenciées à partir de cellules progénitrices gliales (GPC), les cellules gliales servent de soutien aux neurones. Elles incluent les astrocytes et les oligodendrocytes. Composant la majeure partie des cellules cérébrales, les astrocytes protègent les neurones, assurent l’apport en oxygène et en nutriments et éliminent les déchets. Les oligodendrocytes, quant à eux, se chargent de la myélinisation, essentielle à la transmission optimale des influx nerveux.
Le dysfonctionnement astrocytaire et oligodendrocytaire contribue à la pathogénicité d’un grand nombre de maladies neurodégénératives et de troubles neuropsychiatriques. Ces affections comprennent par exemple la sclérose latérale amyotrophique (SLA), la maladie de Huntington (MH), Alzheimer, Parkinson, ainsi que la schizophrénie et les troubles bipolaires. Il est important de noter que la plupart de ces troubles et maladies sont incurables et les traitements actuellement disponibles ne permettent que d’en ralentir la progression.
Les chercheurs de l’Université de Copenhague ont eu pour idée de remédier à ce dysfonctionnement, en remplaçant les cellules gliales défectueuses. Pour ce faire, ils ont exploité la capacité des GPC humaines (hGPC) à se différencier en nouveaux astrocytes et oligodendrocytes, à se disperser et à coloniser le cerveau de leurs hôtes. Cette voie pourrait potentiellement restaurer la fonction cérébrale chez les personnes présentant des troubles mentaux ou de la neurodégénérescence.
Cette capacité des hGPC a été démontrée lors d’une précédente étude portant sur la maladie de Huntington, menée par les mêmes chercheurs. En les implantant chez des modèles murins de la maladie, les cellules malades ou âgées des rongeurs ont été remplacées avec succès par de nouvelles cellules gliales humaines saines et jeunes.
Dans la nouvelle étude décrite dans Nature Biotechnology, les chercheurs ont transposé l’expérience à des cellules humaines malades. C’est-à-dire que ces cellules ont été implantées à des souris (chimères) afin de voir si l’implantation de hGPC sains pouvait également les éradiquer (un remplacement de cellules humaines par d’autres cellules humaines).
Une compétition entre cellules saines/jeunes et malades/âgées
Afin d’évaluer comment les hGPC saines peuvent remplacer in vivo les cellules gliales malades, les chercheurs ont d’abord généré des lignées saines et malades spectralement distinctes, par le biais d’un marquage par fluorescence. Cette technique permet de suivre la croissance in vivo des cellules, de manière indépendante. Ensuite, les souris ont été « chimérisées » à la naissance en injectant dans leurs cerveaux des hGPC dérivées de personnes souffrant de la maladie de Huntington. Cette pathologie résulte de la surexpression d’un gène mutant appelé mHTT par les cellules gliales malades. Les striatums des souris ont été massivement chimérisés par des cellules gliales exprimant le gène. Cette technique permet notamment d’évaluer les effets de la transplantation au niveau d’un cerveau adulte composé de cellules humaines, et rend plus probable la reproductibilité chez l’Homme.
Après implantation, les hGPC saines se sont différenciées pour rapidement coloniser le striatum des souris. Les cellules saines résultantes se sont développées et ont migré à travers la structure cérébrale. Elles ont alors remplacé les celles malades et déplacé leurs homologues souris naturellement présents. Cette colonisation a été provoquée par la prolifération mitotique des cellules gliales saines, dont le nombre a plus que doublé au bout de 12 à 36 semaines. En revanche, cette prolifération a commencé à progressivement diminuer à mesure qu’un niveau de densité maximale a été atteint chez l’hôte.
« Nous avons transplanté les cellules humaines saines chez les souris qui ont été humanisées avec la glie mutante exprimant Huntington, et les cellules gliales saines ont supplanté et remplacé la glie malade, éradiquant cette population gliale malade », explique le coauteur de l’étude, Steve Goldman, chercheur au Centre de neuromédecine translationnelle de l’Université de Copenhague.
D’un autre côté, étant donné que les hGPC saines implantées étaient plus jeunes que les glies hôtes, les chercheurs se sont demandé si cette différence d’âge pouvait également induire ce schéma de compétition entre les cellules. Résultat : qu’elles soient saines ou malades, les cellules âgées ont été inexorablement supplantées par celles plus jeunes. Le séquençage d’ARN unicellulaire des populations « gagnantes » et « perdantes » a révélé que les hGPC transplantés ont acquis un phénotype de concurrence dominant lors de l’interaction avec la glie hôte.
« Cela nous a indiqué qu’il ne s’agissait pas seulement de cellules saines surpassant les cellules malades de la maladie de Huntington, mais que c’était beaucoup plus large en termes d’utilisation potentielle », indique Goldman. Ces résultats suggèrent que la technique pourrait cibler un éventail de pathologies plus large que ce qui a précédemment été estimé, se caractérisant toutes par des populations gliales plus âgées.
Dans les deux prochaines années, les chercheurs projettent de passer aux essais cliniques pour tester le protocole sur la maladie de Huntington, la sclérose en plaques progressive et la maladie de Pelizaeus-Merzbacher. Mais avant, il est essentiel de s’assurer de l’innocuité à long terme, qu’ils pensent pouvoir confirmer d’ici un an et demi environ. Ces observations permettront également de déterminer si le traitement permet réellement de restaurer les fonctions cérébrales.