Le sexe biologique est un trait fondamental qui influence le développement, la reproduction, l’évolution des maladies et les résultats des traitements médicaux. Mais la modélisation des différences entre les sexes est difficile en raison de la variabilité génétique, qui masque les effets des chromosomes. Récemment, et pour la première fois, des chercheurs ont créé des cellules humaines mâles et femelles avec le même code génétique, à partir de la même personne — un modèle unique qui pourrait conduire à de nouvelles découvertes sur les différences sexuelles et la médecine du genre.
Ces dernières années, la prise de conscience de l’importance de la médecine du genre est en hausse. D’ailleurs, dans la première mission du projet Artemis concernant le retour de l’Homme sur la Lune, la capsule Orion a embarqué un mannequin homme et un mannequin femme. En effet, femmes et hommes ne réagissent pas de la même manière aux radiations cosmiques, la femme ayant des organes plus fragiles.
De fait, il est maintenant bien établi que l’incidence de la maladie, les signes cliniques et les résultats médicaux dépendent du sexe. Par exemple, les femmes ont un risque plus élevé de développer des maladies auto-immunes, telles que la sclérose en plaques et la polyarthrite rhumatoïde, tandis que les hommes sont plus susceptibles d’avoir une morbidité plus importante lorsqu’ils contractent la COVID-19 et d’autres maladies infectieuses.
De plus, l’efficacité et les effets indésirables des médicaments dépendent également du sexe, tout comme la morbidité cardiaque et divers troubles psychiatriques. C’est pourquoi il est crucial d’avoir un modèle biologique permettant d’étudier les effets du sexe biologique, c’est-à-dire le rôle spécifique des chromosomes X et Y, sur la santé, l’évolution de la maladie, ainsi que l’efficacité et la toxicité des thérapies.
Récemment, des chercheurs de l’organisation médicale Hadassah d’Israël ont créé les premières cellules humaines mâles et femelles au monde avec le même code génétique de la même personne, qui ne diffèrent que par les chromosomes sexuels. Le modèle, unique en son genre, ouvre la voie à de nouvelles découvertes dans l’étude des différences sexuelles et le développement de la médecine du genre. L’étude est publiée dans la revue Stem Cell Reports.
L’importance de la médecine du genre
De plus en plus, les chercheurs médicaux, les sociétés pharmaceutiques et les autorités sanitaires sont confrontés à la variance entre les sexes et à la nécessité d’ajuster les traitements et les dosages de médicaments au sexe du patient. Cependant, la recherche dans le domaine de la médecine du genre a été difficile, car il n’y a pas de jumeaux génétiquement identiques dont l’un est un homme et l’autre une femme.
En effet, bien que certaines des différences entre les sexes proviennent d’effets hormonaux, il est maintenant reconnu que de nombreuses différences sont dues au complément des chromosomes. Mais l’étude des effets du complément des chromosomes sexuels X et Y sur l’expression des gènes et les phénotypes biologiques est entravée par la variation du patrimoine génétique. Par conséquent, un échantillon de grande taille est nécessaire pour identifier les différences liées au sexe.
Néanmoins, lorsque des différences ont été constatées, il est impossible de savoir si elles sont dues aux chromosomes sexuels ou à la composition hormonale différente des femmes et des hommes. À ce jour, il n’existe aucun modèle humain pour étudier les différences entre les sexes qui puisse surmonter la variation du patrimoine génétique. C’est donc ce point essentiel que tente de corriger la présente étude.
Un nouveau modèle basé sur des cellules souches uniques
Étant donné que les cellules souches peuvent devenir n’importe quelle cellule du corps humain, le nouveau modèle permet une démonstration claire en laboratoire des différences entre les sexes. Cela permettra d’étudier les différences entre les sexes dans tous les types de cellules et de comprendre si la cause d’une différence est la composition des chromosomes sexuels ou la différence dans le profil hormonal.
Pour développer les cellules souches uniques, le Dr Reubinoff, premier auteur de l’étude, et son équipe ont utilisé les cellules sanguines d’un homme atteint du syndrome de Klinefelter, ce qui lui a conféré un chromosome X supplémentaire (XXY). Cette maladie génétique survient chez 1 à 2 hommes sur 1000.
Le Dr Reubinoff est directeur du Centre de recherche sur les cellules souches Sidney et Judy Swartz à l’Institut Goldyne Savad de thérapie génique de l’Organisation médicale Hadassah (Jérusalem) et médecin-chef du département d’obstétrique et de gynécologie du centre médical.
Le médecin-chercheur Ithai Waldhorn, du Centre de recherche Hadassah sur les cellules souches et co-auteur de l’étude, explique dans un communiqué : « Le donneur de cellules sanguines dans notre étude était unique et l’un des rares patients atteints de Klinefelter au monde dont le sang avait également de petites sous-populations chromosomiques masculines (XY) et féminines (XX) normales [en plus du chromosome XXY] ».
Les chercheurs ont reprogrammé les trois types de cellules sexuelles en cellules souches pluripotentes induites, capables de se développer en différents types cellulaires selon les objectifs thérapeutiques. Elles sont donc idéales pour développer des modèles cellulaires dans le cadre des études sur les différences liées au sexe dans tous les types de cellules humaines.
De plus, les cellules souches permettent d’étudier les différences entre hommes et femmes, en l’absence comme en présence d’hormones sexuelles, et de distinguer les influences génétiques et hormonales sur les différences de genre.
Le Dr Reubinoff déclare : « Il s’agit d’une percée dans le domaine de la médecine du genre. Le monde de la science médicale reconnaît aujourd’hui la grande importance des différences entre les femmes et les hommes ».
D’ailleurs, avec son équipe, ils sont pu confirmer des résultats d’études antérieures, en particulier concernant l’effet des chromosomes X et Y dans le développement neuronal précoce, en induisant les cellules souches à se développer en versions immatures de neurones.
Il conclut : « Le système unique de cellules souches que nous avons développé conduira à de nouvelles découvertes sur les différences entre les sexes, et aidera à comparer l’efficacité et la toxicité des médicaments, tout en contribuant au développement d’une meilleure médecine adaptée aux femmes et aux hommes ».