Une nouvelle étude révèle que les champs magnétiques statiques générés par certains appareils électroniques intelligents sont susceptibles de créer des interférences pouvant mettre en péril le bon fonctionnement de dispositifs médicaux implantés, en particulier les stimulateurs cardiaques et les défibrillateurs cardiaques. Les auteurs recommandent ainsi de maintenir ces objets à au moins 15 centimètres de distance.
Les stimulateurs et défibrillateurs cardiaques implantables sont conçus pour inclure un mode « aimant », prévu pour être utilisé lorsqu’un patient doit subir un examen où des interférences électromagnétiques sont possibles (une IRM par exemple), ou chaque fois qu’une suspension de la détection de la tachycardie est nécessaire. Historiquement, les aimants suffisamment puissants pour déclencher ce mode étaient très gros ou facilement identifiables (haut-parleurs stéréo, moteurs électriques des outils sans fil, etc.). Les patients équipés d’un dispositif cardiaque veillent donc généralement à se tenir à distance de ces objets (car le champ magnétique statique décroît de façon exponentielle avec la distance).
Cependant, comme le soulignent les auteurs de l’étude, la prolifération de petits aimants de terres rares (par exemple, le néodyme) change la donne : ces aimants sont suffisamment petits pour être utilisés à l’intérieur d’écouteurs, de serrures de portes, de petits haut-parleurs de téléphone, ainsi que dans les technologies émergentes, telles que les cigarettes électroniques et les montres intelligentes (et autres accessoires). Problème : ces objets du quotidien peuvent facilement se retrouver tout près des dispositifs cardiaques de leur propriétaire.
Des dysfonctionnements qui peuvent être fatals
Si le mode aimant se déclenche de manière impromptue, les défibrillateurs ne peuvent plus délivrer le choc électrique nécessaire en cas de besoin, tout comme les stimulateurs ne peuvent plus détecter le rythme cardiaque de leur porteur, ce qui peut mettre la vie du patient en danger. Certains dispositifs émettent une tonalité électronique lorsqu’ils passent dans ce mode, mais cela dépend des modèles. Avec l’avènement des téléphones portables et l’utilisation croissante des aimants de terres rares, il est rapidement devenu évident que de nombreux appareils électroniques représentaient un danger potentiel pour les personnes porteuses d’implants cardiaques.
Ainsi, dès le milieu des années 1990, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a recommandé aux utilisateurs de maintenir ces appareils électroniques grand public à au moins 15 centimètres de leurs dispositifs médicaux implantés. Seth Seidman du Center for Devices and Radiological Health de la FDA et ses collègues ont entrepris de réaliser diverses expériences sur les derniers smartphones et montres Apple, pour vérifier si ces recommandations étaient toujours adaptées.
Les modèles d’appareil testés dans cette étude sont l’iPhone 12 Pro Max, l’iPhone 12 Pro, l’iPhone 12, l’iPhone 12 Mini et l’Apple Watch 6. Il se trouve que la série iPhone 12 possède un réseau circulaire d’aimants autour d’une bobine de charge centrale, qui rend le téléphone compatible avec les accessoires MagSafe (la technologie de charge sans fil). Cette technologie contient un magnétomètre et un lecteur NFC à simple bobine ; les aimants aident à aligner correctement l’iPhone sur le chargeur sans fil (ou autres accessoires) et augmentent les vitesses de charge. Un article paru au mois de janvier mettait en garde les utilisateurs contre le risque d’interférences magnétiques, évoquant « un problème de santé publique important concernant l’iPhone 12 de nouvelle génération, qui peut potentiellement inhiber une thérapie vitale chez un patient, en particulier lorsque le téléphone est transporté dans une poche supérieure de la poitrine ».
Suite à cette publication, Apple a publié sur son site Web la liste de ses produits contenant des aimants, accompagnée d’un avertissement, conseillant une distance de sécurité d’au moins 15 cm, voire plus de 30 cm en cas de charge sans fil.
Une recommandation qui concerne de nombreux appareils grand public
Le but de cette étude était de déterminer la distance de séparation minimale entre les appareils électroniques grand public susceptibles de créer des interférences magnétiques et les dispositifs cardiaques implantables où le mode aimant peut être déclenché. Tous les appareils ont été complètement chargés avant la mesure et déconnectés des câbles de charge pendant toute l’expérience. Toutes les communications sans fil ont été désactivées, et les téléphones et montres ont été mis en mode avion pour minimiser les interférences électromagnétiques potentielles.
Les champs magnétiques statiques des différents appareils ont été mesurés sur plusieurs plans, avec une résolution de 1 cm, à l’aide d’un gaussmètre avec sonde transversale. Les mesures effectuées montrent que tous les modèles testés génèrent des champs magnétiques statiques nettement supérieurs à 10 gauss (G) à proximité immédiate (entre 1 et 11 mm) ; à une distance de 1 mm, les chercheurs rapportent plus de 400 G au niveau du haut du corps principal de l’iPhone 12 Pro Max et de plus de 980 G à l’arrière de l’Apple Watch ! L’intensité de ces champs descend sous 10 G, dès lors que l’on se trouve à au moins 21 mm de distance. À savoir que dans un cadre clinique, 90 G sont nécessaires pour enclencher le mode aimant des implants.
Comme le précisent les auteurs de l’étude, ces résultats concernent ici la série des iPhone 12 et l’Apple Watch 6, mais pourraient être largement applicables à tous les appareils électroniques grand public susceptibles de créer des interférences magnétiques, y compris d’autres téléphones portables et montres intelligentes. Les résultats de cette étude appuient donc la recommandation de la FDA selon laquelle les patients équipés d’un implant cardiaque doivent absolument conserver leurs appareils électroniques loin de leur dispositif médical — exit donc le smartphone dans la poche de chemise…