Une découverte surprenante : notre cerveau serait plus sensible aux paroles positives provenant de notre côté gauche. Bien que l’implication évolutive de cette préférence singulière reste un mystère, cette trouvaille pourrait potentiellement servir de clé pour résoudre quelques-uns des plus grands mystères de notre biologie, tels que l’asymétrie de la disposition de nos organes internes ou notre prédominance à utiliser soit la main droite soit la main gauche.
Les sons que nous percevons sont caractérisés par leur fréquence et leur amplitude. Toutefois, au-delà de ces attributs purement physiques, nous avons également la capacité de les percevoir en termes émotionnels : agréables ou désagréables, rassurants ou menaçants, intéressants ou tout simplement banals. Cette perception subjective des sons est façonnée par le ton adopté par notre interlocuteur, ainsi que par l’origine spatiale du son (distance et direction).
En règle générale, nous sommes plus susceptibles de porter une attention accrue aux sons qui se rapprochent, comparativement à ceux qui s’éloignent de nous. Ces sons qui viennent à notre rencontre peuvent être soit plus captivants, soit plus inquiétants, surtout s’ils proviennent de derrière nous. Ce critère dans notre perception sonore, nommé « valence émotionnelle », aurait évolué progressivement dans notre cerveau selon un processus évolutif s’étendant sur des millénaires. En effet, cette faculté serait un avantage évolutif, probablement hérité de nos premiers ancêtres qui devaient rester constamment vigilants face aux prédateurs.
Cependant, les processus cognitifs qui sous-tendent ces préférences sont largement inexplorés. Une nouvelle étude, publiée dans la revue Frontiers In Neurosciences, dévoile un nouvel aspect de la façon dont notre cerveau interprète les sons en fonction de leur provenance. L’étude révèle que notre cortex auditif primaire serait plus sensible aux voix exprimant des émotions positives si elles proviennent de notre côté gauche.
Le cortex auditif primaire présente des pics d’activité lorsqu’il perçoit des rires ou des mots agréables par l’oreille gauche. De manière surprenante, les paroles plaisantes entendues par l’oreille droite ou provenant de face, ne provoquent pas une hausse d’activité significative au niveau cérébral. Même si les raisons de cette sélectivité directionnelle demeurent quelque peu énigmatiques, « on pense que l’encodage de l’espace auditif est partiellement indépendant de l’encodage de la signification sonore », notent les chercheurs dans leur publication.
Une préférence marquée pour les paroles positives provenant de la gauche
Les expérimentations effectuées dans le cadre de cette nouvelle étude visaient à comparer l’intensité de l’activité cérébrale en réaction aux sons provenant de la gauche, de la droite ou de devant. Ainsi, 13 volontaires dans leur vingtaine (hommes et femmes), tous droitiers et sans aucune formation musicale, ont été exposés à diverses catégories de sons : des vocalisations humaines positives comme des mots érotiques ou des rires, et d’autres à valence négative ou neutre comme des syllabes dénuées de sens ou des cris de surprise. Des sons non vocaux, positifs, neutres ou négatifs, comme des applaudissements, le sifflement du vent ou le bruit crescendo et angoissant d’une bombe à retardement, ont également été diffusés.
Les données d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) des participants ont été analysées pour observer en temps réel l’activité cérébrale. Les chercheurs se sont concentrés sur les régions cérébrales majeures impliquées dans les premiers stades du traitement du son : les cortex auditifs primaires A1 et R, les autres zones auditives précoces entourant ces régions, et la « zone vocale » (VA).
Les neuroscientifiques ont constaté, à leur surprise, que les régions A1 et R, réparties dans les deux hémisphères du cerveau, enregistraient une activité maximale lors de l’écoute de paroles positives provenant de la gauche. En comparaison, cette activité était considérablement réduite lorsque les paroles positives provenaient de l’avant ou de la droite. « Nous démontrons également que les vocalisations à valence émotionnelle neutre ou négative, par exemple les voyelles signifiantes ou les cris de peur, et les sons autres que les vocalisations humaines, n’ont pas cette association avec le côté gauche », ajoute Da Costa.
Cette diminution d’activité a également été observée en réponse à des paroles neutres ou négatives, ainsi qu’à des sons non vocaux, provenant de n’importe quelle direction. D’après Tiffany Grisendi, coauteure principale de la nouvelle étude et chercheuse à l’Université de Lausanne, cela suggère que « la nature d’un son, sa valence émotionnelle et son origine spatiale y sont d’abord identifiées et traitées ».
De plus, une réponse vigoureuse a été observée dans la région L3 du cortex auditif droit suite à l’écoute de paroles positives provenant soit du côté droit soit du côté gauche. Cependant, cette augmentation d’activité n’a pas été constatée dans l’hémisphère gauche du cortex auditif, et la direction des sons non vocaux n’a pas non plus eu d’impact sur l’activité de l’ensemble du cortex.
Pour l’heure, les chercheurs ne peuvent pas définir l’implication évolutive de cette préférence singulière de notre cerveau pour les paroles positives entendues du côté gauche. Ils estiment néanmoins qu’il s’agit d’une sélectivité spécifique à notre espèce et espèrent avoir déniché un indice pouvant expliquer notre préférence pour l’utilisation d’une main plutôt que l’autre ou l’agencement asymétrique de nos organes internes.