Les poissons sont souvent, à tort, considérés comme des animaux peu adaptatifs et à la biologie simple, mais détrompez-vous… Des chercheurs ont fait une découverte étonnante en étudiant des truites grises : ils ont découvert que leur cerveau augmentait en volume lorsque les poissons étaient confrontés à des environnements plus difficiles, demandant plus de ressources cérébrales, et qu’il diminuait en volume dans le cas inverse. Cette découverte révèle un mécanisme évolutif avancé qui permet aux poissons d’économiser de l’énergie lorsque l’environnement le permet.
Ce qui est révélé ici dans les grandes lignes donc, c’est que les poissons deviennent littéralement « plus intelligents » de façon constante lorsqu’ils doivent réfléchir davantage sur le long terme, et moins intelligents dans le cas contraire.
La découverte résulte de deux études menées par Frederic Laberge de l’Université de Guelph au Canada et ses collègues, qui montrent que le cerveau des poissons grossit par rapport à la taille de leur corps dans les environnements plus difficiles et rétrécit dans les environnements moins difficiles, et ce en l’espace de quelques mois seulement. Les détails ont été publiés sur Authorea et bioRxiv.
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Économiser de l’énergie, une question de survie
Le fait de modifier la taille relative du cerveau en fonction des besoins pourrait aider les poissons à économiser des ressources vitales. « Le cerveau est connu pour être l’un des tissus les plus coûteux à entretenir sur le plan énergétique », explique Laberge.
Dans une première étude, Laberge et son équipe ont étudié des truites grises, ou touladis (Salvelinus namaycush) pendant six saisons consécutives dans deux lacs différents de l’Ontario, au Canada. Ils ont constaté que la taille du cerveau par rapport à la taille du corps augmentait en automne et en hiver et diminuait au printemps et en été.
« Les plus grandes tailles cérébrales ont coïncidé (dans l’étude) avec une utilisation accrue des habitats lacustres proches du rivage et une augmentation des taux de déplacement horizontal des truites de lac en automne et en hiver, selon la télémétrie acoustique. Le télencéphale a suivi le même schéma que la taille globale du cerveau, tandis que les autres régions cérébrales (cervelet, tectum optique, bulbes olfactifs, hypothalamus) étaient seulement plus petites au printemps. Les variations saisonnières de la taille totale du cerveau pourraient refléter des changements sous-jacents plus importants de la taille du télencéphale », écrivent les chercheurs dans leur document.
Le touladi évite les eaux chaudes, de sorte qu’il est limité aux eaux plus profondes en été, explique Laberge. Mais pendant l’hiver, ces poissons se nourrissent dans des eaux moins profondes près du rivage, ce qui constitue un environnement plus complexe. Cette demande cognitive plus élevée semble stimuler la croissance du cerveau. « C’est ce que l’on suppose », dit Laberge, bien que l’étude ne puisse pas montrer pourquoi ces changements se sont produits.
Un changement de taille en quelques mois seulement
Dans une deuxième étude, Laberge et ses collègues ont comparé la taille du cerveau de truites arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) qui s’étaient échappées d’une ferme piscicole au Canada et avaient commencé à vivre à l’état sauvage dans un lac, avec celles qui étaient restées en captivité. Après sept mois, le cerveau des truites qui s’étaient échappées était 15% plus massif par rapport à la taille du corps que celui des poissons captifs. Selon Laberge, cette augmentation était spécifique au cerveau. Il n’y a pas eu de changement dans la taille relative du cœur ou d’autres organes, par exemple.
Ce constat rejoint celui d’études antérieures menées en laboratoire par d’autres groupes, qui ont suggéré que le cerveau des poissons est très plastique et change de taille selon les besoins, déclare Laberge. Les poissons de laboratoire ont des cerveaux plus petits que les mêmes poissons dans la nature, et l’enrichissement de leur environnement augmente la taille du cerveau. Mais son équipe est la première à montrer que cela se produit dans la nature.
Chez les mammifères, les nouveaux neurones ne se développent que dans quelques zones spécifiques au cours de la vie adulte. Mais chez les poissons, les amphibiens et les reptiles, ce phénomène se produit dans l’ensemble du cerveau. Cela pourrait expliquer pourquoi le cerveau de certains poissons peut se développer lorsque cela est nécessaire, bien que l’équipe n’ait pas étudié ce qui se produit au niveau cellulaire.