Les fourmis de l’espèce Myromoteras possèdent un mécanisme mortel leur permettant de refermer leurs mandibules à une vitesse de 80 km/h en une demi-milliseconde, ce qui est 700 fois plus rapide qu’un clin d’œil !
Les fourmis du genre Myromoteras possèdent d’impressionnantes mandibules allongées et avec de nombreuses dents qui ne laissent aucune chance aux proies qu’elles rencontrent. Elles vivent en Asie du Sud-Est et referment leurs mâchoires sur des proies à des vitesses allant jusqu’à 80 kilomètres par heure.
À présent, et ce pour la toute première fois, des scientifiques peuvent expliquer comment ce piège dévastateur se déclenche. À savoir que l’attaque se déroule en seulement une demi-milliseconde, une action qui est donc environ 700 fois plus rapide qu’un clin d’oeil humain.
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Selon l’entomologiste Frederick Larabee du Smithsonian National Museum of Natural History, le secret de cette attaque et la manière dont les Myromoteras maintiennent leurs mâchoires ouvertes à un angle très large (280 degrés), leur permettant de stocker de l’énergie élastique qui se déclenche alors de manière soudaine. « Ce qui est intéressant, c’est que l’agencement des muscles et la façon dont les mâchoires sont verrouillées et ouvertes, diffèrent complètement des autres fourmis qui ont été étudiées jusque-là », explique Larabee. « Il semble que ce soit une évolution entièrement unique de ce système », ajoute-t-il.
Dans le cas des Myromoteras, ce mécanisme est possible grâce à l’articulation de la mandibule de la fourmi : un lobe à l’arrière de la tête se comprime, et c’est cela qui permet de « régler » le piège. Ensuite, la mâchoire est relâchée par un muscle déclencheur extrêmement rapide. Lorsque cela se produit, les Collemboles (la proie de base de ces fourmis) n’ont aucune chance de survie.
Les Collemboles sont des minuscules arthropodes qui se ont le réflexe de sauter en l’air lorsqu’ils détectent une menace. Jusqu’à ce qu’elles rencontrent leur proie, les fourmis maintiennent leurs mandibules ouvertes à un angle de 280 degrés et c’est cet angle qui permet aux mandibules de stocker l’énergie élastique nécessaire. « Ces fourmis sont rarement observées dans la nature et presque impossibles à maintenir en vie en laboratoire », explique Andy Suarez, professeur d’entomologie de l’Université de l’Illinois (USA), qui a mené la recherche avec Larabee.
Afin de déduire les fluctuations de cette mâchoire faisant office de véritable piège, Larabee et Suarez ont décidé de regarder à l’intérieur des crânes de Myrmoteras au moyen d’une micro-tomodensitométrie, qui leur a révélé la structure interne de la mâchoire ainsi que des muscles impliqués dans les mouvements de cette dernière.
Dans l’image de micro-tomodensitométrie ci-dessus, vous pouvez voir les éléments suivants : les parties bleues, rouges et blanches représentent toutes des muscles utilisés par la mâchoire (ou la mandibule) qui est représentée en violet. Plus précisément : en blanc, le muscle permettant l’ouverture de la mandibule. En bleu et en rouge, ce sont respectivement des muscles rapides et lents, responsables de la fermeture de la mâchoire.
Mais capturer en images ce phénomène a requis une approche différente : les chercheurs ont eu besoin d’une caméra ultra-rapide, capable de capturer 50’000 images par seconde, afin de pouvoir apercevoir le moment où le « piège » se déclenche. Selon les chercheurs, c’est le système d’énergie élastique qui permet aux mandibules de se refermer beaucoup plus rapidement que si celles-ci dépendaient uniquement de la force musculaire.
À savoir qu’il existe d’autres espèces de fourmis encore plus rapides. En effet, les fourmis de type Odontomachus possèdent une mâchoire qui est deux fois plus rapide lors de la fermeture sur les proies. « Les fourmis ont juste besoin d’être plus rapides que les créatures qu’elles essaient de manger, leurs mâchoires sont dans ce cas très bien adaptées pour la capture des collemboles », explique Larabee.
Le fait que ce genre de mécanisme se soit développé chez les Myrmoteras ainsi que chez d’autres fourmis, suggère qu’elles ont dû avoir besoin, à un moment ou un autre, d’être super-rapides afin de réussir à se nourrir dans le but de survivre. Sans quoi, elles auraient pu risquer de mourir de faim, ce qui aurait provoqué l’extinction de l’espèce. « Il s’agit d’une véritable course à l’armement entre prédateurs et proies », explique Larabee. « Si vous êtes une gazelle, vous devez courir très vite, et cela signifie que le guépard devra courir encore plus vite », ajoute-t-il.
À l’avenir, Larabee prévoit d’étudier la diversité de ces systèmes de mâchoires-pièges, en explorant notamment la structure de ces mécanismes, leur vitesse et leurs performances globales.