Des producteurs amateurs développent des champignons psychédéliques d’une puissance inédite grâce à des techniques avancées de sélection génétique et de manipulation cellulaire. Les variétés atteignant près de 5 % d’alcaloïdes psychédéliques dominent désormais le marché, tandis que les variétés moins puissantes se raréfient. Cette tendance pourrait exposer les consommateurs à des risques d’expériences traumatisantes, surtout en l’absence d’informations précises et de vigilance quant aux dosages à adopter.
La psilocybine, principal principe actif des champignons hallucinogènes, agit sur le cerveau en activant le récepteur de la sérotonine, l’hormone responsable du bien-être et de diverses fonctions physiologiques (réponses contractiles des tissus musculaires, agrégation plaquettaire, etc.). Cela entraîne des modifications dans l’activité de différentes régions cérébrales, certaines devenant plus actives, d’autres moins.
Ces altérations induisent une profonde modification de la conscience, provoquant la sensation d’euphorie et de bien-être recherchée par les consommateurs. La plupart des gens voient leur perception de la réalité déformée, percevant par exemple des couleurs vives et vibrantes, ou des scènes et sons inexistants. Compte tenu de ces effets, la psilocybine est explorée comme potentiel traitement pour divers troubles psychologiques, tels que la dépression et l’anxiété.
Cependant, de (parfois très) mauvaises expériences peuvent être vécues dans certains cas. Les effets dépendent notamment de la quantité consommée, de l’environnement et de l’état d’esprit au moment de l’ingestion. Paradoxalement, les champignons peuvent accentuer les sentiments de détresse chez les personnes dépressives ou anxieuses, et doivent donc être consommés avec précaution. Ils peuvent même, dans certains cas, provoquer des syndromes post-hallucinatoires persistants, incluant angoisses, phobies, confusion, voire des épisodes délirants aigus.
Or, selon Wired, les cultivateurs amateurs produisent des champignons de plus en plus puissants, ce qui expose les consommateurs à un risque accru d’expériences négatives. En cherchant à améliorer leurs cultures, ces producteurs développent des variétés à teneurs exceptionnellement élevées d’alcaloïdes psychédéliques.
Des rendements multipliés par cinq
Les variétés de champignons hallucinogènes les plus consommées, comme les Psilocybe cubensis, souffrent d’une forte « consanguinité » due aux techniques de culture rudimentaires utilisées par les amateurs depuis les années 1970. Cette consanguinité prolongée altère la qualité des produits en réduisant les rendements de substances psychoactives. Cependant, à mesure que le secteur se professionnalise, les producteurs recourent à des techniques de culture plus avancées, comme la sélection génétique et l’hybridation, pour préserver la puissance de leurs champignons, un phénotype récessif susceptible de se perdre dans une lignée consanguine.
Les progrès technologiques permettent désormais de manipuler les spores fongiques pour sélectionner les meilleures, tandis que les tests de chromatographie évaluent précisément la puissance des produits obtenus. Les producteurs s’appuient donc désormais davantage sur la science que sur les techniques traditionnelles aléatoires pour améliorer leur rendement.
Julian Mattuci, producteur amateur, en cherchant à créer une nouvelle génération de P. subtropicalis, a obtenu un rendement inattendu. En visant seulement à atténuer la consanguinité de ses champignons, il a atteint une teneur d’alcaloïdes psychédéliques de 5 %, contre 1 % généralement, après seulement trois cycles de culture.
En testant le produit à une dose équivalente à 1,5 gramme de champignons séchés, bien inférieure à celle normalement nécessaire pour induire des effets hallucinogènes, il a vécu une expérience psychédélique extrêmement puissante. « Je savais qu’ils étaient vraiment puissants, car je ne pouvais pas sortir de mon lit pendant trois ou quatre heures. La première heure ressemblait à une expérience de DMT », raconte-t-il à Wired. La DMT (diméthyltryptamine) est un puissant hallucinogène connu pour induire des expériences de « mort imminente ».
Selon le producteur, les consommateurs rapportent de plus en plus ce genre d’effet, les techniques de culture améliorées ayant produit des variétés plus puissantes. La disponibilité croissante de ces variétés, combinée au manque d’instructions précises sur les dosages, pourrait inciter les consommateurs à en consommer plus que prévu. Alors qu’environ 3,5 grammes étaient auparavant nécessaires pour obtenir les effets recherchés, ceux-ci peuvent aujourd’hui être obtenus avec seulement 0,7 gramme. Certains consommateurs ayant pris 2 grammes de ces nouvelles variétés ont déclaré avoir vécu des épisodes d’hallucinations traumatisantes.
Des variétés puissantes qui dominent désormais le marché
Les producteurs cherchent actuellement à développer d’autres variétés encore plus puissantes. Le genre Panaeolus, naturellement plus hallucinogène que les Psilocybes, voit ses variétés être développées pour devenir bien plus puissantes, souvent jusqu’à trois fois. Ces nouvelles variétés pourraient contenir des taux d’alcaloïdes psychédéliques supérieurs à 5 %, les rendant ainsi plus puissantes que toutes les espèces de champignons hallucinogènes connues.
Ces variétés super puissantes commencent à supplanter celles intermédiaires et à faible teneur en substances hallucinogènes sur le marché. « Peut-être que le marché s’oriente désormais vers les ‘psychonautes’ plus expérimentés », suggère Yoshi Amano, propriétaire de DinoSpores, fournisseur de spores sélectionnées génétiquement. « Il peut également y avoir un impératif financier pour acheter des variétés plus fortes, car cela pourrait vous offrir plus de ‘trips’ », ajoute-t-il.
Cette tendance est encouragée par des compétitions comme la Colorodo Psychedelic Cup, qui mettent en concurrence les champignons les plus puissants du marché. Des demandes de brevets sont également effectuées par plusieurs entreprises biotechnologiques pour des techniques visant à améliorer la puissance des champignons psychédéliques.