Le centre de la Voie lactée est un endroit aux conditions extrêmes. Cela est dû à la présence de Sagittarius A*, un trou noir supermassif de 4 milliards de masses solaires, à l’origine de puissants dégagements de rayons X. Jusqu’à récemment, les scientifiques ne savaient pas comment ce flux d’énergie était dissipé au sein de la galaxie. La question est désormais résolue par une équipe d’astrophysiciens ayant identifié des structures faisant office de conduits d’échappement.
Une équipe internationale d’astronomes a découvert deux canaux d’échappement — appelés « cheminées de centres galactiques » — qui semblent canaliser l’énorme afflux de rayons X loin du centre de la Voie lactée, à environ 28’000 années-lumière de la Terre. La découverte a été publiée dans la revue Nature.
« Nous émettons l’hypothèse que ces cheminées sont des bouches d’échappement pour toute l’énergie libérée au centre de la galaxie » déclare Mark Morris, astrophysicien à l’UCLA.
Toutes les galaxies sont des usines cosmiques formant des étoiles, mais leur productivité peut varier considérablement — d’une galaxie à l’autre et même au cours de la vie de chaque galaxie. L’un des mécanismes réduisant le taux de formation stellaire sont les violents dégagements d’énergie dont les trous noirs supermassifs au centre des galaxies sont à l’origine.
« La formation des étoiles détermine le caractère d’une galaxie » explique Morris. « Et c’est quelque chose d’important car les étoiles produisent les éléments lourds à partir desquels les planètes — et la vie — sont fabriquées ».
Des cheminées galactiques de part et d’autre du centre de la Voie lactée
Pour mieux comprendre ce qu’il advient de cette sortie d’énergie, Morris et ses collègues ont dirigé le satellite XMM-Newton de l’Agence spatiale européenne, qui détecte les rayons X cosmiques, vers le centre de la Voie lactée. Comme les rayons X sont émis par des gaz extrêmement chauds, ils sont particulièrement utiles pour cartographier les environnements énergétiques dans l’espace.
Dans les images qu’ils ont recueillies de 2016 à 2018 et en 2012, les chercheurs ont trouvé deux émissions de rayons X — les cheminées du centre galactique — qui s’étendent dans des directions opposées à partir du centre galactique. Chaque émission prend naissance à environ 160 années-lumière du trou noir supermassif et s’étend sur plus de 500 années-lumière.
Les cheminées sont reliées à deux structures gigantesques connues sous le nom de bulles de Fermi, des cavités creusées dans le gaz qui enveloppe la galaxie. Les bulles, qui sont remplies de particules à haute vitesse, chevauchent le centre de la galaxie et s’étirent sur 25’000 années-lumière dans les deux sens.
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Certains astronomes soupçonnent les bulles de Fermi d’être des reliques d’éruptions massives du trou noir supermassif, tandis que d’autres pensent que les bulles sont soufflées par des hordes d’étoiles naissantes. Dans les deux cas, les cheminées pourraient être les conduits par lesquels les particules à grande vitesse y parviennent.
Observer la Voie lactée pour mieux comprendre les autres galaxies
Comprendre comment l’énergie se déplace du centre d’une galaxie à ses limites extérieures pourrait permettre de comprendre pourquoi certaines galaxies ont un haut taux de formation stellaire tandis que d’autres semblent en sommeil.
« Dans des cas extrêmes, cette source d’énergie peut soit déclencher soit arrêter la formation d’étoiles dans la galaxie » déclare Morris. Notre galaxie n’est pas si extrême — d’autres galaxies ont des fontaines alimentées par des trous noirs centraux avec une masse mille fois supérieure au nôtre — mais le centre de la Voie lactée offre un aperçu de près de ce qui pourrait se passer dans des galaxies plus énergétiques.
« Nous savons que les flux et les vents de matière et d’énergie émanant d’une galaxie sont essentiels pour sculpter et modifier la forme de cette galaxie au fil du temps. Ils jouent un rôle clé dans la manière dont les galaxies et d’autres structures se forment et évoluent dans le cosmos. Heureusement, notre galaxie nous fournit un laboratoire à proximité pour explorer cette question en détail et déterminer comment les matériaux s’écoulent dans l’espace qui nous entoure » conclut Gabriele Ponti, astrophysicien à l’Institut Max Planck.